La Première Ministre a fait le choix, ce jour, de clôturer une période de brutalité inédite pour la démocratie et le débat parlementaire en recourant, pour la dixième fois en trois mois, aux dispositions de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution afin de faire adopter en lecture définitive son projet de loi de finances pour 2023. Une brutalité inédite qui devient désormais un mode de gouvernement puisque utilisé également pour l’adoption du PLFSS et probablement pour la future réforme des retraites.
Le respect de la démocratie parlementaire et le climat politique actuel imposeraient pourtant une toute autre méthode. Des parlementaires, des militants et des citoyens sont aujourd’hui violemment attaqués par des militants d’extrême droite, qui perpétuent dans la rue les propos racistes et xénophobes tenus par des parlementaires du Rassemblement National dans notre assemblée. Ces attaques dangereuses pour la démocratie nous rappellent les méthodes et le projet porté par l’extrême droite. Dans ce contexte, le Gouvernement devrait être irréprochable dans son respect de nos institutions, de notre Assemblée et des parlementaires.
Lors des élections législatives de juin 2022, les Françaises et les Français ont fait le choix de ne pas donner de majorité au Président de la République à l’Assemblée nationale, l’invitant à rompre avec la pratique verticale du pouvoir qui avait été la sienne lors de son premier mandat.
Pourtant, en déclenchant à cinq reprises les dispositions de l’article 49.3 sur le projet de loi de finances pour 2023, le Gouvernement a fait le choix inverse, celui de la force et de l’autorité, afin d’appliquer tambour battant son agenda néolibéral injuste et inégalitaire, en faveur d’un petit nombre. Ce projet de loi de finances traduit l’impossibilité du pouvoir en place de proposer un horizon de justice sociale et écologique à notre peuple.
Il a ainsi refusé le débat sur des sujets fondamentaux qui sont au cœur des préoccupations des Françaises et des Français. L’Assemblée nationale n’aura ainsi jamais pu débattre du budget de l’Éducation nationale, de l’augmentation du nombre d’enseignants et de leur rémunération.
Elle n’aura jamais pu débattre du budget de l’Enseignement supérieur et de la baisse récurrente des dépenses par étudiant depuis plus de 10 ans.
Elle n’aura pas débattu de la justice fiscale et du transfert d’impôt continu des entreprises vers les ménages, qui se traduit cette année par la suppression de la CVAE pour près de 8 milliards d’euros.
Elle n’aura pas non plus débattu de la politique du logement, dont le financement n’a cessé de baisser depuis 5 ans, conduisant à l’accroissement de la pauvreté et du mal-logement.
Elle n’aura pas non plus discuté du financement de l’audiovisuel public, en particulier du service auquel nous sommes particulièrement attachés, et que nous défendons face à celles et ceux qui veulent le supprimer.
Elle n’aura pas pu débattre du financement des collectivités territoriales, qui constituent les premiers maillons de la République et qui se trouvent dans une situation financière particulièrement préoccupante ;
Elle n’aura pas non plus discuté du financement de l’aide publique au développement, dont le Gouvernement continue de s’accaparer une partie du financement via le plafonnement de la taxe sur les transactions financières.
Cette obstination à refuser le débat parlementaire est ainsi devenue la principale caractéristique de ce Gouvernement. Elle ne constitue cependant pas son seul marqueur d’autoritarisme.
Lorsque les débats ont pu avoir lieu, le Gouvernement a malgré tout fait le choix de s’en affranchir, en écartant de nombreux amendements pourtant adoptés par la représentation nationale, comme ce fut le cas pour la mission Outre-Mer ou encore concernant les crédits alloués à la rénovation thermique des bâtiments ou au développement du rail.
Usant de tous les outils et de toutes les procédures à sa disposition, le Gouvernement a fait le choix de la brutalité à l’encontre de l’Assemblée Nationale et du peuple français, afin de pouvoir poursuivre la politique menée tambour battant depuis cinq ans : une politique d’injustice sociale et fiscale, d’inaction climatique et de casse du service public. Dans ces conditions, nous, députés de la Nation, demandons, en application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution et des articles 153 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, la censure de ce Gouvernement.