En commission des affaires culturelles, étude de la proposition de loi créant la fonction de directeur d’école.
« Les directeurs d’école sont confrontés à une surcharge croissante de travail pointée par les personnels et les syndicats. Les tâches administratives s’alourdissent d’années en années, alors que les temps de décharges de classe stagnent ou baissent.
La crise sanitaire a une nouvelle fois mis les directeurs d’école à rude épreuve. La mise en œuvre du protocole sanitaire, les informations contradictoires sur la présence obligatoire des enseignants et les déclarations toutes aussi contradictoires du Ministre de l’éducation dans les médias, ont été sources d’angoisse pour ces personnels de l’éducation nationale.
Votre proposition de loi, Madame RILHAC, fait lumière sur la plupart des difficultés rencontrées par les directeurs d’école, mais elle ne permet pas d’y répondre. Au contraire, nous étudions aujourd’hui un texte qui, s’il était voté, aggraverait les inégalités territoriales et désorganiserait l’école.
Dans l’article 4 de votre proposition de loi, vous instaurez une décharge complète d’enseignement pour les directrices et directeurs d’école dans les établissements comptant au minimum 8 classes, donc aucune décharge pour les plus petites structures. Je vous informe que moins de 10 % des écoles de L’Ariège sont concernées, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres départements à la démographie et sociologie similaires. Vous encouragez les détachements de personnels, notamment administratifs, des communes vers les établissements scolaires. Vous encouragez ainsi le désengagement de l’État dans l’éducation nationale et faites peser les charges de personnels qui lui sont dévolues sur les collectivités territoriales. Je vous informe aussi que les écoles rurales sont souvent situées dans des communes qui n’ont pas la possibilité, ni financière, ni physique de cette délégation, tout simplement parce qu’elles ne disposent même pas de personnels administratif suffisant pour leur propre fonctionnement et bien sûr, encore moins de concierge. Votre texte est donc profondément inégalitaire et a surement dû être concocté dans les cercles remarquablement éveillés de l’expertocratie de métropoles éclairées. La majeure partie du territoire français n’est pas concerné par votre dispositif.
Cela contribue au rejet massif de votre proposition de loi par les directeurs d’école et les personnels de l’éducation nationale, en général. Une autre mesure est massivement désapprouvée par les principaux concernés : la création d’un statut pour les directeurs d’école. Vous l’aviez proposée dans un rapport en août 2018, les directeurs n’en voulaient pas. Jean-Michel Blanquer l’avait proposé dans sa loi sur l’école de la confiance, les directeurs n’en voulaient pas. La majorité avait fini par abandonner l’idée. Le Ministère de l’éducation nationale a consulté les directeurs d’école sur cette même question et recueilli plus de 29000 réponses en novembre 2019. Les directeurs n’en veulent toujours pas puisque seulement 11 % d’entre eux se sont dit favorables à la création d’un tel statut. Aujourd’hui, vous revenez à la charge, grâce à une pirouette sémantique, avec non pas un « statut », mais une « fonction » de directeur d’école, ce qui dans les faits revient au même.
Effectivement, l’exposé des motifs précise que le directeur « a autorité pour prendre des décisions en lien avec ses différentes missions ainsi que sur les personnels qui sont sous sa responsabilité durant le temps scolaire, sans en être le responsable hiérarchique ». Dans les deux premiers articles de ce texte, vous prévoyez que le directeur ne donne plus simplement son avis mais entérine les décisions du conseil d’école et les mette en œuvre. Vous le rendez délégataire de l’autorité académique. Vous permettez également la nomination du directeur par l’inspecteur académique, ce qui risque de le précariser et de fragiliser sa mission. La fonction de directeur pourrait lui être retirée selon le bon vouloir de l’inspecteur. C’est donc un moyen de pression inacceptable !
La démocratie scolaire aussi risque d’être désorganisée par ce texte. L’article 5 propose qu’en cas de liste unique pour les élections de représentants de parents d’élèves, les élections soient supprimées. Les parents d’élèves seront alors membres de droit au conseil d’école. Nous nous opposons fermement à cette mesure ! Sans élection, il n’y a pas de démocratie, même éducative. Renoncer à des élections pour des raisons matérielles n’est pas admissible. Quid de la légitimité des parents qui siégeront au conseil d’école sans avoir été élus ?
En résumé, vous l’avez compris, nous sommes fermement opposés au vote de cette proposition de loi. Je rappelle que c’est un avis partagé par l’ensemble des syndicats de personnels de l’éducation. Nous aurons l’occasion de développer nos arguments lors de l’étude des amendements et de faire des propositions alternatives. Nous espérons, chers collègues, que vous ne persisterez pas à voter des lois contre l’avis de la grande majorité de celles et ceux qu’elles concernent. »