A l’approche de ce 1er mai 2021 qui se profile, un peu de muguet, porte-bonheur depuis la Renaissance, serait bienvenu dans cette période de malheur et de déclin. Loin d’être sombre ou pessimiste, je préfère appréhender cette nouvelle journée internationale des droits des travailleurs avec une envie de renouveau.
La pandémie est venue achever un capitalisme et sa logique d’intérêts privés déjà mal en point et permet à chacun de mesurer l’importance des biens communs. Qu’il s’agisse de l’hôpital public, des transports publics ou encore de notre capacité à produire un vaccin, chacun comprend aujourd’hui que l’abandon de notre industrie, les privatisations de nos fleurons, les délocalisations sauvages pour être compétitifs ne répondent pas aux attentes légitimes des citoyennes et des citoyens français. La période de crise a mis en lumière les limites systémiques d’un modèle économique à bout de souffle.
Investir le pavé ce 1er mai 2021 prend tout son sens dans ce contexte. N’oublions pas que les origines du 1er mai sont liées à la réduction du temps de travail pour passer à la journée de huit heures.
Le sujet est toujours brulant d’actualité alors que les courbes de chômage, pourtant loin de la réalité, sont déjà alarmantes.
Partager le temps de travail et les richesses produites sont les seules issues possibles pour garantir à toutes et à tous un avenir commun. Le virus est venu rappeler à chacun, pauvre ou riche, que nous sommes liés, par la maladie et par le traitement de cette maladie. Nous n’avons pas les moyens de l’individualisme capitaliste, c’est devenu un enjeu de survie mondial.
Le choix des médicaments, des vaccins, des investissements dans la recherche devrait relever exclusivement de la politique et de la stratégie nationale et ne devrait pas être soumis au lois du marché et aux privatisations. Il n’est pas trop tard pour réquisitionner les sites de Sanofi, par exemple celui de Chilly-Mazarin ou le secteur de recherche a été purement et simplement supprimé au plus fort de la pandémie. L’État a beaucoup investit dans Sanofi, n’est-ce pas le moment que les citoyens s’y retrouvent ?
Et si nous devons augmenter les nombres de lits dans les hôpitaux, nous pourrions également relocaliser les productions industrielles en réquisitionnant le site Luxfer, le dernier producteur en France de bouteilles d’oxygène à usage médical.
Les enjeux pour l’éducation, le transport sont de même nature et confirment que le service public est un investissement citoyen qui devient vital en période de crise. Alors que l’État revient au capital d’Air France, il envisage de privatiser la RATP bus. Un pas en avant et deux pas en arrière, car la logique est à la finance. Une finance et qui prospère grâce à la loi du marché, qu’elle a dessinée, et qui ne semble pas souffrir de cette période de crise, bien au contraire.
Selon les échos, les grandes entreprises ont reversé plus de 57 milliards d’euros de dividendes en 2018 à leurs actionnaires, 60 milliards en 2019, et après avoir fait preuve de modéreantion en 2020 avec « seulement » 28,5 milliards distribué, elles s’apprêtent à en verser encore 51 milliards cette année ! Ainsi, aux USA, le patron de Tesla a multiplie par 6 sa fortune durant l année de la pandémie 2020 , une fortune se montant à 480 millions par jours.
Que dire de ceux qui trouvent dans cette crise une opportunité indécente de prospérer sur le dos de la maladie à l’instar du PDG du labo pharmaceutique du vaccin Moderna devenu milliardaire, ou encore des récentes augmentations du prix du vaccin Pfizer alors que ces brevets devraient au contraire être dans le domaine public.
En une année de crise, les milliardaires français ont vu leurs fortunes enfler de 175 milliards supplémentaires pendant que les étudiants faisaient la queue des banques alimentaires pour se nourrir. Il y a évidemment un lien immédiat entre les deux.
Les gouvernements qui se sont succédés se sont évertués à dénigrer les fonctionnaires et l’importance de leur rôle dans notre démocratie pour pouvoir démanteler le bien public et le vendre voire le brader, affaiblissant au passage les structures de notre état citoyen et sa capacité à répondre à ses obligations.
Nous payons aujourd’hui les conséquences de ces politiques de destruction massive du bien public.
Notre priorité est de construire un monde meilleur que le nôtre pour cette jeunesse qui étouffe et qui souffre dans ce modèle de société. Comment l’envisager sans une transition écologique indispensable pour préserver la terre qui nous héberge ? La transition permettra de créer des emplois, et pourquoi pas des emplois stables, fiables et bien rémunérés. Est-ce devenu une utopie que d’aspirer à un emploi décent ?
Le PDG carrefour gagne 300 fois le salaire des caissières qu’il emploie, n’est-ce pas indécent ?
Pendant ce temps l’entreprise carrefour Market fait le choix de se débarrasser de 3500 salariés des 47 magasins en les plaçant en location-gérance. Les entreprises qui ont profité des aides publiques n’ont pas protégé la pérennité des emplois et n’auront pas non plus de comptes à rendre.
Nous devons nous réapproprier notre bien public et notre histoire humaniste, et garder en mémoire que les grands révolutionnaires de notre histoire de France sont ceux qui ont posé les charpentes de notre démocratie.
Le monde d’après est à construire, dans les consciences, dans les urnes et dans la rue. Et même si l’air est morose, ce 1er mai vient à point pour nous rappeler que le printemps augure les jours heureux.
Philippe Juraver,
Co-Coordinateur de l’Espace des Luttes