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Interdiction de circulation : contre la pollution ou contre les pauvres ?

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Paris connait ces derniers jours une nouvelle vague de chaleur, une zone de faibles émissions (ZFE) a été mise en place dans une partie de la région parisienne. Les véhicules diesel mis en circulation avant 2001 et ceux à essence d’avant 1997 sont interdits la journée à Paris et dans quarante-huit communes de la Métropole parisienne à l’intérieur du périmètre de l’autoroute A86, notamment sur le périphérique parisien et dans les Bois de Vincennes et Boulogne. Seuls les véhicules munis d’une vignette Crit’Air de classe 0, 1 et 2 sont autorisés à circuler. Plus de 800.00 véhicules environ sont concernés par cette mesure qui touche 60% de la flotte automobile francilienne. Elle est sensée accélérer le renouvellement du parc automobile dans les zones urbaines denses, où la circulation intense provoque une pollution atmosphérique responsable de nombreux décès prématurés (48 000 en France et 2500 seulement à Paris). Cette mesure concernera bientôt aussi d’autres aires métropolitaines en France comme Strasbourg.

La mise en place de la ZFE s’accompagne de diverses aides jusqu’à 17 000 euros - pour les foyers les plus modestes, les aides étant dégressives -, pour l’achat d’un véhicule propre. Elles proviennent de l’État, de la métropole et de la région. Cependant ces aides restent trop faibles pour acheter une voiture électrique, même les moins chères. Par exemple, l’électrique de base de Renault, la ZOE, reste autour de 15 100 euros après l’aide la plus haute. Plus d’un an de SMIC pour acheter une nouvelle voiture. En Ile-de-France, dans certaines communes, les voitures concernées représentent pourtant plus de 10% du parc global. Dans toute l’Ile-de-France, c’est plus de 5% des ménages qui sont impactés. Selon une étude, 25% des concernés n’auraient pas les moyens de changer de véhicule.

Par ailleurs, la plupart des métropolitains n’ont pas de solution pour remplacer leurs trajets quotidiens accomplis en voiture ; les transports entre les villes à l’intérieur de la métropole autour de Paris ne sont pas souvent adaptés et les trajets s’allongent considérablement. Les classes populaires ont été éloignées des lieux centraux où l’on trouve du travail et doivent souvent aller travailler loin, changer de lieu en habitant toujours plus loin.

La situation de la pollution de l’air en France et particulièrement en Ile-de-France est un sujet inquiétant et prioritaire : une étude du GIEC montre qu’une année vécue à Paris équivaut à cent quatre-vingt-trois cigarettes consommées. Cette pollution nuit à la santé des Franciliens et des Français. La mesure proposée au niveau parisien n’est pas à la hauteur d’une écologie populaire dont nous avons urgemment besoin. 

Cette mesure précipitée n’attaque absolument pas les causes de la pollution dans la région francilienne et à Paris.  Cette mesure, comme la hausse de la taxe sur les carburants qui avait entraîné les premières manifestations des gilets jaunes, est une mesure contraignante avant tout pour les plus pauvres ! La mairie de Paris et la métropole, gouvernée par un élu des Républicains venus des Hauts-de-Seine, font peser sur ceux qui utilisent leur voiture par défaut et non par plaisir. Pourtant cette mesure ne s’attaque pas aux voitures les plus grosses, certes neuves mais consommant énormément de carburant, type SUV ou les motos à deux ou trois roues qui parfois consomment autant qu’une voiture, en véhiculant une seule personne. Ainsi une petite Peugeot de 2003 ne peut plus rouler mais un 4x4 Mercedes de 2018, si. Les véhicules roulant au gaz de pétrole liquéfié (GPL) sont automatiquement classé Crit’Air 1, le meilleur classement pour un véhicule n’utilisant pas une source d’énergie renouvelable : pourtant beaucoup de SUV roulent au GPL, moins cher que l’essence. Un Hummer, imposant 4x4 tout droit venu des Etats-Unis, roulant au GPL ou au bioéthanol (E85) pourra sans problème emprunter le périphérique d’un bout à l’autre de la métropole. Les véhicules de collection de plus de trente ans peuvent eux aussi bénéficier d’une exemption. Il est aussi bon de rappeler qu’aujourd’hui, en France, un tiers des véhicules neufs est vendus avec un malus et ceux-ci roulent bien souvent en ville. Les critères des vignettes font fi également des soupçons de fraude généralisée chez les constructeurs automobiles, falsifiant les chiffres de rejet de CO2 et de particules fines de leurs modèles neufs. Volkswagen, Renault ou Peugeot sont ainsi soupçonnés d’avoir truqué les résultats de leurs tests pollution. Mais une fois encore, la confiance va aux constructeurs automobiles et aux acquéreurs de grosses berlines ou 4x4. Pour que cette mesure ne soit pas seulement de l’affichage, il faudrait au moins élargir les critères d’attribution de la vignette pour ne plus faire de la date récente d’achat le seul aiguilleur.

L’interdiction de rouler concerne bien les véhicules des classes populaires qui ne peuvent changer de véhicules ou acheter des modèles récents. Ainsi pour trouver un véhicule d’occasion d’après 2011, il faut débourser autour de 9 000 euros pour une citadine. La mesure est donc un nouveau péage urbain pour les citoyens les plus modestes.

Parallèlement, au lieu de rendre gratuits les transports à chaque pic de pollution, Ile-de-France mobilités choisit, depuis 2017, de faire payer avec un forfait pollution l’utilisation des transports en commun. Si le tarif paraît modique, il est méconnu et n’encourage pas forcément à changer son habitude, contrairement à la gratuité à prendre les transports.

Cette mesure ne peut suffire à poser la question de la pollution en zone urbaine. Elle est même injuste et très peu efficace puisqu’elle ne s’attaque ni aux problèmes de fond ni aux véhicules, voitures ou motos, neufs mais polluants et peu adaptés à l’urbain.

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