L’annonce sur « l’évolution de l’organisation du contrôle et de la recherche en radioprotection et sûreté nucléaire » faite par le ministère de la transition énergétique le 8 février révèle la mise sous tutelle du contrôle et de l’expertise pour que rien n’entrave la relance du nucléaire.
Auparavant le 3 février 2023, E. Macron réunissait « un Conseil de Politique Nucléaire » oubliant visiblement que ce Conseil avait été créé par Nicolas Sarkozy en 2008 (et très peu réuni…). A ce conseil a été décidé le « lancement d’études permettant de préparer la prolongation de la durée de vie des centrales existantes à 60 ans et au-delà », suivant en cela le discours de relance du nucléaire de Belfort en février 2022.
Il n’est pas inutile de rappeler qu’à propos de prolongation, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) rappelait dans un avis de 2020 concernant celle des réacteurs de 900 MW que de « études de conception retenaient une durée de fonctionnement des réacteurs de 40 ans », et que le retour d’expérience montrait « de manière récurrente des non-conformités affectant des fonctions de sûreté »..
Autrement dit, l’IRSN émettait de sérieuses réserves sur les possibilités techniques de prolongation des réacteurs au-delà de 40 ans, et exigeait des travaux souvent d’ampleur, restant en cela dans sa mission d’expertise concernant la sûreté nucléaire.
Faut-il donc s’étonner si le 8 février le gouvernement décide que « les compétences techniques de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) seront réunies avec celles de l’ASN, en étant vigilant à prendre en compte les synergies, avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la Défense » ?
La création en 2001 de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) correspondait à une séparation des fonctions d’expertise et de contrôle. En 2006, lors de la création de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, était précisée la mission d’appui technique de l’IRSN à l’ASN. Et en 2014, dans un document transmis au gouvernement, l’ASN et l’IRSN affirmaient « nécessaire de conforter le dispositif dual de contrôle de la sûreté nucléaire »
Il est clair que la décision surprise du 8 février – l’IRSN n’ayant été informée qu’une heure avant la presse - signifie un démantèlement de l’IRSN pour rattacher respectivement ses activités d’expertise en sûreté nucléaire et en radioprotection à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ses activités de recherche au CEA et ses activités d’expertise en sécurité nucléaire au DSND.
Il est également clair que ce démantèlement traduit la volonté d’aller à marche forcée vers cette relance du nucléaire exigée par E. Macron en février, traduite également par la prochaine loi sur l’accélération nucléaire. Les obstacles sont en effet nombreux, entre les pertes de compétences industrielles, les manques de formation, l’état de préparation de l’EPR2 ou des SMRs.
En démantelant et en mettant ainsi sous tutelle serrée l’IRSN, le gouvernement va jusqu’au bout de cette logique qui veut que rien ne doive gêner ce qu’il faut bien appeler un dogme : celui de la toute-puissance française en matière de nucléaire. Sans mesurer les conséquences en matière de sûreté que cette décision risque d’entraîner…
Alors que l’année dernière a été la plus mauvaise en terme de production d’électricité nucléaire pour des raisons diverses, alors que le supposé fleuron de l’industrie nucléaire accumule les surcoûts et les retards, on ne peut accepter que la radioprotection et la sûreté nucléaire soient ainsi soumises à des impératifs politiques de production.