Edito de Matthias Tavel publié initialement dans l’Heure du Peuple le 23 juillet 2018, voir ici.
Le désordre règne au sommet de l’Etat. Rendez-vous compte : deux collaborateurs du président de la République en garde à vue pour avoir tabassé des manifestants le 1er mai, trois gradés de la police nationale suspendus de leurs fonctions, un ministre de l’Intérieur qui ment devant le Sénat, et pendant ce temps un Premier ministre qui badine sur le Tour de France et un Président de la République qui se tait et se terre. Et, comble du chaos, ni l’Elysée, ni Matignon, ni la place Beauvau n’ont signalé à la justice les violences commises par Alexandre Benalla dont ils ont pourtant eu connaissance depuis début mai et alors que l’article 40 du code de procédure pénale fait obligation à « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit […] d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».
Le chaos créé par les barbouzeries de la garde rapprochée d’Emmanuel Macron a déjà paralysé l’Assemblée nationale. Bien légitimement, les groupes d’opposition demandent au gouvernement de s’exprimer devant la représentation nationale sur ce qui a tout les attributs d’une affaire d’Etat. Celui-ci s’y refusant, l’examen de la révision constitutionnelle est bloqué en pleine session extraordinaire à l’ordre du jour pourtant surchargé. L’organisation chaotique des débats a cédé la place au désordre complet. Il faut dire qu’en matière constitutionnelle, LaRem donne aussi le sentiment de naviguer à vue : Emmanuel Macron a annoncé devant le Congrès le 9 juillet vouloir que le Président de la République puisse répondre aux parlementaires lorsqu’il s’exprime devant eux alors qu’un amendement le prévoyant avait été repoussé par la majorité quelques jours avant.
C’est qu’Emmanuel Macron est en fait le président du désordre. Il prétendait mettre la France « en marche ». Il l’a met en réalité sans dessus dessous. La question de la responsabilité du gouvernement et de la présidence de la République elle-même dans le désordre public des manifestations, celle du 1er mai en tête, est dorénavant clairement posée. Mais tout est à l’avenant. La réforme de l’enseignement supérieur et la création de la procédure « Parcoursup » a aggravé le désordre lié au manque de places à l’université : 97 081 candidats n’avaient reçu aucune proposition d’affectation pour la prochaine rentrée universitaire au 19 juillet, ce qui est pire que le système précédent APB qui au 14 juillet 2017 laissait 87 000 candidats en liste d’attente.
En matière économique, le macronisme sème aussi le désordre. Il suffit pour s’en convaincre de voir le pillage de fleurons industriels qu’a laissé faire Emmanuel Macron quand il était ministre ou depuis son élection : Alstom énergie, Alstom transport, Chantiers naval de St Nazaire, Alcatel etc. Récemment, le groupe étatsunien General Electric se permettait même le luxe d’annoncer qu’il ne respecterait pas les promesses d’embauches faites au ministre de l’Economie Macron lors du rachat d’Alstom-énergie en 2014. Et la liste des erreurs macronistes est longue comme en témoigne le coup de frein « brutal » sur la croissance au début de l’année 2018 notamment du fait de la hausse de la CSG sur les retraités.
Le désordre social lui n’est pas une surprise tant il est inhérent au libéralisme : suppressions boursières d’emplois chez Carrefour pendant que le PDG est gorgé d’argent, hausse des inégalités par l’injuste politique fiscale du président des riches, abandon de toute ambition pour les quartiers et villes populaires en enterrant le rapport Borloo pour se contenter de simples « stages pour collégiens de troisième », renforcement de la précarité par les ordonnances sur le code du travail, baisse du pouvoir d’achat populaire etc.
Comment s’étonner alors qu’Emmanuel Macron ne pèse en rien pour tenter de réparer les désordres du monde puisqu’il les aggrave déjà à domicile. Il a ainsi consacré à peine une minute de son discours devant le Congrès début juillet aux questions écologiques, n’évoquant ni le climat ni la biodiversité alors que certains scientifiques s’alarment que nous soyons en train de vivre la sixième grande extinction d’espèces vivantes dans l’histoire de notre planète. Le désordre est partout, jusqu’à la promesse présidentielle non tenue d’interdiction du pesticide glyphosate que le gouvernement a finalement refusé d’inscrire dans la loi.
Macron est manifestement dépassé par les événements. Le désordre européen l’a fait disparaître du tableau au profit des extrême-droites italiennes, allemandes et d’Europe de l’Est. Sa complaisance géopolitique pour Trump, Erdogan et Netanyahu attise le chaos mondial au lieu de proposer des solutions diplomatiques et pacifiques de règlements des conflits.
L’affaire est entendue. Macron est le président du désordre. Et d’un désordre injuste en plus. L’alternative insoumise ne devra donc pas seulement porter l’indispensable programme de justice, d’écologie et de démocratie dont la France a besoin. Elle devra aussi proposer l’exigence d’une forme d’ordre. Un ordre émancipateur bien sûr. Mais un ordre qui permette de « remettre à l’endroit ce que les libéraux font tourner à l’envers » comme le dit un slogan de manifestation. Un ordre qui permette aux hôpitaux de fonctionner normalement loin du désordre actuel, un ordre qui permette de remplacer les professeurs quand ils sont absents ou de rénover les écoles quand elles en ont besoin, un ordre qui permette de prévoir son revenu du mois prochain, de ne pas risquer d’être expulsé de son logement, de faire des études quand on le souhaite, de ne pas être victime d’agressions sexuelles dans la rue, dans les studios de cinéma ou dans son foyer, un ordre qui permette de mettre fin aux mafias, trafics, délinquants fiscaux et corrupteurs qui minent la vie quotidienne comme les lieux de pouvoirs.
Le besoin de sécurité, de protection pour permettre à chacun de construire sa propre vie est plus criant que jamais. Cette sécurité est de tous ordres : à commencer par la sécurité sociale évidemment. Mais aussi la sécurité démocratique que constituerait la 6e République avec un droit de révocation des élus et un droit d’initiative populaire, ou la sécurité économique permettant la préemption ou la réquisition des entreprises contre les actionnaires et patrons voyous, sans oublier la sécurité écologique et sanitaire que constitueraient le passage à une alimentation saine et la sortie du nucléaire et des énergies carbonées. L’appel à construire une société d’harmonie n’est pas un mot creux. La Révolution citoyenne sera aussi un nouvel ordre de liberté individuelle et collective.
Matthias TAVEL