Malgré la confusion dans l’organisation des débats Michel LARIVE a pu présenter son rapport dans le cadre de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du PLF 2021, en commission des affaires culturelles.
« La présente mission doit être jugée au regard des difficultés inédites et redoutables que traversent le mouvement sportif et les milieux associatifs.
- Le sport amateur et professionnel français attend aujourd’hui un soutien face aux conséquences dévastatrices de la crise sanitaire. Nous parlons d’associations amateurs et de clubs professionnels qui, entre mars et juin 2020, ont souffert d’une paralysie totale ou partielle des structures et de la pratique sportive. La levée du confinement en mai 2020, puis les conditions de la reprise, n’ont pas signifié un retour à la normale.
D’après les prévisions, à quelques exceptions notables (par exemple, l’handball et le rugby), le nombre des licenciés sportifs devrait baisser très sensiblement à la rentrée 2020. Certains organismes évoquent même la perspective d’une réduction pouvant aller de 20 % à 30 % dans certaines disciplines.
Au-delà de l’adhésion et de l’animation des associations sportives, c’est toute une économie qui, aujourd’hui, voit ses fondements ébranlés. Pour ce qui concerne le sport amateur, l’enquête réalisée au printemps 2020 par la Centrale du Sport évalue ainsi à 6 747 euros en moyenne la perte occasionnée aux clubs par la suppression des événements sportifs. Le sport professionnel subit quant à lui une profonde déstabilisation de son modèle d’affaires. La menace pèse en particulier sur les disciplines dont une part importante des ressources provient des droits télévisés.
- À bien des égards, le « tableau » parait tout aussi sombre pour les milieux associatifs. En effet, les associations subissent aujourd’hui encore les effets mortifères de l’épidémie de Covid-19. Pour nombre de structures, la crise a provoqué soit une suspension d’activité plus ou moins durable, soit au contraire un afflux de demandes auxquelles elles pouvaient difficilement répondre.
Elles expriment aujourd’hui encore de vives préoccupations. La première porte sur la disponibilité des bénévoles, compte tenu des risques de santé auxquels ils s’exposent et de leur situation économique et professionnelle. La seconde touche à la capacité à garantir l’équilibre financier des structures face à la menace d’une réduction des ressources et d’un épuisement des trésoreries.
- En pareilles circonstances, la programmation de la Mission Sport, Jeunesse et vie associative pour 2021 relève à bien des égards d’un budget en trompe l’œil.
Le projet de loi de finances initiale pour 2021 propose d’allouer à la mission près de 1 490,93 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 369,42 millions d’euros en crédits de paiement. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, les autorisations d’engagement progressent de 5,5 %, les crédits de paiement de 12,51 %.
- Cela étant, quels sont les ressorts de ce volontarisme budgétaire de façade ?
D’abord et surtout, la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, objet du programme 350 ; ensuite – et j’y reviendrais - la poursuite du déploiement du Service national universel (SNU), qui accapare le programme 163.
En dehors de ces deux postes, le Gouvernement ne propose pas de réelles inflexions dans le soutien apporté aux sports, à la vie associative et à la Jeunesse.
- Le Gouvernement renvoie systématiquement au « Plan de relance ». Je tiens à rappeler qu’il s’agit là d’un instrument ponctuel, dont les crédits pourront être consommés sur une période de de deux ans.
- Dans son état initial, le projet de loi de finances prévoyait de porter le produit global destiné à l’Agence nationale du Sport (ANS) à 170,54 millions d’euros. Cette mesure résultait notamment de la hausse du produit de la « taxe Buffet » affecté à l’ANS (à hauteur de 24,1 millions d’euros). Avec l’accord du Gouvernement, l’Assemblée nationale a relevé le plafond de cette contribution de 10 millions d’euros en séance publique. En conséquence, le plafond de la taxe correspond à son rendement prévisionnel (soit 74,1 millions d’euros).
Néanmoins, cette mesure ne signifie pas nécessairement des ressources supplémentaires en net pour l’ANS – ni pour les actions du programme 219 qui est à budget quasi-constant par rapport à l’année dernière, annihilant ainsi l’effet du relèvement de cette taxe. En pratique, le budget de l’Agence supporte des missions et des charges croissantes. La participation au financement la rénovation de certains équipements sportifs agréés comme les « Centres de Préparation aux Jeux » en constitue l’exemple le plus récent.
- En réalité, la programmation budgétaire ne correspond ni aux ambitions du ministère chargé des sports, ni aux enjeux de la vie associative : comme en 2019, le Gouvernement propose d’accorder peu de ressources nouvelles à la Mission ; en revanche, il maintient la priorité accordée au financement de projets sans rapport avec les aspirations de la Jeunesse et des milieux associatifs.
- Je ne m’attarderai pas ici sur le programme 350. Depuis 2018,ilvise à retracer l’ensemble des ressources spécifiquement accordées par l’État à la préparation matérielle des JOP de 2024. Le programme traduit donc le poids croissant – mais connu – des engagements pris par la Puissance publique pour l’organisation de l’évènement. Chacun jugera suivant ses convictions du bienfondé de cet investissement…
- À l’évidence, le programme 219 mérite davantage l’attention : si le Plan de relance annonce 120 millions d’euros de crédits, le programme enregistre lui une augmentation au totale peu significative de ses ressources.
En l’occurrence, le montant des crédits demandés s’élève à 436,50 millions d’euros en autorisations d’engagement et 435,61 millions d’euros en CP.
Par ailleurs, le PLF poursuit la réduction des effectifs relevant du programme 219, c’est-à-dire les conseillers techniques sportifs (CTS). Il prévoit de ramener le plafond d’emplois de 1 529 à 1 481 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Ainsi, il accentue les mouvements de personnels qui, depuis plusieurs exercices, affaiblissent les ressources humaines du programme 219 et, a fortiori, celles du ministère chargé des Sports. Deux chiffres illustrent mieux que tous les discours l’ampleur des pertes subies : entre 2007 et 2018, le nombre des agents serait ainsi passé de 8 050 à 4 453.
Il importe de prendre du recul par rapport à des schémas d’emplois et des mesures de réorganisation qui affaiblissent les moyens d’actions de la puissance publique. Je pense ici à la réforme un temps envisagé des CTS, mais aussi à l’achèvement de la création des DRAJES, dans le cadre du rapprochement avec les services de l’Éducation nationale.
La place prise par l’ANS dans les financements et dans l’animation de la politique du sport soulève également bien des questions et son lot de critiques. Aussi, je demande au Gouvernement une évaluation de l’action de l’Agence et des obligations qui la lient à l’État dans le cadre du projet de convention d’objectifs et de moyens en cours de finalisation.
- En ce qui concerne le programme 163, le moins que l’on puisse dire est que le soutien apporté à la vie associative et à la jeunesse se révèle bien dérisoire au regard de l’extrême concentration des crédits en faveur du Service national universel.
Le projet de loi de finances pour 2021 propose d’affecter à l’ensemble du programme la somme de 699,73 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Mais sur les 39,52 millions d’euros supplémentaires inscrits, le SNU accapare 32,42 millions d’euros. Sa dotation atteint donc 62,26 millions d’euros. En comparaison, les crédits demandés pour le Service civique stagnent, c’est pourtant ce dispositif qui est plébiscité par les jeunes, plutôt que le SNU dont les premiers intéressés ne veulent pas.
– Je me réjouis évidemment de la hausse des crédits demandés pour la création d’emplois pour le FONGEP dans le cadre du programme 163 (+ 4,31 millions d’euros). De la part de ce Gouvernement, cela marque peut-être, un intérêt nouveau pour le développement de l’emploi au sein des associations. À tout le moins, il s’agit là d’une inflexion que ne laissait pas présager la politique suivie en matière de contrats aidés…
– De même, qui peut comprendre la relative stabilité des moyens affectés au FDVA ? En l’occurrence, le projet de loi de finances pour 2020 lui attribue près de 33,08 millions d’euros, soit une somme en léger retrait par rapport à 2020. Or, les amendements que nous examinerons toute à l’heure le montrent : il existe, au sein de cette commission, un consensus réel sur la nécessité de renforcer et d’étoffer cet outil indispensable au soutien de nos associations ! Nous pouvons, nous devons aller plus loin, par exemple en adossant aux deux volets existants un volet d’action structurelle et conjoncturelle.
- Conforter le soutien à la jeunesse, à l’engagement et à la vie associative suppose sans nul doute de surmonter une obstination déraisonnable : le surinvestissement dans le Service national universel.
Le projet annuel de performance table sur le « recrutement » d’une cohorte de 25 000 jeunes. Mais le dispositif ne rencontre pas l’adhésion. En outre, son déploiement soulève des problèmes d’organisation qui peuvent décourager bien des volontés parmi les encadrants.
Surtout, quelle utilité accorder au SNU ? De l’avis de nombre d’observateurs, la durée du séjour de cohésion ne favorise pas le partage de valeurs communes.
De surcroît, les « formations » et les modalités d’engagement du SNU peuvent présenter un caractère redondant avec ceux assurés dans d’autres cadres. Pensons ici aux enseignements de l’Éducation nationale ou aux Journées Défense et citoyenneté !
À l’évidence les ressources du Service national universel pourraient être mieux employées. Dans cette optique, je défendrais toute à l’heure des amendements proposant une réaffectation de ces crédits à des fins plus utiles.
- Chers collègues, sur bien des points, la programmation proposée nécessite de profonds infléchissements. C’est donc en considération des doutes sur son efficacité et par opposition à certaines de ses priorités, qu’en tant que rapporteur, je donne un avis défavorable au vote des crédits de la mission. »