Dans son adresse aux Françaises et aux Français du 14 juin dernier, le Président de la République jurait que « plus rien ne serait comme avant ». Les deux dernières années de mandat devaient même ouvrir une nouvelle ère : un « nouveau cap pour la décennie », comme il l’annonçait pompeusement. A l’annonce de la composition de son nouveau gouvernement le 6 juillet 2020, les espoirs et les attentes de changement ont vite été déçus.
En nommant Jean Castex, l’ancien secrétaire général de Nicolas Sarkozy, à Matignon, Emmanuel Macron continue, sans surprise, de dérouler le tapis rouge à la technocratie libérale. Car le nouveau premier ministre, présenté avec complaisance comme un « nouveau visage » de la scène politique, ne nous est pas inconnu. Passé par le ministère de la santé, sous Xavier Bertrand, entre 2006 et 2007, c’est lui qui est à l’origine de la « tarification à l’acte » (le T2A) dans l’hôpital public, qui consacre l’ouverture à la rentabilité de la santé. Jean Castex est aussi l’ancien président de l’Agence Nationale du Sport, que j’avais interrogé en 2019 au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Son bilan parle de lui-même : coupes budgétaires, démantèlement du Ministère, privatisation du sport… Derrière le masque du « gaullisme social » se cache donc un véritable filloniste, partisan de l’austérité budgétaire et des équilibres comptables. Il incarne à merveille cette droite au pouvoir depuis presque 20 années consécutives, qui aime se référer aux Jours heureux et qui, dans les actes, met tout en œuvre pour démanteler cet héritage.
Le gouvernement que Jean Castex a soumis à l’approbation du Président de la République est bien entendu dans cette même lignée. Loin d’un gouvernement « de combat » ou « d’union nationale », le casting dévoilé par Jean Castex nous rappelle le monde d’avant-hier. Avec la promotion de Bruno Le Maire, de Jean-Michel Blanquer, de Gérald Darmanin et la nomination de Roselyne Bachelot… la politique du gouvernement sera résolument – et officiellement – de droite. L’ombre de Nicolas Sarkozy semble même planer au-dessus de l’Elysée. Concernant le Ministère de la Culture auquel je prête une attention toute particulière, j’espère de tout cœur que Madame Bachelot sera davantage à l’écoute que son prédécesseur Franck Riester concernant les revendications des artistes-auteurs, des travailleurs et des travailleuses de la culture. Ils font face aux conséquences dramatiques de la crise sanitaire. Mais je lui souhaite bien du courage pour « relancer la politique culturelle » sans volonté politique et sans budget suffisant, à l’heure où plus de 300 000 emplois sont menacés et que la moitié des entreprises culturelles du spectacle vivant risquent de faire faillite.
Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un problème de casting mais d’un problème politique. Ce nouveau gouvernement entre en contradiction totale avec les enseignements que nous tirons de la crise sanitaire. Alors que la France va connaitre une récession de 11 points de sa production cette année, on ne peut se contenter d’injecter, dans le cadre du plan de relance, l’équivalent de 2% du PIB dans l’économie. D’abord, parce qu’il faut engager une bifurcation sociale et écologique de l’appareil de production. Je me satisfais que le gouvernement reprenne nos verbatim politiques (« relocalisation », « plan », « souveraineté ») et nos idées (investissements dans le fret ferroviaire et rénovation thermique), mais encore faut-il que les déclarations d’intention soient suivies par des actions. Mais comment réparer en 600 jours les dégâts occasionnés en trois ans, voire en trente ans ? Ensuite, parce qu’à titre de comparaison, l’Allemagne, qui n’a que 6 points de recul de son PIB du fait de la crise, a injecté l’équivalent de 10% de son PIB pour son redémarrage. L’utilisation d’un « pognon de dingue » par l’Allemagne pour relancer son économie, va-t-elle être dénoncée par les libéraux ?
Alors notre gouvernement s’en est remis, comme à son habitude, à l’Union Européenne. Mais alors qu’Emmanuel Macron s’auto-congratulait des mois durant de l’accord franco-allemand passé avec Madame Merkel, celui-ci a été complètement détricoté lors du Conseil européen qui s’est tenu à Bruxelles du 17 au 21 juillet. Nous savions déjà que la France, pourtant particulièrement touchée par la crise, allait devoir rembourser plus que ce qu’elle ne toucherait. Mais à cela s’est ajouté un sentiment d’humiliation, au vu de la tenue de ces négociations. Emmanuel Macron n’a pas obtenu un « accord historique », fruit de « compromis ». Ce sont de véritables compromissions. Il a en effet concédé aux pays d’Europe du Nord, ces pays faussement « frugaux » et responsables du dumping fiscal au sein de l’UE, plus de 110 milliards de coupes sur les subventions. En outre, ces derniers se sont dotés, sans que personne ne s’en indigne, d’un instrument de contrôle du budget qui viole la souveraineté des autres pays européens. Ils pourront déposer un recours dans le cas où la façon dont est dépensé l’argent du plan de relance ne conforte pas leurs intérêts. Enfin, au-delà des « milliards » mis sur la table, tous les financements spécifiques prévus pour réorienter la politique économique et commerciale de l’Europe (relocalisation, écologie, investissements dans les infrastructures) ont tout simplement… disparus ! Et le programme de Santé ? Des 9,3 milliards, il n’en reste plus qu’1,6 ! C’est bien évidemment un échec cuisant. Le « pari pascalien » d’Emmanuel Macron, qui consistait à penser que l’Union Européenne règlerait tous nos problèmes, est perdu.
Pour être réélu en 2022, il ne reste donc à Emmanuel Macron qu’à assumer froidement son bilan politique, parfois à la limite du mensonge (« nous n’avons jamais été en rupture de masques »). Il cherchera aussi à poursuivre par tous les moyens possibles sa politique de casse de notre modèle social. La volonté du gouvernement de ré-ouvrir le dossier de la réforme des retraites en atteste. A l’heure où même le MEDEF est opposé à cette perspective, le Président veut cliver et créer du conflit supplémentaire… Peu importe ce que les Françaises, les Français et les partenaires sociaux peuvent en dire. Nous avons d’ailleurs eu un aperçu, lors des dernières élections municipales, de la faible estime que porte le pouvoir à l’endroit de l’expression démocratique. Aucune prise en compte du message politique de l’abstention n’a été actée, alors qu’elle reflète le profond désaveu des politiques conduites par les gouvernements successivement au pouvoir. Aucune considération non plus pour les aspirations populaires de transformation sociale et écologiste du pays. Non, Jupiter l’a décidé et ce sera ainsi : les 600 derniers jours du quinquennat s’inscriront dans la stricte continuité du mandat présidentiel.
Enfin, je terminerai cet édito en vous souhaitant à toutes et tous un bel été, en faisant preuve de prudence et en respectant les consignes sanitaires. Malgré ce contexte estival un peu particulier, j’espère pouvoir compter sur votre participation aux Etats Généraux de l’Ariège, que je suis en train d’organiser, avec les membres de mon cabinet. Transition écologique et paysanne, économie et emplois en Ariège, populations et aménagement du territoire, cohésion sociale culture et solidarités… des réunions publiques thématiques seront organisées, en automne, sur ces thématiques. Vous avez, dès aujourd’hui, la possibilité de vous exprimer sur la plateforme numérique consacrée : https://www.michel-larive.fr/etats-generaux-ariege/. J’aurais aussi une pensée toute particulière à l’attention des travailleurs et des travailleuses concerné·e·s par les plans sociaux et les suppressions d’emplois auxquels le gouvernement n’apporte pas de réponse. Ils sont la preuve, s’il en fallait une, de l’urgence à laquelle nous faisons face. La France devra se réinventer et prendre un chemin résolument différent pour que revienne enfin le temps des jours heureux, dans le contexte de crises sanitaire, sociale, politique, écologique et économique… C’est cet espoir et cette alternative politique que je continuerai de porter, en Ariège et à l’Assemblée Nationale, avec les parlementaires de La France Insoumise, dès la rentrée prochaine.