Proposition de loi sur la responsabilité des donneurs d’ordre vis-à-vis des sous-traitants, des emplois et des territoires

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Bénédicte Taurine (LFI), Regis Juanico (Socialistes et apparentés) et Pierre Dharréville (GDR) ont présenté aujourd’hui en conférence de presse une Proposition de loi portant sur la responsabilité des donneurs d’ordre vis-à-vis des sous-traitants, des emplois et des territoires.

Cette proposition de loi a été initiée par des salarié·es et les représentant·es du personnel de l’entreprise sous-traitante creusoise d’équipementier automobile, GM&S La Souterraine. Ces salarié·es comme beaucoup d’autres en France ont subi un plan social. Des député·es des groupes parlementaires Gauche démocrate et républicaine, Socialiste et apparentés et de la France Insoumise ont corédigé cette loi.

Elle est le fruit d’une étroite collaboration pour faire face aux difficultés que rencontrent les entreprises sous-traitantes vis à vis de leurs donneurs d’ordres.


Proposition de loi

Portant sur la responsabilité des donneurs d’ordre vis-à-vis des sous-traitants, des emplois et des territoires.
Présentée par
Mme Bénédicte Taurine,
Regis Juanico et
Pierre Dharréville
Député.e.

EXPOSE DES MOTIFS

Cette proposition de loi a été initiée et rédigée par des salariés et les représentants du personnel de l’entreprise sous-traitante creusoise d’équipementier automobile, GM&S La Souterraine. 

Mise en liquidation judiciaire en mai 2017, l’entreprise – désormais renommée LSI (La Souterraine Industry) - a été reprise en septembre 2017 par GMD, un groupe industriel composé de 26 sites dont 11 à l’étranger et qui emploie 4.800 personnes dont 3.900 en France.

La reprise du site creusois par GMD s’est effectuée au prix d’un plan de sauvegarde de l’emploi pour plus de la moitié de ses salariés (157 sur 277) et sur l’engagement des deux principaux donneurs d’ordre, PSA et Renault Nissan, de commandes permettant d’asseoir sur les cinq années à venir un chiffre d’affaire annuel de 22 millions d’euros.

Pourtant, à l’heure actuelle, l’entreprise ne fonctionne plus qu’à 38% de son potentiel. PSA et Renault n’ont pas honoré leurs engagements, commandant à eux deux pour seulement 13,9 millions d’euros en 2019. Enfin, depuis septembre 2017, seule une quarantaine de salariés ont retrouvé un CDI dans le cadre de la cellule de reclassement mise en place à l’automne 2017.

Sans dédouaner les actionnaires et les directions successives de leurs responsabilités, c’est dans ce contexte éprouvant qu’est flagrant la dépendance démesurée des sous-traitants vis à vis des donneurs d’ordre. Une dépendance visible dans l’organisation, la structuration et la gestion des sites, avec la complicité des directions successive. C’est pourquoi, les salariés de la GM&S La Souterraine ainsi que leurs représentants ont rédigé une proposition de loi pour contraindre les donneurs d’ordres à assurer socialement et financièrement les conséquences de leur désengagement auprès de leurs sous-traitants. 

Dans la lignée de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, une première fois déposée par le groupe GDR à l’Assemblée Nationale en mai 2014, puis débattue et votée sur une nouvelle proposition du groupe Socialistes Républicains et Citoyens en février 2017, les députés signataires de cette proposition de loi ont jugé utile et nécessaire de porter au débat et au vote la proposition de loi des salariés de GM&S La Souterraine et de leurs représentants. 

Des dispositifs juridiques dans la sous-traitance industrielle existent. Ainsi, la loi de 1975 a été initialement mise en place pour le secteur du BTP. Petit à petit son champ d’application s’est élargi pour être générale aujourd’hui. Mais la sous-traitance s’est développée dans tous les secteurs et en particulier dans le domaine industriel. Or, si les dispositions sont toujours utiles, elle apparait insuffisante à règlementer la sous-traitance d’aujourd’hui et à protéger les sous-traitants dans la relation déséquilibrée qui les lie aux donneurs d’ordre. Tous les rapports sur la relation sous-traitants et donneurs d’ordre pointent notamment la nécessité de définir la sous-traitance industrielle et de la doter d’un cadre plus protecteur pour les sous-traitants. 

Par ailleurs, depuis février 2017, les entreprises transnationales sont tenues de mettre en œuvre des plans de vigilance pour prévenir les atteintes graves à l’environnement et à la santé, et donc d’identifier les risques sur toute leur chaîne de fournisseurs afin de préserver la société et les consommateurs. Il est désormais temps d’élargir ce devoir de vigilance aux risques sociaux et économiques que ces grandes entreprises font peser sur leurs sous-traitants et sur leurs salariés. 

Leur responsabilité doit en effet s’étendre aux impacts de leurs choix stratégiques sur l’ensemble de la filière. Cet appel à responsabilité a pris plusieurs formes mais reste sur le fond soit un simple accompagnement des stratégies des entreprises sans prise en compte de la problématique territoriale, soit des déclarations de bonnes intentions telles que : en 2010, la charte de la Médiation du Crédit et de la CDAF (l’Association des acheteurs de France) régissant les relations entre grands donneurs d’ordres et PME, ou encore à la fin de l’année 2009, les Etats généraux de l’Industrie qui ont débouché sur les Chartes Automobiles puis sur le Fond de Modernisation des Equipementiers Automobiles. De plus, encore très récemment l’Assemblée Nationale a ouvert une mission d’information sur les relations donneurs d’ordre - sous-traitants. 

La relation entre les donneurs d’ordres et les entreprises sous-traitantes n’est pas une relation égale. La présente proposition de loi vise à prendre en compte la dépendance structurelle des entreprises sous-traitantes et à réduire ses effets, notamment par la mise en place de contrats-types. 

La responsabilité des donneurs d’ordres doit être à la hauteur du pouvoir qu’ils ont sur leurs sous-traitants et les salariés des sous-traitants qui doivent bénéficier d’une protection. De surcroit, il est nécessaire de responsabiliser les donneurs d’ordres vis-à-vis des décisions qu’ils peuvent prendre non seulement pour les sous-traitants, pour les salariés mais aussi pour les territoires. 

Pour ce faire, afin de responsabiliser et d’anticiper, le droit doit redonner une unité́ économique et environnementale à l’entité donneurs d’ordres vis-à-vis de ses sous-traitants. 

L’organisation de la sous-traitance conduit à̀ séparer la production en entités faussement indépendantes. Aujourd’hui, les intérêts des sous-traitants et de leurs salariés ne sont pas pris en compte dans la gestion de l’entreprise donneur d’ordres. 

Cette proposition de loi entend y remédier en les intégrant dans les comités de groupe des donneurs d’ordre de façon à recevoir une information complète, identique et simultanée sur les implications et les conséquences socio-économiques de leurs choix. 

L’enjeu de la politique d’achat va au-delà̀ de la rentabilité́ de la seule entreprise donneuse d’ordres. Elle a un impact sur la bonne santé́ de tout le tissu industriel et sur les bassins de vie. Les critères à prendre en compte sont la proximité, les enjeux territoriaux, la durabilité de la relation sur les 5 dernières années. 

Les donneurs d’ordres doivent assumer une responsabilité́ environnementale au regard des dégâts environnementaux que leurs choix stratégiques génèrent. Cette responsabilité́ doit s’étendre aux sous-traitants. Les fermetures d’entreprise génèrent des friches industrielles dont la réhabilitation doit être à la charge des décideurs. 

Les créanciers sous-traitants sont exposés à de gros risques d’impayés lorsque le donneur d’ordre rencontre des difficultés. 

Dans un objectif de protection des sous-traitants et de lutte contre les mauvaises pratiques, nous sommes dans l’obligation fixer des clauses obligatoires et des clauses interdites dans la loi. Celles-ci étant par nature très générales, pour être adaptables aux spécificités de tous les secteurs d’activité. Il faut promouvoir la mise en place de contrats types au niveau de chaque filière ou secteur par une négociation entre les acteurs concernés. En rester à un contrat type unique laisse nécessairement trop de marge aux services juridiques des grandes entreprises donneur d’ordre pour s’engouffrer dans les imprécisions à leur profit. Nous souhaitons que les acteurs des filières mettent en place des contrats types. 

En ce sens, légiférer contre les mauvaises pratiques et mettre en place des contrats types par filières négociés, renforcera les mécanismes d’alerte et de médiation. 

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