En pleine crise du Coronavirus, les grands groupes français sont en passe de distribuer des dividendes records. Le CAC 40 devait, par exemple, verser 54 milliards d’euros aux actionnaires en 2020.
La loi d’urgence autorise le gouvernement à prendre un certain nombre d’ordonnances, y compris pour « adapter les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes ». Pourtant, si une ordonnance a bien été prise par le gouvernement pour repousser la date de versement de la participation aux salariés, rien n’est prévu concernant celui des dividendes.
L’intergroupe parlementaire de La France insoumise demande donc l’interdiction du versement des dividendes jusqu’au 1er janvier 2022.
Retrouvez ci-dessous notre proposition dans son intégralité :
Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance interdit les versements de dividendes aux actionnaires jusqu’au 1er janvier 2022, afin d’assurer l’entière mobilisation des ressources dont disposent les entreprises pour faire face aux conséquences économiques et sociales de l’épidémie.
Le Gouvernement d’Edouard Philippe adore les dividendes : dès le premier projet de loi de finances, la priorité a été de plafonner leur taxation, à travers l’introduction de la flat tax. Le résultat ne s’est pas fait attendre : il y a eu une très forte augmentation des versements de dividendes en 2018 pour atteindre le niveau de 51 milliards d’euros. Il n’y a que les libéraux pour y voir une bonne nouvelle : tous ces dividendes versés représentent autant d’argent qui ne sera pas réinvesti dans l’entreprise.
En cette période de crise sanitaire, mais aussi économique et sociale, durant laquelle l’Etat vient au secours des entreprises, il nous paraît impensable que les actionnaires continuent de percevoir des dividendes, comme si de rien n’était. Or, les entreprises du CAC 40 s’apprêtent à verser 54 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires en 2020, un montant record.
Si des entreprises parviennent, malgré la crise qui secoue le monde, à faire des bénéfices sur les deux prochains exercices, tant mieux ! Mais ces bénéfices ne doivent pas tomber dans les poches de quelques uns. Ils doivent d’abord permettre d’augmenter la rémunération des salariés et notamment des plus précaires : appelés au travail même pendant le confinement, ils auront été souvent indispensables au cours de cette crise sanitaire. Ces bénéfices pourront également être réinvestis par l’entreprise ! En embauchant, en achetant du nouveau matériel ou encore en faisant avancer la recherche, cette entreprise aura alors un comportement non seulement vertueux pour sa bonne santé future, mais également pour le reste de l’économie française et mondiale. Le versement de dividendes se fait souvent au détriment de l’investissement : entre 2012 et 2014, juste après la crise, les entreprises du CAC 40 ont augmenté les dividendes de 44 % tout en diminuant l’investissement de 34 %. C’est donc pour enclencher un cercle vertueux que nous faisons cette proposition.
Évidemment, cela n’est qu’une première étape. Il faudra mettre en place une contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises pour faire face à la crise ainsi qu’une taxation plus importante de ces dividendes. Cela permettra de faire contribuer les actionnaires au pot commun, afin de construire le “monde d’après” qui nécessitera des services publics renforcés qui auront enfin les moyens nécessaires pour remplir leurs missions, à commencer par l’hôpital public. Il faudra également imposer une répartition plus juste entre rémunération du travail et rémunération du capital. Enfin, les investissements de long terme des entreprises devront être encouragés : les modes de production du “monde d’après” devront être compatibles avec la transition écologique que nous devons mener.
Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de la présente ordonnance.
Tel est l’objet de la présente ordonnance que nous avons l’honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre profond respect.
Retrouvez ci-dessous l’ordonnance dans son intégralité :
Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l’économie et des finances,
Vu la Constitution, notamment son article 38 ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article R. 123-20 ;
Vu la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, notamment son article 11 ;
Le Conseil d’Etat (section des finances) entendu ;
Le conseil des ministres entendu,
Ordonne :
Article 1er
Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19, en dérogation du Code du Commerce, jusqu’au 1er janvier 2022, les assemblées générales ne peuvent décider d’une distribution de dividendes aux actionnaires.
Article 2
La présente ordonnance est applicable à l’ensemble du territoire de la République.
Article 3
Le Premier ministre, le ministre de l’économie et des finances et le ministre de l’action et des comptes publics sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.