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CAP 2022 : vers une libéralisation des services publics

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Intervention de Michel LARIVE à l’occasion du débat sur l’organisation de l’Etat et des services publics, à la tribune de l’Assemblée :

« Au mois d’octobre 2017, le Premier Ministre a lancé le Comité Action Publique 2022, chargé d’évaluer les politiques publiques menées dans de nombreux domaines de compétences régaliennes.

Vos ambitions ne sont pas en adéquation avec les résultats de la consultation menée entre novembre 2017 et mars 2018 qui sont sans équivoque : 66% des agents publics et 60% des usagers expriment leur sentiment d’une dégradation des services publics. Cette enquête révèle par ailleurs que 69% des personnes interrogées estiment que la continuité des services publics n’est pas respectée. Les sondés attribuent majoritairement cette baisse de la qualité des services publics à une diminution des moyens et une réduction des effectifs.

Depuis une décennie effectivement, les dépenses publiques ralentissent, sous l’effet des politiques d’austérités qui se sont renforcéesdepuis la crise des subprimes en 2008. Le taux de croissance des dépenses publiques a été divisé par deux depuis les années 2000, et les investissements stagnent. Mais sur la même période, la population française a augmenté de 9%. Or si les fonctionnaires représentent toujours un peu plus de 8% de la population totale, le processus de décentralisation et le désengagement croissant de l’État a considérablement modifié leur répartition, déplaçant des milliers d’agents de la fonction publique d’État vers la fonction publique territoriale.

Ainsi durant la dernière décennie, ce sont plus de 38.000 postes qui ont été supprimés dans les finances publiques, plus de 20% des effectifs des préfectures et des sous-préfectures, et près de 30% des effectifs des Direction Départementale des Territoires. À vrai dire, presque tous les services déconcentrés de l’État sont concernés par des réductions importantes d’effectifs. En voulant supprimer 120.000 postes de fonctionnaires, le Gouvernement entreprends le plus grand plan social de ce quinquennat !

Dans mon département en Ariège, les conséquences de ces décisions sont lourdes. Elles nuisent gravement à l’attractivité du territoire et créent beaucoup de difficultés dans la vie des gens. 

Je ne crois pas que l’on puisse faire mieux, aller plus vite et plus loin, avec moins de moyens. Pourtant c’est bien l’ambition affichée par CAP 2022. Mais lorsque le Centre hospitalier intercommunal des vallées d’Ariège décide de mutualiser un poste d’infirmier de nuit entre deux EHPAD séparés d’une vingtaine de kilomètres, j’aimerais que l’on m’explique en quoi cela constitue une amélioration du service rendu aux résident. Ce que les personnels m’expliquent c’est plutôt que si une urgence se produit simultanément dans chacun des établissements, l’infirmier en poste devra choisir quelle personne il ira secourir.

Le choix idéologique de satisfaire aux exigences de Bruxelles, et même d’aller parfois au-delà, en matière de libéralisation des services publics a aussi un impact délétère sur la qualité de vie des français. Les privatisations successives ne s’accompagnent jamais d’une amélioration du service rendu, ni d’une diminution de son coût pour les usagers, devenus des clients.

La nouvelle convention Train Express Régionaux 2018-2025 pour l’Occitanie ouvre la possibilité à la SNCF de réduire de 40% le nombre d’heures d’ouverture annuelle des guichets en gare. Dans certaines petites gares, il n’y a plus de guichet et pas d’automates non plus. La seule solution proposée aux clients c’est de disposer d’un smartphone ou d’un ordinateur et d’une imprimante pour pouvoir acheter leurs billets en ligne. Mais dans les territoires concernés, outre le fait qu’il existe des personnes qui sont peu habiles avec les nouvelles technologies, ou carrément dépourvues de celles-ci, la couverture réseau et Internet demeure très limitée.
Par ailleurs, la levée de l’obligation de placer dans les trains des contrôleurs, qui assurent aussi des missions d’encadrement et de sécurité, a été suivie de la suppression de tous les contrôleurs sur certaines lignes, dont celle de Toulouse-La Tour de Carol. Le comité de défense ariégeois de cette ligne a relevé pas moins de 6 cas d’agressions verbales, physiques ou à caractère sexuel depuis le retrait des contrôleurs dans les trains.

Dans son dernier rapport sur CAP 2022, le Défenseur des Droits met en garde contre la tentation d’abandonner certains territoires et certains usagers, qui ont besoin d’un accompagnement soutenu pour réussir cette révolution technologique. Comme monsieur M. Toubon le souligne : « Si une seule personne devait être privée de ses droits du fait de la dématérialisation d’un service public, ce serait un échec pour notre démocratie et pour l’État de droit. »

Je fais moi aussi le vœu que le processus de dématérialisation en cours respecte les principes fondateurs du service public : celui de la continuité du service, de l’égalité devant le service et celui d’adaptabilité ou de mutabilité. »

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