Service public de santé : nous avons besoin de restaurer entièrement notre système de santé.

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En prenant l’exemple du Centre Hospitalier Ariège Couserans (CHAC) de Saint-Lizier (09), Michel LARIVE a interpellé la Ministre Brigitte Bourguignon sur le besoin impératif de restaurer entièrement notre système de santé. 

« En 2000, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) jugeait que la France avait les meilleurs services de santé au monde, pour une dépense annuelle équivalente à 9,5% de son PIB. Par comparaison, les États-Unis étaient placés à la 37e place du classement pour une dépense de 13,3% de leur PIB.

Mais deux décennies plus tard, la France ne figure même plus dans le top 10 mondial pour la qualité des soins, alors que nos dépenses de santé ont évoluées à 12,4% du PIB en 2020.

De multiples réformes ont abouti à la faillite non seulement économique mais aussi morale et philosophique de notre modèle national de service public de santé. La privatisation d’une part croissante de notre système de santé participe par ailleurs d’une dérive vers la marchandisation de la santé. Et je crains malheureusement que l’actualité de ces derniers jours, je veux parler du scandale des EHPAD Orpéa, ne révèle que la face émergée de l’iceberg.

L’obsession de rentabilité s’est traduite par des économies d’échelle déraisonnables.

Selon les chiffres de la statistique annuelle des établissements de santé fournis par la Drees, en 2017, 4900 lits fermés - en 2018, 4200 - en 2019, 3100 – et en 2020, en pleine pandémie mondiale, 5700 lits fermés !

Jusqu’où va-ton aller ?

Depuis des décennies il n’y a jamais eu d’objectifs clairs en termes de nombre de lits ou de personnel soignant dans les lois de financement de la sécurité sociale, seulement des objectifs de réduction des dépenses.

C’est tout le contraire qu’il faudrait faire, sachant que la population augmente et vieillit, et que les maladies chroniques liées au stress, à la malbouffe et aux pollutions diverses ne cessent d’augmenter.

Monsieur le Ministre vous aviez déclaré en octobre 2020 que vous en aviez « fini avec le dogme de la fermeture de lits ». Mais un an plus tard, d’après le Conseil Scientifique, ce sont désormais un lit sur cinq qui sont fermés, cette fois parce qu’il n’y a plus assez de personnel pour s’en occuper !

L’ampleur de la déstructuration des hôpitaux n’est pas le fait de la crise sanitaire. Celle-ci n’a fait que révéler l’existant. C’est bien l’inverse qui s’est produit. Et c’est justement parce que l’hôpital était dans cet état de déliquescence avancé qu’il n’a pu absorber l’impact de la crise sanitaire. Non l’inverse !

Jusqu’ici notre système de santé tient bon grâce au dévouement et au sens des responsabilités de nos soignants. Ils et elles ont enduré des conditions de travail exécrables, et n’ont pas compté leurs heures, jusqu’à mettre en péril leur propre santé physique et mentale.

Je tiens encore une fois ici à saluer leur engagement admirable au service de la santé et du bien-être des populations, en dépit du mépris dont ces personnels font encore l’objet, de la part de l’administration et de nombreuses directions d’établissement.

Je vous ai déjà interpellé à plusieurs reprises depuis que vous êtes en charge, monsieur le Ministre, à propos des limites du Ségur de la santé notamment. Les revalorisations proposées ne représentent que 183€ par mois en moyenne, ce qui est bien en-dessous des 300€ net réclamés par les organisations syndicales. De plus, de nombreux métiers essentiels ne sont toujours pas concernés par ces revalorisations, ce qui crée une discrimination inacceptable entre des membres d’un même collectif de travail.

Dites-nous, monsieur le Ministre, comment comptez-vous susciter à nouveau les vocations dont nous avons besoin sans proposer des salaires décents ?

Ce qui nuit aussi à l’attractivité des métiers du soin et pousse une partie du personnel à démissionner, ce sont les techniques de management déshumanisées employées dans de nombreux établissements. Elles ôtent parfois tout sens à ces métiers.

Pour illustrer mon propos et pour rappel, je vous avais alerté par courrier en juillet 2020 sur le climat social délétère qui règne depuis des années au centre hospitalier Ariège-Couserans (CHAC), dans ma circonscription. J’avais rencontré le directeur de l’établissement, les représentants du personnel et du comité de défense de l’hôpital. J’avais même été interpelé directement, fait assez rare, par un groupe de médecins urgentistes qui s’inquiétaient de la rupture du dialogue avec le directeur.

Je vous avais demandé de faire intervenir vos services pour mettre en place une médiation entre la direction et des personnels désabusés. Mais un an-et-demi plus tard, rien n’a changé, et une partie du personnel écœuré quitte maintenant l’établissement ou bien s’apprête à le faire.

Les tensions en termes de personnel sont telles que 10 lits de court séjour gériatrique ont dû être supprimés, par manque de personnel. Pire encore, le service des urgences, pourtant vital dans ce territoire rural enclavé du Couserans, a dû fermer quelques jours, entre le 17 et le 21 novembre dernier, car il n’y avait plus assez de personnel pour le faire fonctionner.

Cet événement a entraîné une prise de conscience chez de nombreux élus locaux. Ils et elles se mobilisent depuis pour demander des comptes au conseil de surveillance de l’hôpital, mais aussi à la direction et à l’ARS.

Un audit récent doit rendre ses conclusions prochainement, mais je suis peu optimiste. Il y a un an il eût été possible, peut-être, de réconcilier la direction et son personnel, mais les choses sont allées trop loin et aujourd’hui, c’est le départ du directeur et de ses proches collaborateurs qui est demandé.

Cet exemple local est représentatif de ce qui nous est rapporté un peu partout dans le pays. Mon cabinet a encore tout récemment été contacté par une infirmière désespérée travaillant au CHU de Toulouse. Elle dénonce la violence institutionnelle dont elle fait l’objet, comme d’autres de ses collègues. Une violence qui l’a poussée à tenter de se suicider sur son lieu de travail.

Ce type de récits me glace le sang et me met en colère !

Ces faits sont symptomatiques de la crise structurelle des hôpitaux publics et plus généralement de notre système de santé. L’heure n’est plus aux demi-mesures. Nous avons besoin de restaurer entièrement notre système de santé.

Monsieur le Ministre, je vous le demande : quand allez-vous proposer une vraie revalorisation des métiers de la santé et du médico-social ?

Et quand allez-vous mettre un terme aux pratiques de management inhumaines qui poussent tant et tant de personnels qualifiés à renoncer à leur métier ? »

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