La démission du général De Villiers en juillet 2017, suite aux coupes budgétaires, témoignait d’une défiance entre les officier supérieurs et l’exécutif, Mais aujourd’hui, la défiance des militaires de rangs et des sous-officiers est aussi profonde. Elle se cristallise autour de la vétusté et de la mauvaise qualité des équipements.
En effet, nous assistons à une baisse continuelle des dépenses militaire depuis des décennies. Les moyens sont venus à manquer, tandis que les engagements de l’armée française se multipliaient depuis la première du golfe (1990-1991) et la guerre de Yougoslavie (1991-2001). Engagé dans des milieux très hostiles, le matériel militaire voit son espérance de vie décroître encore plus vite en Afghanistan ou au Mali. L’aviation en est aujourd’hui à un point où elle doit « cannibaliser » ses propres appareils, pour en faire voler de nouveau. Les véhicules ont parfois 30 à 40 ans d’ancienneté. La disponibilité et la qualité des équipements représentent continuellement un risque opérationnel pour les unités engagées en opération.
L’équipement individuel est encore pire : tenues de mauvaise qualité pour la marine, cordes et sangles inutilisables pour l’armée de terre, la liste est longue et effarante. La plupart des militaires doivent aujourd’hui acheter un meilleur équipement dans des grandes chaînes commerciales pour disposer d’un matériel passable. Leur salaire passe donc en partie dans un l’achat d’un équipement leur garantissant de meilleures conditions de travail ! La baisse du budget de la défense se répercute en une baisse du revenu disponible des personnels et une augmentation des profits des entreprises privées de vente de matériel. Certes, l’amélioration de l’équipement par le militaire est ancienne et tolérée durant les opérations. Pour autant, les conditions matérielles des militaires ont un impact important sur le moral et sur l’attractivité de l’institution. Et l’équipement individuel des militaires est loin d’être le seul facteur sur lequel agir : commodités hors d’âge, casiers dans les dortoirs brinquebalants, fuites et humidité…
Le turn-over est très élevé aujourd’hui, où l’armée fait souvent office d’organisme de formation pendant quelques années, avant de pousser vers le secteur privé des individus à hautes qualifications. Le départ de nombreux jeunes militaires dans les mois suivant les attentats de 2015/2016 est loin d’être anodin.
La loi de programmation militaire (LPM) en février 2018 implique un effort sur l’équipement individuel du militaire de rang « à hauteur d’homme ». Ainsi, les militaires seront dotés de nouveaux treillis et de nouveaux gilets pare balles. Cependant, la hausse est programmée après la fin du quinquennat Macron ! La majorité qui sortira des élections législatives de 2022 aura les mains libres pour décider quelle suite donner à cette affaire.
Pire encore, le trop grand nombre d’opérations extérieures et les besoins de l’opération sentinelle ne laissent aucun répit aux militaires. Les temps de repos sont devenus rares et précieux, ce qui se répercute sur les familles - le Plan Famille 2018-2022 de la ministre constituant une tentative louable mais sans moyens. Les temps d’entrainement se réduisent comme peau de chagrin, affectant les savoir-faire et, donc, la sécurité sur le terrain.
Environnement de travail inadéquat, multiplicité des fronts extérieurs, baisse générale du moral des soldats : la formule Macron pour les armées constitue une mise à l’épreuve inédite.