En commission des affaires culturelles, Michel Larive intervient dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à moderniser les outils de la Fondation du patrimoine.
» Créée il y a plus de 20 ans, la Fondation du patrimoine a pour mission de contribuer à la préservation et la réhabilitation du patrimoine de notre pays, en particulier dans les territoires ruraux dont je suis un représentant. Elle est déjà intervenue dans plus de 30.000 projets. En Ariège par exemple, la Fondation a participé à la restauration de l’église de Laroque d’Olmes, à celle du clocher de Nogues à Lescure, ou encore à la réalisation du Parc des oiseaux à Mazères, pour ne citer que quelques projets emblématiques.
Dans certaines villes de mon département comme à Foix ou à Pamiers, certains immeubles sont laissés à l’abandon depuis des décennies, faute de moyens pour faire les travaux nécessaires, et le coût estimé de la rénovation, lorsqu’elle est encore possible, atteint aujourd’hui des niveaux insupportables. Il s’agit là d’une vraie problématique pour de nombreux élus locaux qui se retrouvent souvent démunis, pour enrayer ce phénomène de dégradation du patrimoine.
L’ambition de la proposition de loi proposée à l’étude aujourd’hui est d’améliorer l’efficacité des actions de sauvegarde du patrimoine culturel local, et de revitaliser des centres-bourgs/centres-villes confiés à la Fondation du patrimoine. Sur le principe, nous sommes bien entendu favorables, mais le fonctionnement actuel de la fondation du patrimoine et les mesures proposées par Madame Vérien et ses collègues sénateurs ne nous satisfont guère.
Tout d’abord, nous considérons le principe même de la défiscalisation de l’impôt sur le revenu à hauteur de 50 à 100% du montant des travaux réalisés par les propriétaires, comme contestable. L’extension de cet outil incitatif aux propriétaires d’immeubles habitables situés dans des communes de moins de 20 000 habitants implique un élargissement considérable de l’assiette des propriétaires qui pourront en bénéficier. Voilà encore une mesure à destination des plus fortunés qui nous semble mal venue dans le contexte actuel, puisqu’elle permettrait aux propriétaires de belles demeures, de réaliser leurs travaux aux frais des contribuables…
Dans un autre registre, les propositions de ce texte en matière de gouvernance du conseil d’administration de la Fondation, nous scandalisent véritablement. En supprimant la limite d’un tiers des voix pouvant appartenir à l’un des représentants d’entreprises privées, et en remplaçant la notion de « majorité absolue » par celle de « majorité », cette proposition de loi ne fera qu’accentuer la mainmise d’entreprises telles que L’Oréal, Sodexo Alliance, Vivendi, Crédit Agricole SA ou encore Danone, sur l’administration d’une fondation dite « d’utilité publique ». Nous souhaiterions au contraire que les représentants d’entreprises privées soient minoritaires au sein du conseil d’administration, et nous ferons une proposition dans ce sens par voie d’amendement.
Enfin à nos yeux, sous couvert de diversification du type de dons réalisables par les entreprises, le texte pourrait ouvrir de nouvelles possibilités d’optimisation fiscale par le biais du mécénat d’entreprise. Or, nous pensons que les sommes échappant aujourd’hui à l’impôt constituent déjà une véritable gabegie financière. En effet, à en croire les chiffres publiés par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) en juin dernier, ce sont environ 36 milliards d’euros qui sont « délocalisés » chaque année par des entreprises françaises dans des filiales à l’étranger, soit 1,6% du PIB. Cela représenterait une perte de 14 milliards d’euros pour l’Etat… Nous serons donc extrêmement vigilant sur cette question lors de l’étude de l’article 4.
Au risque de froisser certaines susceptibilités chers collègues, je vous ferais remarquer qu’à la France insoumise, nous développons une toute autre vision de ce que devrait être la politique de sauvegarde et de restauration du patrimoine de notre pays. Nous pensons qu’il serait nécessaire de créer un organisme entièrement public, doté de fonds d’investissements majoritairement publics, et d’un modèle de gouvernance permettant une large représentativité de toutes les franges de la société civile. Les montants considérables consentis en défiscalisation, s’ils revenaient sous forme d’impôts à l’Etat, permettraient de réaliser les investissements nécessaires là où cela est le plus utile, selon des critères définis de manière transparente et démocratique, et non plus au bon vouloir de « l’experto-cratie » actuelle ou d’intérêts privés dissimulés derrière le masque de l’altruisme.
Voilà pourquoi nous voterons contre ce texte. »