Coronavirus : la délicate situation pour les Français·es de l’étranger

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Article rédigé par le groupe thématique « International » de La France insoumise. Vous aussi, rejoignez un groupe thématique.

Les mesures de confinement et de protection sociale et économique annoncées par le Président de la République s’appliquent sur le territoire national. Comme toujours, les plus de 2,5 millions de ressortissant·es Français·es qui résident hors de France, sont dans une zone grise pour bénéficier de ces soutiens, puisque leur activité est soumise aux législations et décisions gouvernementales de leurs pays d’accueil. S’ajoutent plus de 130 000 Français·es en déplacement temporaire à l’étranger (touristes, étudiant·es, voyages professionnels, etc.) que le Quai d’Orsay s’applique à faire rentrer en priorité. Les services locaux des ambassades et consulats gèrent tant qu’ils peuvent la crise en flux tendu, avec des moyens humains et techniques limités par plusieurs années de réductions budgétaires. 

Priorité N°1 : rester confiné·es 

Or, cela s’est avéré un casse-tête pour les 130 000 Français·es de passage à l’étranger. Vols annulés, frontières fermées dans de nombreux pays, parfois expulsé·es de leurs lieux d’hébergement et sans couverture de santé adéquate, la plupart se sont retrouvé·es dans une grande vulnérabilité. Le Ministère des Affaires Étrangères en a fait sa priorité, leur assurant la possibilité de rentrer en France, même si les frontières de l’Union européenne et de l’espace Schengen sont désormais fermées pour 30 jours depuis le 17 mars.

“Un mécanisme global et mondial pour permettre à nos ressortissants qui le souhaitent de rentrer chez eux en France par voie aérienne va être mis en place très rapidement, en lien avec Air France. […] Nous serons ainsi en mesure de proposer, avec les compagnies aériennes mobilisées, des solutions commerciales  raisonnables de retour chez eux à nos compatriotes”, annonce le communiqué de Jean-Yves Le Drian dès le 18 mars. Le Ministère indiquait en fin de semaine dernière que moins de 100 000 Français·es avaient déjà regagné le territoire. 

Si le concours du Ministère et d’Air France a été central dans certains pays où la situation était particulièrement critique, comme au Cambodge, au Tchad, aux Philippines, au Maroc ou au Honduras, les voyageur·ses se sont plaint·es à l’unisson de billets d’avion très chers et à leur charge. En effet, le Ministère ne parle volontairement pas de « rapatriement » mais de « solutions commerciales » où les compagnies privées sont plus ou moins enclines à suivre les demandes des États. 

Quoi qu’il en soit, ces ressortissant·es déterminé·es à rentrer ont dû affronter voyage et transit dans les aéroports sans masques et n’ont été soumis·es à aucun test ni quarantaine à leur arrivée en France. 

Nombre d’entre elles et d’entre eux n’ont également pas pu regagner les aéroports, lorsqu’ils se situaient à des centaines de kilomètres de ceux-ci.

Et ensuite ? que se passe-t-il pour les autres ?

Pour les voyageur·ses ayant décidé de rester sur place ou n’ayant pas pu rejoindre les aéroports et les résident·es installé·es durablement à l’étranger, le message reste flou. Jean-Yves Le Drian recommande aux Français·es qui ont leur résidence habituelle en dehors de l’espace européen, « de rester chez eux, dans l’état actuel des choses, sauf des urgences sanitaires qu’ils pourraient répertorier auprès des consulats ou des ambassades ». À l’inverse, sur place, incertains sur la possibilité de voir encore des vols commerciaux se maintenir, certains consuls incitent les résident·es à « prendre leurs responsabilités » s’ils ne décident pas de rentrer rapidement. Ces informations contradictoires sèment la panique pour celles et ceux qui, bien qu’inséré·es économiquement et personnellement dans leur pays d’accueil, ont une couverture santé précaire et doutent des capacités de leur pays de résidence à faire face à la crise sanitaire. Certaines compagnies d’assurance ou mutuelles internationales privées semblent également se refuser à couvrir des frais liés à la pandémie, alléguant qu’ils ne sont pas chiffrables et considérés comme cas exceptionnels non couverts dans les contrats signés. Un abus dont on ne mesure pas encore la taille. 

Le problème, c’est que le Quai d’Orsay gère la crise au jour le jour et n’a pas encore déployé les plans de sécurité que chaque poste consulaire doit tenir à jour. Plusieurs élu·es consulaires témoignent que lors des conseils de sécurité qui se sont tenus au début de la crise, le dispositif d’îlotage n’avait pas été actualisé, alors que c’est via cet outil que les postes consulaires assurent la veille sécuritaire locale dans chaque zone d’une circonscription consulaire donnée, via des chefs d’îlots formés, intermédiaires entre la communauté française et l’administration. 

Bien sûr, la situation est différente dans chaque pays. Mais rien n’est dit pour l’instant sur la possible mise à disposition d’hébergements d’urgence pour le retour de résident·es sans point de chute en France. Un scénario de rapatriement comme le Ministère l’a organisé pour les Français·es de Wuhan au début de l’épidémie, ne semble plus d’actualité. Les infrastructures de santé en France n’auraient de toute façon pas la capacité d’absorber une telle demande supplémentaire. Si l’on s’en tient aux informations communiquées par le Ministère à ce stade, le sort des Français·es résidents à l’étranger dépendra donc principalement de leurs ressources personnelles pour rentrer et s’installer à leurs frais en France ou de leur capacité à s’assurer d’une couverture de santé suffisante sur place. 

Impacts structurels

Outre les questions sanitaires, la fragilité de la politique publique destinée aux Français·es de l’étranger est dans le viseur. La grande majorité des 2,5 millions de Français·es hors de France ne vivent pas de revenus français et leur survie dépendra des dispositifs de soutien adoptés par leur pays d’accueil. Dans une récente réunion avec les parlementaires représentant·es des Français·es de l’étranger, Laurence Haguenauer, directrice des Français et de l’Administration consulaire, a indiqué que les Français·es en difficulté pouvaient se signaler auprès des postes consulaires, qui ont des crédits spécifiques d’aide d’urgence. Ces crédits seraient abondés au fur et à mesure des besoins. Une posture purement discrétionnaire qui n’est pas suffisante car elle ne permet ni de définir des critères pour répondre à chaque demande, ni de s’assurer que tous les besoins ont été pris en compte.

Autre grand maillon faible de la chaîne : les 522 établissements d’enseignement du Français à l’étranger dont près de 90% des établissements sont fermés. Un plan de continuité d’activité pour les 346 000 élèves concerné·es est en train d’être mis en place. Or ces établissements ne dépendent qu’en partie des fonds de l’AEFE (Agence pour l’Enseignement du Français à l’Étranger). Leur équilibre financier est essentiellement conditionné par les frais de scolarité payés par les familles, françaises et étrangères, directement touchées par la crise. La baisse des subventions de l’État les a obligés à augmenter significativement les mensualités au cours des dernières années, ce qui leur laisse une fenêtre de tir limitée pour se retourner aujourd’hui. En Chine et au Vietnam, l’AEFE a accepté une réévaluation exceptionnelle des demandes de bourses scolaires pour les familles éligibles qui n’est pas suffisante et doit être étendue à toutes les familles concernées dans le monde. Situés hors de France, les établissements scolaires du réseau AEFE ont été exclus du dispositif de garantie de l’État adopté par la loi de finance rectificative. Or, sans un robuste plan de soutien de la France, qui permettrait aussi de réduire ne serait-ce que temporairement les frais d’inscription, certains pourront mettre la clef sous la porte à la prochaine rentrée. 

Parmi les lots de consolation, la loi d’urgence adoptée par le Parlement a acté la suppression du délai de carence pour tout·e ressortissant·e résidant à l’étranger rentré en France entre mars et juin 2020. Ce délai de trois mois n’offre habituellement pas l’accès à la Sécurité sociale à celles et ceux qui n’exercent pas d’activité professionnelle ou sont affilié·es à une assurance maladie et maternité sur le territoire. De même, les retraité·es de l’étranger, pourront attendre jusqu’au mois de mai pour envoyer leur certificat d’existence, sans que leurs pensions ne soient suspendues. 

Si les personnels diplomatiques locaux donnent pour la plupart le meilleur d’eux-mêmes pour répondre aux innombrables appels des Français·es depuis le début de la crise, leurs moyens sont cruellement limités et inadaptés au télétravail. Les agents titulaires du ministère ont été réquisitionnés pour gérer le centre de crise, et les recrutés locaux ont été renvoyés chez eux. Il faut espérer que l’État aura la décence de leur assurer la continuité de leur salaire indépendamment du type de flexibilisation contractuelle que prévoiront les divers codes du travail locaux.

Quelques conseils pour bien vivre sa quarantaine à l’étranger :

Faites une liste de courses d’urgence en supermarché et/ou pharmacie. À partir de sites spécialisés sur internet, vous trouverez toutes les informations utiles pour rester autonome le temps du confinement et être en capacité de vous soigner et/ou de poursuivre vos traitements habituels sans avoir à vous déplacer jusqu’à un hôpital et ainsi de surcharger les capacités hospitalières.

Limitez les sorties et les risques inutiles dus aux conditions de sécurité propres et sanitaires à chaque pays. 

Restez en contact par tous les moyens possibles avec les consulats (inscription au Registre pour les résident·es et sur le fil d’Ariane pour les Français·es de passage) représentant·es consulaires, médecins conseils, compagnies aériennes, agences de voyages, assurances (vérifiez qu’elles couvrent bien les pandémies).

Soyez à jour avec vos informations médicales (carnet de santé, groupe sanguin, numéros de téléphones d’urgence).

Vous construisez ainsi votre système résilient pour rester au calme et en sécurité.

Pendant ces jours de confinement les groupes thématiques de la France insoumise ont décidé d’apporter leur contribution à travers des réflexions sur la situation actuelle. Chaque jour, un ou plusieurs articles d’analyses seront produits par un des groupes thématiques. Retrouvez ces productions sur la page de l’espace programme.

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