Sauvons la sucrerie de Bourdon (63), victime du productivisme européen !

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Samedi 27 avril 2019, Marina Mesure et Romain Dureau, candidat·e·s de la France insoumise aux élections européennes, ont rencontré les représentant·e·s des salarié·e·s de la sucrerie de Bourdon (Aulnat, 63), aujourd’hui menacée de fermeture car jugée non rentable.

Implantée depuis 1836 aux portes de Clermont-Ferrand, dans le Puy-de-Dôme, la sucrerie de Bourdon est la plus vieille de France encore une activité. En 1976, elle passe d’un statut de sucrerie indépendante à celui d’une coopérative agricole. En 2011, la coopérative de Bourdon fusionne avec Cristal Union, en anticipation de la suppression des quotas sucriers, initiée par la réforme de la PAC votée en 2014 et entrée en vigueur en 2017. La rengaine est toujours la même : « être plus fort face à la concurrence mondiale, être plus gros pour produire plus en comprimant les coûts ».

La sucrerie produit aujourd’hui entre 50 et 70 000 tonnes de sucre, soit environ 4200 tonnes de betteraves traitées par jour, sur 100 jours de production (certaines usines peuvent traiter 22 000 tonnes par jour). Cela représente 2% de la production sucrière du groupe Cristal Union. Toutefois, lors de la fusion de 2011, la sucrerie de Bourdon a perdu une partie du marché local (confiseries, …) en arrêtant la production de sacs de sucre en poudre. L’approvisionnement en betterave se fait localement, en Limagne. Entre 40 et 50% de la production de sucre est commercialisée localement ; le reste est commercialisé dans le Sud de la France, en Italie et en Espagne.

Le 18 avril 2019, le groupe Cristal Union, qui comprend 14 sucreries (sur 22 en France), annonce la fermeture du site de Bourbon, laissant sur le carreau les 86 salarié·e·s de la sucrerie. Sont concernés 300 emplois indirects, 300 agriculteur·rice·s pour un total de 4000 ha. Le délai de dépôt d’un dossier de reprise est de 4 mois, dossier auquel l’actuelle direction doit donner son avis sur la viabilité du projet. La décision doit être rendue fin août, avec une possible fermeture de la sucrerie en décembre.

La fusion de la coopérative de Bourdon avec Cristal Union a éloigné le pouvoir de décision et de négociation du site de production et des agriculteur·rice·s auvergnat·e·s. La sucrerie a perdu la maîtrise du prix des betteraves et des outils de production, mais aussi le lien avec les politiques agricoles locales et avec les agriculteur·rice·s.

La suppression des quotas sucriers, dans un contexte de surproduction et de forte concurrence sur les marchés mondiaux (Inde et Thaïlande, qui ont doublé leur production ; Brésil), ont tiré le prix du sucre européen vers le bas pour l’aligner sur les prix mondiaux. Les principaux producteurs européens sont la France, l’Allemagne et la Pologne. Cette course au productivisme a conduit le prix du sucre à 300€/tonne, en dessous des coûts de production estimés à 400 €/tonne, si bien qu’une sucrerie européenne perd en moyenne 100€/tonne de sucre qu’elle produit. Lorsque les quotas sucriers étaient en vigueur, le prix du sucre pouvait culminer jusqu’à 750€/tonne. La filière européenne est aujourd’hui en perte nette, et d’autres sites français, comme la sucrerie de Toury, sont également menacés.

Le principal problème du marché du sucre aujourd’hui réside d’une part dans l’absence de régulation du marché européen (suppression des quotas, incitations au productivisme), mais également dans le manque de protection aux frontières européennes voire aux frontières nationales face aux importations de sucre produit hors de l’Union européenne.

En Europe, le sucre est produit à partir de betterave. L’énergie nécessaire à la fabrication du sucre est fournie par du gaz. En Inde, en Thaïlande ou encore au Brésil, le sucre est produit à partir de canne à sucre, qui fournit à la fois la matière première pour la fabrication du sucre, mais également le combustible nécessaire pour fournir l’énergie. Ceci, cumulé au honteux dumping social (condition de travail et de rémunération des producteur·rice·s), permet à ces pays de disposer de coûts de production plus bas que ceux du sucre européen, et donc d’être plus compétitif sur le marché mondial. Il est absurde de mettre en concurrence des produits dont les conditions de production agronomiques, climatiques, environnementales et sociales ne sont pas les mêmes. Il est absurde de se livrer à une course au productivisme et à la surproduction, au détriment de la qualité des produits, de l’environnement et des travailleurs. Ce système agro-alimentaire, soutenu par la PAC européenne et les traités libéraux, ne répond aucunement à l’intérêt général.

Grâce au syndicat CGT de la sucrerie, les salarié·e·s ont pu s’organiser pour suivre les avancées sur une potentielle reprise, malgré l’opacité du processus. Il est urgent de trouver une solution positive pour la sucrerie, pour ses salarié·e·s et pour l’ensemble de la filière sucrière auvergnate. Le site de Bourdon, malgré son âge, n’est pas vétuste et aucun investissement lourd n’est indispensable à son bon fonctionnement. Tout le monde soit se mettre autour de la table : services de l’État, collectivités locales, agriculteur·rice·s et salarié·e·s pour construire un projet de reprise cohérent avec les besoins du territoire et de l’économie locale.

Nous appelons l’État et l’Union européenne à prendre des mesures d’urgence pour soutenir la filière sucrière en France et en Europe :

• L’instauration immédiate d’un prix minimum de 400€/tonne de sucre pour couvrir les coûts de production.
• La mise en place de barrières tarifaires empêchant l’importation de sucre hors Union européenne à un prix inférieur à celui du marché intérieur (400€/tonne).
• À plus long terme, une profonde réforme de la PAC devra permettre la remise en place d’un certain nombre d’outils de régulation des marchés agricoles, notamment les quotas sucriers.

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