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Propos recueillis par Diego Chauvet.
La crise du coronavirus amènera-t-elle inéluctablement un monde d’après différent de celui d’avant, comme l’a affirmé Emmanuel Macron ?
Le pire serait qu’après la crise soit comme avant. Nous avons le devoir d’y travailler. Je revoyais il y a quelques jours le discours de Nicolas Sarkozy à l’issue de la crise financière, il y a douze ans. On devait en finir avec le capitalisme sauvage.
Quelles leçons de cette crise ont été retenues ? Aucune. Aujourd’hui la crise est d’abord sanitaire. Mais nous ne combattons pas seulement un virus. Ce serait faire une erreur de diagnostic. Nous combattons les effets d’un virus sur un modèle politique et économique qui a tout fragilisé, tout détruit et nous a mis en situation de vulnérabilité.
Le Coronavirus n’était sans doute pas prévisible mais les conséquences à venir du changement climatique, elles, sont annoncées. Nous aurons demain à faire face à des crises d’une autre nature que celle-ci mais d’ampleurs similaires voir plus importantes encore. Elle nécessiteront aussi une mobilisation générale.
Ce que révèle la crise du Covid-19, c’est que nous n’y sommes pas prêts. La priorité est donc évidemment la crise sanitaire et son impact économique mais on ne peut pas attendre la fin de cette crise pour commencer à construire le monde d’après. Le monde d’après commence maintenant.
Que proposez-vous donc pour le construire dès à présent ?
Il faut d’abord être clair sur le diagnostic. Bien sûr, il y a eu un retard à l’allumage de la part du gouvernement. Ils naviguent à vue. Pendant trois semaines, on a dit aux Français que nous étions face à une sorte de grippe et qu’il suffisait de bien se laver les mains avant de passer en temps record au confinement.
Entre temps, on a appelé les Français à aller voter alors qu’on venait de fermer les lieux publics. La doctrine s’agissant des masques relève davantage de la gestion de pénurie que du discours sanitaire. Le gouvernement refuse d’établir la liste des secteurs indispensables pour permettre à tous les autres de se confiner, mais établit une liste similaire pour augmenter considérablement le temps de travail. L’improvisation est totale.
L’hôpital n’a pas attendu le Coronavirus pour tirer la sonnette d’alarme : cela fait un an que le personnel est en grève. Cette crise est l’échec de ceux qui ont préféré le libre marché à l’État, la concurrence à la coopération, le libre-échange à la relocalisation de la production. Une telle mise à l’arrêt de notre économie est aussi une occasion historique de changer de modèle.
Si j’en juge par le contenu des ordonnances du gouvernement, il considère plutôt cette crise comme une parenthèse après laquelle tout devra recommencer. Je mets en garde contre une stratégie du choc qui viserait à faire payer la crise aux salariés. Le gouvernement est prêt à sucrer des congés payés mais pas à rétablir l’ISF pour la planification sanitaire.
Leur modèle ne peut pas être la solution car il est l’essentiel du problème.
Que proposez-vous comme alternative à une remise de l’ancien monde sur les rails ?
Dès l’entrée dans le confinement, La France Insoumise a publié un document en 11 mesures d’urgence pour faire face à la crise immédiate.
Par exemple, il nous faut 10 milliards d’euros pour remettre l’hôpital public sur pieds. Nationaliser et réquisitionner des entreprises stratégiques. Qu’attend le gouvernement pour nationaliser Luxfer et Famar qui produisent du matériel essentiel ? Nos mesures visent aussi à éviter que les Français subissent dans leur quotidien le choc économique qui résulte de la crise sanitaire. Les revenus doivent être garantis.
Nous proposons par exemple la suspension des loyers dans cette période. Nous avons lancé une pétition pour le rétablissement de l’ISF et déposé plusieurs propositions de loi, dont une pour la constitution d’un pôle public du médicament.
Le médicament n’a pas vocation à entretenir les profits incroyables de l’industrie pharmaceutique. Nos travaux se poursuivent car nous nous sommes constitués en commission d’enquête officieuse et faisons de nombreuses auditions.
Comment éviter que la facture de la crise soit payée ensuite par les salariés ?
Poussons dans l’autre sens ! Regardez comme en l’espace de quelques jours, de nombreux totems prétendument indéboulonnables sont tombés : au revoir les règles budgétaires européennes, au revoir les réformes injustes…
L’Union Européenne apparait d’ailleurs dans la période comme ce qu’elle est véritablement : une illusion d’optique incapable de se coordonner et coupable d’avoir exigé des politiques d’austérité qui nous ont poussés à la catastrophe.
Le moment est venu de construire autour de nos causes communes. C’est un gouvernement de salut commun qu’il faut mettre à l’ordre du jour. Le bon cadre selon nous serait celui d’une fédération populaire qui permette la jonction entre le monde associatif, syndical et politique.
La France insoumise y est prête, sans tarder. Mais ne faisons pas croire que nous partirions d’une page blanche. Ce n’est pas vrai. S’il doit pouvoir être amélioré, le programme « L’Avenir en Commun » est toujours sur la table.