Allocution du deuxième tour des élections législatives de la #NUPES

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Le 19 juin 2022, Jean-Luc Mélenchon prononçait une allocution suite aux premiers résultats du second tour des élections législatives. Il s’est exprimé dans la salle de l’Elysée Montmartre puis devant la foule présente devant les lieux. Ont également pris la parole : Corinne Narassiguin (PS), Julien Bayou (EELV), Sophie Tallié-Polian (Génération.s) et Igor Zamichiei (PCF).

Retrouvez ci-dessous le discours prononcé par Jean-Luc Mélenchon :

Discours dans la salle

« Je vous invite pour vous faire une opinion définitive, à attendre avec impatience que les chiffres des grandes villes remontent pour qu’on sache vraiment où nous en sommes. Quoi qu’il en soit, nous observons qu’une fois de plus nous aurons été sous-estimés avant, et moi pendant. Mais pour être à la mesure du moment, même si nous n’avons pas de résultats suffisamment définis pour pouvoir les commenter utilement, voyons ce qui se présente. C’est une situation totalement inattendue, absolument inouïe. La déroute du parti présidentiel est totale et aucune majorité ne se présente. Nous avons réussi l’objectif politique que nous nous étions donné en moins d’un mois de faire tomber celui qui, avec autant d’arrogance, avait tordu le bras de tout le pays pour être élu sans qu’on sache pour quoi faire.

La France s’est exprimée et il faut le dire, insuffisamment. Le niveau de l’abstention est encore beaucoup trop, ce qui signifie qu’une immense partie de la population ne sait de quel côté se tourner. Tant et si bien que les trois blocs qui étaient apparus à la sortie de l’élection présidentielle continuent à être voisins dans des proportions quasi identiques. Sans que l’on sache à cette heure si la percée de la NUPES le place en première ou en deuxième position. Mais c’est au total et avant tout l’échec électoral de la macronie. C’est l’échec, plus grave, l’échec moral de ces gens qui donnaient des leçons à tout le monde sans arrêt et qui se prétendaient le barrage à l’extrême droite et qui auront ont eu pour principal résultat d’en avoir renforcé les rangs et sur 65 face à face entre la Nupes et le Rassemblement national, les donneurs de leçons de la macronie ont été incapables de donner une consigne claire dans 52 cas. Ce qui les disqualifie, me semble t il dorénavant, à faire des leçons de morale pour qui que ce soit.

Quel bon débarras d’avoir vu après Monsieur Blanquer éliminé dès le premier tour, voire éjecter l’éborgneur Castaner et l’injurieuse Montchalin.

Mon message ce soir, une fois de plus, est un message de combat. Des opportunités incroyables vont se présenter devant vous et en particulier devant vous la jeune génération qui êtes celle qui appelle avec le plus de force à la rupture avec ce monde et ses règles d’organisation. Des opportunités, parce que vous disposez d’un magnifique outil de combat dont vous aviez été privés pendant tant de temps. Cet outil, c’est la Nupes. Ce sont ses parlementaires, ouvriers, ouvrières, salariés de tous ordres, de toutes les régions de France, arrivant par dizaines sur les bancs de l’Assemblée nationale. Le Macronisme ne s’est pas seulement mis en faillite lui-même, il a plongé le pays dans une impasse.

Et tout à l’heure, déjà, nous avons entendu qu’il s’agissait de dépasser les clivages. Il n’y a aucun clivage à dépasser avec nous parce que nous ne sommes pas du même monde. Nous ne visons pas les mêmes objectifs. Nous n’avons pas les mêmes valeurs. Nous ne croyons pas au même futur et comme nous pensons qu’ils le savent. Alors, nous en concluons qu’ils se préparent à d’autres ententes, peut-être.

Toujours est-il que si nous sommes à la fin de la soirée, la Nupes, à qui par diverses manœuvres on a déjà commencé par retirer quasiment 21 députés des Outre-mer, et à commencer par ceux de la Réunion ou six sièges sur sept sont emportés par des députés qui voteront la confiance à un gouvernement de la Nupes. Je veux vous dire que toutes les possibilités sont dans vos mains.

Quant à moi, je change de poste de combat, mais mon engagement est, demeurera, jusqu’à mon dernier souffle, dans les premiers de vos rangs, si vous le voulez bien. Le grand jaillissement oui, le grand jaillissement de l’histoire du plus profond de ce qu’est la France des rébellions et des révolutions. Oui, ce grand jaillissement, dorénavant, a un visage le visage de notre collectif, celui de l’Union populaire. Les défis les plus inouïs vont s’accumuler devant vous. Que ce soit le changement climatique, que ce soit la grande crise financière. Par quelque côté que vous voyez ce monde finissant, c’est à chaque fois des réponses fulgurantes qu’il faudra apporter. Pas un instant, nous ne renoncerons à l’ambition d’être ceux qui gouvernent ce pays et qui l’amènent à un autre horizon. Pas un instant, les salariés ne baisseront les bras. Pas un instant, les jeunes ne se diront fatigués de la lutte.

Ne doutez pas de vous même. Ne cédez jamais à l’impatience. Pensez que chaque difficulté a deux visages : celui qui s’oppose à vous et celui de l’opportunité qu’elle vous propose. Plus grands sont les bouleversements, plus grandes sont les opportunités. La France est une nation politique quand bien même elle s’abstient beaucoup. Et même quand elle le dit par son abstention. Ne méprisons jamais notre peuple. Écoutons toujours avec attention tout ce qu’il dit, car, dans sa patience infinie, il a montré qu’il était capable de trancher, de décider, d’avancer. Et tel est le mandat que vous avez ce soir. Demain matin, peut-être que vous vous réveillerez avec une majorité de la Nupes l’Assemblée nationale ou bien avec le premier groupe. Aucun tripotage, aucun arrangement ne nous privera de cette possibilité. Et si ce n’est pas le cas, alors vous regarderez d’abord la puissance formidable que vous avez accumulée.

Vive la France, vive la République !

Discours devant la salle 

C’est les montagnes russes ! On a gagné, on n’a pas gagné, on a gagné, on n’a pas gagné… Le tout, c’est de ne pas perdre pied en soi même. Je vois vos figures, vous avez l’air assez jeune en moyenne. Il y en a manqué aujourd’hui, mais ce n’est pas de votre faute. Donc j’espère que vous êtes à fond dedans, à fond. Pas juste un peu, d’accord ? À fond. Ça veut dire que tout d’un coup, vous allez sentir au bout des doigts, ça picote. Ca picote. C’est quand l’histoire vous passe au bout des doigts. Et des fois, ça ne picote pas, c’est que c’est raté. Là, ça picote dur depuis un moment. La présidentielle. Et puis là. On ne sait pas où on en est en vérité !

Je pense que beaucoup d’entre vous sont en avance de conscience sur une bonne part de notre peuple et des gens qui nous entourent. C’est à dire que moi, j’aime pas peindre les tableaux en noir pour tout rendre compliqué et désespéré. Ce n’est pas ma manière de voir la vie. Qu’il y ait des difficultés, des obstacles… Mais c’est l’existence même ! Personne n’a demandé à naître, je vous signale. Les gens se préoccupent beaucoup de l’au-delà, mais rarement de l’en-deçà. Personne n’a rien demandé. D’ailleurs, quand vous arrivez, vous arrivez en hurlant et le poing fermé. Donc ça prouve bien qu’il y a un problème dès le départ. Donc on arrive comme ça, et puis après on fait. C’est à dire que la machine humaine est construite pour que sans cesse vous deveniez maître de vous-même. Alors c’est plus ou moins réussi, l’obstacle social là, mais c’est ça qui le poussera. Ce jaillissement de la vie, rien ne peut l’arrêter sinon vous même si vous en prenez hélas la décision, mais sans cesse la vie va vous proposer à la fois le défi et le défi, comme il secoue l’ordre des choses, comme le défi bouscule les lignes du présent. Et en même temps, il vous fait une proposition. Vous voyez tout d’un coup une faille, quelque chose qui vous amène, un bout de lumière. Couic. C’est de ce côté là qu’il faut courir.

Donc là, en ce moment, ce soir, je vois bien que la situation présente cette caractéristique. Nous sommes un grand pays, c’est à dire un pays puissant, un pays rempli de richesses. Alors vous n’en voyez pas trop la couleur, mais il n’a jamais été aussi riche de toute son histoire. Le niveau de formation de sa population n’a jamais été aussi élevé et pourtant on a l’impression d’être à la ramasse et ce qui se présente, c’est quelque chose d’immense. D’abord, cette histoire de changement climatique et de sécheresse. Ça, ils peuvent faire ce qu’ils veulent, ça, ils ne peuvent pas l’empêcher. C’est irréversible et c’est de leur faute. Donc, il va bien falloir faire quelque chose. Et tout dépend quels principes vous mettez au poste de commandes. Si c’est on se serrent les coudes ou chacun pour soi, on installe des tuyaux pour amener de la flotte ou aller acheter votre bouteille d’eau. D’accord ? Donc, les deux grands principes qui organisent la pensée politique de ce pays depuis la grande révolution de 1789, ils sont en mouvement, ils sont là. Qui les prend en charge ? Qui va le faire ? Normalement, vous avez des institutions. Il y a tout un appareil qui est destiné à vous faire fermer votre bouche. Il fonctionne à plein en ce moment, on a eu à peu près trois semaines d’injures non-stop. J’ai lu des textes fantastiques, une page entière. Il doit y avoir 400 lignes, 500, de Bernard-Henri Lévy, que des injures. Et c’est du travail quand même. Il faut arriver à trouver 400 fois des horreurs à dire sur mon compte. Tout y passe. Alors après, il y a tous les fantaisistes qui sont là. Il y en a un qui dit « Mélenchon il veut crever la caisse avec 100 milliards », l’autre à côté « non 150 ». Très bien, va pour 150. On en était hier à 160. Le mal qu’ils se sont donnés pour faire peur pendant trois semaines. Et puis bon, il y a toutes sortes de gens pas malins qui ont dit « ah là là mon dieu, les chars soviétiques de Chavez vont arriver. Catastrophe ! ».

Bon, mais ces défis qui arrivent, on va les relever avec une force qu’on n’avait pas et la machine à faire tenir les gens en place elle est bien secouée ce soir parce que de toute façon on l’a battu. Il n’a pas la majorité. Ce n’est pas rien. Avec trois bouts de laine et quatre bouts de ficelle, on a fini par y arriver. Juste par entêtement, par ténacité, par opiniâtreté et parce qu’on a été tout le temps, tout le temps, tout le temps. On ne s’arrête jamais. Voilà. Alors on l’a battu. Il n’a pas de majorité et comme il n’a aucun principe, il commence déjà la danse du ventre devant n’importe qui, qui veut bien l’aider à gouverner. Vous verrez qu’il finira par cirer les pompes de madame Le Pen. Mais oui, pour l’instant, on en est juste à ce petit moment, où, il faut apprécier ça. Parce que quand même, avoir jeté Castaner l’éborgneur… Je ne fais pas toute la liste, mais ça fait du bien, ça fait du bien. Vous lisez la liste… Et là, on a, on arrive. Ce qui a d’extraordinaire, c’est qu’on a une force. Bon, la moyenne d’entre nous est pas meilleure que la moyenne des êtres humains en général. Mais là, on est dans le moment, où on va jeter le meilleur de soi-même dans le combat. Vous regarderez bien la liste demain, les amis. Vous me ferez ce plaisir. Vous regarderez la liste des élus de la Nupes et pardon si je plaide un peu pour ma chapelle, pour les insoumises et les insoumis. C’est un bonheur de voir des gens du rang. Alors on cite souvent Rachel Kéké. Mais il y a aussi ceux qui ont bien fait le boulot avant. Je pense à Caroline Fiat, l’aide soignante, et ses camarades. Je ne vais pas faire toute la liste, mais j’ai une belle force qui est là et il faut maintenant qu’ils jettent le meilleur d’eux-mêmes dans ce qui va arriver. C’est à dire que pour ce qui me concerne, nous allons faire que ce soit une seule et même chose notre mouvement et nos députés. Ce n’est pas deux catégories. On va essayer de lancer tout ça dans la bataille dans tout le pays. Moi, j’ai enfin le droit de me balader tranquillement. Je vais pouvoir aller à un endroit à l’autre sans être pressé par la vie parlementaire. Je vais pouvoir passer ce temps avec les gens parce que j’ai aussi besoin, moi, de me réimprégner. Vous comprenez ? J’ai vécu trop coupé de tout. Vous savez comme quand on fait ce que je fais, au bout d’un moment, on ne voit plus personne. Et puis, quand par hasard, vous voyez quelqu’un qui vous dit ? Vous pensez qu’il vous dit bonjour ou bravo ? Il vous demande une photo. Voilà. Moi, maintenant, ça fait 19 mois que ça dure.

Bon, vous allez avoir tout ça devant vous. Par conséquent, ne croyez pas que si vous me voyez arriver comme je suis là en ce moment, c’est parce que la réalité m’échapperait. C’est tout le contraire. Plus grands sont les défis, plus grandes sont les opportunités. Plus le vieux monde pourrit dans lequel nous vivons a du mal à se maintenir en place politiquement, plus la possibilité est grande pour nous. Plus le capitalisme a du mal à nuire, plus la possibilité du solidarisme est là. Un dernier mot sur ce qu’on est. Parmi toutes les choses qu’on a fait ensemble, pas par moi tout seul, surtout faites pas ça. Moi, j’ai toujours dit que je n’aimais pas qu’on crie mon nom. Tout ça, ça me paraît dérisoire. Les slogans l’Union populaire, Nouvelle Union populaire, résistance, ça me va. Mais pas les choses qui sont trop personnelles parce que ça donne l’impression que c’est suspendu au fil d’un bonhomme. Et ce n’est pas le cas. Mais pardon de vous dire que peut être ma plus grande satisfaction, c’est d’avoir fait du mot insoumis une caractérisation qui est une caractérisation qui est une appellation non seulement politique, ça décrit un mouvement, mais ça décrit une manière d’être soi-même. Être insoumis c’est ne pas accepter l’ordre des choses. Ça veut dire qu’on retire la domination qui est sur soi et c’est exactement la racine du mot émancipation. On s’émancipe, on se libère soi même. Libérez vous de vos préjugés, de vos préjugés de genre, de vos préjugés de classe, de vos préjugés d’adresse. Libérez vous, libérez vous pour libérer la société.

Libérez vous de la cupidité, libérez vous du mépris. Et si vous commencez à voir dans chaque visage humain, non pas ce qui est différent d’avec vous, mais de ce qui est semblable. Alors tout d’un coup, vous deviendrez cet être inouï qui s’appelle être l’humanité. Et c’est à ça que ça sert d’être un insoumis, une insoumise, voilà.

Vous êtes beau comme un matin qui se lève. J’ai confiance. À plus les petits ! »

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