Un article paru récemment dans la presse soulignait que les couples binationaux pacsés faisaient toujours face à d’énormes difficultés pour obtenir la régularisation du ou de la conjointe étrangère. Les délais et conditions d’octroi du titre de séjour (pouvant aller, en théorie, de 90 jours à 1 an… une fois le dossier accepté !) placent la personne dans une situation d’irrégularité et de précarité pointée du doigt par plusieurs associations, comme le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) qui relève une instruction des dossiers opaque, des retards répétés, conditions de ressources prohibitives pour certaines populations et décisions arbitraires qui varient selon les préfectures. Cette situation qui touche des milliers de couples pacsés et qui organise l’arbitraire a d’ailleurs été dénoncée par le Défenseur des Droits. Ce dernier soulignant le cas de la préfecture de Paris qui exigeait avant d’accepter un dossier cinq ans de vie commune sur le territoire. Vingt ans après le vote de la loi instaurant le Pacs, comment se fait-il que le Pacs reste toujours aussi inégalitaire ?
Reprenons l’exemple des couples binationaux. À l’origine des barrières d’accès qui nient aux partenaires étranger·es leurs droits les plus fondamentaux réside la manière dont le Pacs a été pensé comme un mariage au rabais pour les couples de même sexe. Contrairement au mariage, le Pacs ne donne par exemple pas accès de plein droit à la résidence pour les conjoint·es étranger·es (n’ayant pas été introduit dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). Cette situation crée une injonction au mariage pour ces couples. Soit dit en passant, la situation reste toujours complexe pour certains couples de même sexe : si le mariage pour tou·tes a permis aux couples de même sexe de pouvoir se marier, il y a toujours des difficultés pour les ressortissant·es de onze nationalités du mariage avec un ou une Français·e de leur sexe — les gouvernements sous Hollande et Macron ayant renoncé à rendre publique et facilement accessible la circulaire d’août 2016 qui lève ces difficultés. Pour les couples binationaux pacsés (qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels), l’obtention d’un titre de séjour demeure encore très compliqué, le Pacs ne se suffisant pas en lui-même comme preuve. Le mariage, s’il peut faciliter les procédures de stabilisation des situations de certains couples en France, reste cependant une démarche lourde et intrusive pour les couples binationaux qu’il n’est pas si facile d’entreprendre. Inégalité supplémentaire entre couples mariés et pacsés dans le choix cette fois-ci de leur projet parental, le Pacs ne permet pas non plus un égal accès à la filiation, notamment adoptive. Le Pacs continue d’être, actuellement, en-deçà des droits que le mariage ouvre. Alors pourquoi ne pas déjà ouvrir au Pacs les mêmes droits que le mariage, notamment en matière d’immigration ? Cela serait d’autant plus logique que le Pacs et le mariage tendent à converger d’année en année. Par exemple, depuis le 1er novembre 2017, les personnes se pacsent directement en mairie et non plus au tribunal d’instance. Pourquoi donc ne pas faire évoluer le Pacs ?
S’il a principalement été pensé comme un compromis permettant l’union entre les couples homosexuels sans pour autant leur accorder les privilèges (symboliques et matériels, notamment les pensions de réversion) du mariage, le Pacs concerne aujourd’hui bien plus de couples hétérosexuels qu’homosexuels. Et pour cause : le Pacs a introduit dans le droit français une diversité et une souplesse des formes d’unions possibles ainsi qu’une liberté de choisir cette forme d’union qui correspond à l’évolution des conceptions du couple. Contrairement au mariage, le Pacs n’impose pas de devoir de fidélité (c’est-à-dire que la définition que le couple donne à la fidélité ne regarde que lui), ni de devoir conjugal (c’est-à-dire l’obligation d’entretenir des relations sexuelles dans le mariage, sic !), ni de devoir alimentaire entre beaux-parents et beaux-enfants (une disposition qui date de l’époque où l’on n’épousait pas seulement quelqu’un : on s’alliait entre deux familles). Ces dispositions sont datées et doivent nous interroger : n’est-ce pas surtout le mariage qu’il faut modifier ? Il semble aujourd’hui normal que les couples puissent organiser leur vie conjugale sans que l’État ne se fasse l’arbitre de la “fidélité” — nous sommes loin de l’époque où le seul moyen de divorcer était de prouver une “faute”. Seuls les membres du couple ont légitimité à définir les cadres intimes de leur relation. Il y va de même pour la notion de “devoir conjugal”, qui n’a longtemps été que la légitimation par le droit du viol conjugal. Débarrassé de ces devoirs archaïques, le Pacs est l’avenir de l’union civile en ce qu’il permet d’épouser la multiplicité de façons de faire couple. Mais pour cela encore faut-il étendre les privilèges du mariage à l’union civile – les abolir, donc. Nous pourrions ainsi parvenir à une conception plus émancipatrice du droit, où le concubinage et le mariage sont les deux pôles d’un espace au sein duquel les couples organisent librement leur vie conjugale.
Vingt ans après sa création, le Pacs a évolué mais ne répond toujours pas aux besoins de tous les couples. Les différences que le Pacs entretient avec le mariage, si elles tendent à s’amenuir, restent toujours discriminatoires, notamment pour certains couples binationaux. Si le Pacs traduit une évolution des mœurs et des formes possibles de couple, il est désormais temps de le faire évoluer pour lui permettre de ne plus être le mariage au rabais qu’il a été pendant deux décennies. Il en va de la protection des couples et du devoir d’égalité de toutes les personnes dans notre République, quels que soient leur orientation sexuelle et identité de genre. De même, le mariage aussi doit évoluer dans la Loi et être lavé des devoirs archaïques qu’il impose. Cela est affaire d’égalité de tou·tes dans notre République, sans quoi elle reste cet idéal encore à atteindre.