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Intervention de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale le 3 décembre 2020.
Président, ministre, collègues.
S’il y avait le moindre doute sur ce qui est visé par ce texte qui en reste à quelques généralités redondantes et inutiles, les interventions que nous avons entendues nous auront suffisamment éclairées. Vous visez l’Islam et vous le faites sans discernement en ne tenant pas compte de ce qu’est l’Histoire profonde de la France, à qui les guerres de religion n’ont jamais rien valu de bon.
Que faisons-nous à cette heure ? Nous combattons le djihadisme politique terroriste. Voilà ce que nous faisons. Alors si nous le combattons, il faut s’en donner les moyens. Et le premier de ces moyens c’est de ne pas lui donner la victoire en lui attribuant une capacité à représenter les musulmans de France, qu’il n’a pas. Et en acceptant de nous diviser entre Français, selon notre religion, voilà les deux points qu’il faut refuser au djihadisme et c’est ce que j’ai l’intention de faire à cette tribune en commençant par dire que je partage la souffrance des musulmans de Brétigny qui ont été agressé hier par une voiture bélier contre leur mosquée. Comme je m’étais associé à l’unique protestation qui se fit dans ce pays après les attentats à la mosquée de Bayonne avec la manifestation du 10 novembre.
Votre texte invite l’eau chaude. Il répète que la Constitution s’applique à tous, la belle découverte. Décrétez pendant que vous y êtes, que tous ceux qui cessent de respirer sont condamnés à mort et vous aurez fait la même avancée, ça n’a pas de sens. Le moment est venu de se rappeler que 80% des victimes du djihadisme sont des musulmans. Dans le monde entier et y compris sur notre territoire lorsque par exemple le premier attentat abominable à Nice a fait des victimes de toutes religions, nous le savons tous très bien. Il ne faut pas donner le point à nos ennemis. À cet instant, j’ai le cœur serré en pensant à ceux de mes camarades assassinés en Algérie par l’islamisme politique. J’ai le cœur serré en pensant à mes camarades Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, assassinés en Tunisie parce qu’ils étaient des dirigeants du front populaire qui voulaient proclamer le caractère laïque de la République tunisienne. Ne les confondons pas, ne les oublions pas, ne les méprisons pas. Ces musulmans, dans une tradition qui commence avec Averroès, qui se retrouvent dans le mutazilisme, se sont toujours opposés à ce que la loi religieuse s’impose sur la loi de la cité. Et dans le Coran, si vous voulez le savoir, cela est écrit en toutes lettres.
Après, vous pouvez toujours dire que 74% des jeunes musulmans pensent que la loi de Dieu est au-dessus de la loi civile. Mais 100% des croyants pensent que la loi de Dieu est aussi de toutes lois, et s’ils ne le croient pas alors ce sont des hérétiques ou des mécréants. Mais bien sûr, tous respectent. On peut accepter la loi de Dieu et ensuite accepter la loi civile et c’est ce que font les croyants qui par exemple ne veulent pas de l’avortement mais respectent la liberté de l’avortement, ils ne se l’appliqueront pas à eux. Et ça n’a empêché d’aucun chrétien qui croit au premier des articles du Décalogue : « tu ne tueras point », de faire son devoir au service de la patrie, quand bien même cela signifiait qu’il fallait tuer beaucoup hélas, hélas, hélas, et entre chrétiens comme entre français et allemands.
La guerre de religion ne vaudra jamais rien à la France. 3 siècles de guerres entre catholiques et protestants après 1000 ans de mauvais traitements à l’égard des juifs. Où tout cela nous a mené ? Nulle part. Jusqu’à la grande loi de 1905 qui dit la seule chose qui vaille : l’État ne reconnaît aucune religion.
Votre texte est d’une hypocrisie absolue. Avez-vous l’intention de dissoudre les partis identitaire et suprématiste blanc qui existent en France : non. Avez-vous l’intention de dissoudre la ligue de défense juive, qui a grossièrement insulté les parlementaires de la France insoumise et les a obligé à quitter, sous la protection de la police, une manifestation. Une organisation qui est déclarée terroriste en Israël et aux États-Unis d’Amérique, non plus. Avez-vous l’intention de cesser les relations avec les régimes islamiques qui chaque année condamne des dizaines de personnes à la peine de mort ou à la lapidation : non plus.
Nous sommes en train de perdre notre temps et de donner à la France une image lamentable : non il n’y a pas de guerre en France contre les musulmans. Il y a la laïcité, la loi implacable qui s’applique à tous de la même manière, et c’est seulement cela, collègues, députés de la Corse, qui vous donne raison. La République français est indivisible en ce sens que la loi décidée par tous s’applique à tous. La seule communauté qui soit admise en France est la communauté légale. Je reviendrai dans mes amendements sur ce qui me reste à dire sur le reste. Rappelez-vous de ça : pas de guerre de religion en France.