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Notre-Dame-de-Paris : un projet de loi contraire à l’intérêt général

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Michel LARIVE intervient en 2eme lecture lors de la discussion générale du projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris.

« Il y a bientôt 2 mois, je défendais ici-même la position du groupe la France insoumise lors de la 1ère lecture de ce projet de loi « pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris et instituant une souscription nationale à cet effet ». Moins d’un mois s’était écoulé après l’incendie du 15 avril 2019, qui a ravagé ce chef d’œuvre vieux de 856 ans, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Émus par cette douloureuse actualité, nous avions mentionnés l’élan de générosité hors du commun suscité par la catastrophe. Effectivement, dans les jours qui ont suivi l’incendie, plus de 850 millions d’euros de promesses de dons ont été annoncés.

Or, deux mois après l’effondrement de la flèche de Notre-Dame-de-Paris en direct sur nos écrans de télévisions, seuls 82 millions d’euros avaient été récoltés, soit 9% du total des promesses de dons initiales. La Fondation de France a reçu 9 millions d’euros sur les 29 millions de promesses de dons. Pour la Fondation du patrimoine, 54,5 millions d’euros ont été perçus alors que 221 millions d’euros sont espérés. En ce qui concerne la Fondation Notre-Dame, sur 395 millions d’euros, seuls 15 millions ont été récoltés. Le Centre des monuments nationaux constate une différence d’un million d’euros entre les dons effectifs et les promesses qui s’élevaient à 4,5 millions d’euros.

Ces 82 millions d’euros, arrivés par chèque ou virement, proviennent en majeure partie des dons particuliers. Le différentiel entre les promesses originelles et les dons véritables tient aux fonds promis par quelques milliardaires. Quand ceux-là se sont empressés de vanter leurs mérites de donateurs richissimes dans la presse, ils ne précisaient pas que cet argent serait envoyé « petit à petit, en fonction du devis de la construction » dans le but « d’éviter que l’État fasse fructifier leurs centaines de millions d’euros en les plaçant avant que les travaux ne soient lancés », comme nous l’explique France info. 

Les françaises et les français, contributrices et contributeurs à l’effort de reconstruction de ce monument, ne tireront pas tous les mêmes bénéfices de leur générosité. Les donateurs les plus modestes auront à charge 100% de leur don s’ils sont non imposables, alors que le généreux mécène qui offrira 100 millions d’euros pourra bénéficier de 66 millions d’abattement d’impôts, compensés par l’État, donc par le contribuable.

Lors de la 1ère lecture, vous avez refusé d’améliorer le nouvel article voté en commission des finances demandant un rapport sur « la part et le montant des dons et versements effectués au titre de la souscription nationale ayant donné lieu aux réductions d’impôts ». Nous vous avions proposé de confier une mission d’éclaircissement supplémentaire à ce rapport, afin qu’il étudie le profil de ceux qui ont bénéficié de la réduction d’impôt par décile de niveau de vie, dans le but de mettre en lumière le caractère injuste du système de don. Les dons perçus pour Notre-Dame-de-Paris provenant principalement des particuliers, nous considérons que cet amendement est d’autant plus légitime pour cette nouvelle lecture. Nous vous le proposerons de nouveau tout à l’heure.

Concernant les versements au titre de cette souscription nationale, vous prévoyez qu’ils puissent être opérés par les collectivités territoriales. Vous précisez dans votre exposé des motifs, mais pas dans le dispositif, que ces subventions seront considérées comme “des subventions d’équipement”, “des dépenses d’investissement”. Des incertitudes juridiques persistent sur la capacité des régions à réaliser ce genre de versements. Pourtant, il est vrai que nous pouvons voir que certaines d’entre elles, qui se disaient déjà asphyxiées financièrement par la baisse des dotations de l’État, ont su trouver les ressources nécessaires pour participer à cet élan de générosité. Nous vous proposerons néanmoins, comme en 1èrelecture et comme le Sénat le suggère, de ne pas comptabiliser ces dons dans le calcul des 1,2% d’augmentation des dépenses que les collectivités doivent dorénavant respecter dans le cadre de la contractualisation.

La meilleure solution pour couvrir les frais de restauration et de conservation de notre patrimoine, c’est l’impôt. La solidarité nationale peut financer un tel dispositif. Nous pourrions, par exemple, envisager un impôt exceptionnel sur les grandes fortunes et sur les grandes entreprises. 

La représentation nationale se doit d’exiger une gestion transparente et transpartisane de ces fonds. Le groupe France insoumise souhaite que cette souscription nationale ne soit pas placée sous le haut patronage du Président de la République, mais que le comité de contrôle des fonds soit composé de deux parlementaires issus de l’opposition de chaque assemblée, et qu’il remette régulièrement des conclusions, via un site internet, pour que chacun et chacune soit informé des évolutions de ses travaux. Nous pourrions aussi, à cette occasion, inscrire dans la loi que le surplus d’argent récolté, si tant est qu’il existe, serve à financer d’autres bâtiments faisant partie de notre patrimoine public et nécessitant rénovations.

Nombre de nos concitoyens et de nos concitoyennes ont manifesté leur désaccord vis à vis des différentes dérogations que ce projet de loi prévoit. Dérogations aux règles de l’urbanisme, de protection de l’environnement et même de participation du public… Ce régime d’exception que vous souhaitez traduire législativement nous inquiète particulièrement en ce qui concerne la mise en conformité des documents de planification, la délivrance des autorisations de travaux et de construction, les modalités de la participation du public à l’élaboration des décisions et de l’évaluation environnementale, ainsi que l’archéologie préventive, mais aussi les règles en matière de commande publique, de domanialité publique, de voirie et de transport.

Votre tendance à déroger aux dispositions légales se confirme jusque dans la nomination de la direction de l’établissement public chargé de la reconstruction. Vous persistez à “prévoir que les dirigeants de l’établissement ne soient pas soumis aux règles de limite d’âge applicables à la fonction publique d’État”. Au moment où les français et les françaises marquent un rejet très net du népotisme, et font valoir la nécessité de la mise en place d’un État plus exemplaire, cette proposition, supprimée à raison par le Sénat, s’assure que le Général Jean-Louis Georgelin pourrait prendre la tête de cet établissement et recevoir un traitement à cet effet. Sans préjuger de la qualité de la personnalité dudit général, cela renforce notre idée que ce projet de loi est un texte qui multiplie les exceptions à la loi et à l’éthique, ce qui nous semble contraire à l’intérêt général. 

C’est justement l’intérêt général qui devrait prévaloir. Nous pourrions ici tirer les leçons d’une situation qui nous est certes imposée, mais qui, dans l’éventualité, était possible. L’incendie de Notre-Dame-de-Paris n’était pas prévisible, mais il était possible. Nous constatons qu’en l’état actuel des finances du Ministère de la culture, l’État n’avait aucune possibilité de réaction. Ceci est d’une logique implacable quand on s’aperçoit que depuis 2009, le budget consacré au patrimoine architectural et aux monuments a été amputé de 25%, passant de 440 à 332 millions d’euros. L’État se désengage toujours plus des affaires culturelles au profit du mécénat privé qu’il encourage à grand renfort d’exonérations fiscales que le contribuable supporte.

C’est la raison pour laquelle nous nous étions opposés à la disposition prévoyant de porter la compensation fiscale de 66 à 75% pour les dons et versements dans la limite de 1000€. A notre grande surprise, la commission des finances a supprimé l’article 5 qui prévoyait cette mesure fiscale. La commission des affaires culturelles a fait de même, malgré l’avis contraire de la rapporteure. Refusant les décisions de circonstances, les mesures d’exceptions et le désengagement de l’État en faveur des politiques culturelles au détriment du contribuable, nous souhaitons vivement que cet article disposant de la réduction d’impôts sur le revenu à 75%, ne soit pas réactivé. 

Nous le répétons, la culture est la variable d’ajustement des budgets de l’État. Pourtant, elle est un vecteur d’émancipation, donc de liberté. C’est l’antidote absolue contre l’obscurantisme.

A une certaine époque, Notre-Dame était l’incarnation d’un temps nouveau qui commençait. Il est fondamental que sa reconstruction se fasse dans un esprit qui respecte les grandes questions qui nous animent aujourd’hui, autant que celles qui ont pu animer les bâtisseurs des temps anciens. Les questions sociales, environnementales, éthiques, démocratiques doivent être au cœur des préoccupations de celles et ceux qui auront la mission de reconstruire ce monument de l’histoire de France. »

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