Le 17 avril à l’instigation de Yannick Jadot a eu lieu une réunion des gauches et des écologistes où Éric Coquerel représentait Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise. Une nouvelle réunion a lieu lundi 24 mai. Voici la lettre que nous adressons aux participants avant cette réunion
Bonjour,
Nous avons reçu très tardivement votre invitation et nous avons appris l’existence de cette réunion par la presse. Pourtant je vous confirme ma présence. En effet, les événements qui se sont déroulés autour de la manifestation organisée par des syndicats de police devant l’Assemblée nationale, nécessitent entre nous un débat franc et sincère. Certains se sont joints aux organisations policières factieuses qui veulent « faire sauter la digue de la constitution et de la loi », menacent ceux qui refusaient de se joindre à elles et demandent à « la justice de rendre des comptes ».
Il ne peut pas être question pour la France insoumise de transiger sur des questions aussi essentielles que le principe de la séparation des pouvoirs ou le devoir d’obéissance et de respect de la police face au pouvoir législatif. Il est inconcevable pour nous de prétendre proposer une alternative au pays en participant à une surenchère sécuritaire organisée par la droite et l’extrême-droite. Nous n’avons nullement l’intention de banaliser le signal donné par certaines forces politiques ou candidats en se joignant à cette manifestation aux côtés du ministre de l’Intérieur et de responsables politiques de la droite et de l’extrême-droite et de leurs chroniqueurs. Nous ne pouvons accepter d’aucune façon la philosophie qui conduit à la proposition du PS d’étendre le pouvoir de la police dans le domaine de la justice. Personne ne comprendrait cela. Et ceux qui ont été indignés par ce choix ne comprendraient pas qu’on ne procède à aucune clarification.
Ce sujet de désaccord fondamental est venu s’ajouter à la remise en cause de l’ensemble des éléments dont nous avions convenu après la réunion du 17 avril dernier.
Nous avions convenu d’un pacte de respect mutuel ? Celui-ci a été rompu moins d’une heure après qu’il ait été décidé, par le premier secrétaire du PS donnant des conclusions faussées de la réunion et obligeant de fait d’autres participants à réagir. Et depuis, dans les Hauts-de- France où nous avions pourtant été la cheville ouvrière du regroupement, nous avons été exclus de tout accord sur les départementales. En PACA, c’est pire : nous avons été exclus à la fois du regroupement pour la régionale et pour la départementale en dépit de la percée du RN. Dans ces deux régions le rapport de forces avec le RN exigeait une tout autre attitude que ce sectarisme irresponsable vis à vis de nous, des collectifs citoyens et de diverses autres formations de la gauche régionale. Il s’y est ajouté ensuite une campagne de mensonges pour faire croire que cette situation serait de notre fait et de notre choix. Que les responsables de ce fiasco aient honte de leurs choix se comprend. Mais pourquoi ne les assument-ils pas ?
Ce n’est pas tout. Nous avions convenu de construire des mobilisations communes ? Avec un certain nombre des présents à la précédente réunion, nous nous sommes retrouvés pour nous opposer à ce rassemblement. Mais aussi surtout pour organiser le 12 juin une mobilisation pour les libertés et contre les idées d’extrême-droite. Trois partis ici ont d’abord refusé, sous divers prétextes, de s’y associer. Heureusement ils ont changé d’avis au lendemain du scandale de leur participation le 19 mai même si PS et PCF continuent à appeler séparément et avec des réserves.
Nous avions convenu de poursuivre un dialogue sans exclusive ? Depuis, il existe de fait un niveau de coordination entre le PS et EELV qui ont déjà entrepris une discussion sur les élections législatives de 2022.
Notre question est simple : à quoi bon ces réunions si aucune décision n’est respectée et si les véritables discussions se déroulent ailleurs ? Nous croyons que les représentants d’EELV et du PS ont déjà décidé de s’accorder en excluant ceux qui leur déplaisent comme en PACA et dans les Hauts de France.
C’est bien leur droit et il est incompréhensible là encore qu’ils ne l’assument pas publiquement. Pourtant une question reste posée : quelle est la légitimité des mandats du PS et d’EELV dans cette réunion ? En effet ni l’un ni l’autre n’ont encore tranché des questions essentielles comme l’orientation pour ou contre ce regroupement ou sur la personne de leur candidat ? Avant un congrès du PS, une primaire prévue dans les statuts du PS et une investiture présidentielle à EELV, quel est le sens de nos discussions ? Nous ne voulons pas être utilisés pour faire pression sur les choix des militants de ces deux organisations.
Nous pourrions nous rencontrer pour parler d’actions de terrain en commun. Mais précisément certains ne veulent pas de cela.
Dans ce contexte, nous n’allons pas faire semblant de croire que tout est clair au moment même où de nouveaux sujets de désaccords sont apparus encore plus clivants. Ne semons pas cette illusion. Elle ferait long feu et ne ferait que dégoûter davantage ces millions de personnes parfaitement capables de discerner le jeu de rôle qui se joue à cette occasion.
Par contre je suis certain que nous pouvons à l’avenir nous rassembler plus fortement et plus sincèrement encore avec beaucoup qui sont ici. Un cadre collectif très large unissant syndicats, associations, collectifs citoyens, partis politiques, personnalités, s’est mis en place pour préparer la marche du 12 juin en défense des libertés.
Nous pensons qu’il peut être un cadre beaucoup plus clair et beaucoup plus utile pour mener la contre-offensive face au macronisme, à la droite et à l’extrême droite.
Pour le reste, nous restons disponibles, comme nous l’avons dit depuis plusieurs mois, pour participer à toutes les initiatives qui permettront d’éclairer sincèrement les citoyens sur nos points de convergence et nos points de divergence. Aucune confrontation programmatique ne nous parait de trop. Mais nous avons cru comprendre que vos projets seront connus après vos congrès et investitures. Nous verrons donc le moment venu ce que vous souhaitez faire.
Éric Coquerel