Le pouvoir à la dérive
Les événements se succèdent à un rythme fou. Le pays est saturé d’annonces plus extravagantes les unes que les autres. Chaque semaine le nombre des blessés augmente ; la répression du mouvement des gilets jaunes franchit petit à petit tous les seuils : on avait vu éborgner Jérome Rodrigues, le week-end dernier, on a vu une main arrachée… La semaine qui avait précédé, la majorité avait voté une loi restreignant drastiquement une liberté fondamentale, le droit de manifester. Les député.e.s insoumis ont combattu pied à pied dans l’hémicycle mais les robots de la majorité n’auront été réveillés par aucun avertissement ! L’avocat François Sureau, premier rédacteur des statuts d’En Marche, proche s’il en est d’Emmanuel Macron, a eu beau faire paraître son inquiétude et sa consternation dans une une tribune parue dans Libération : aucun effet. Le député libéral Charles de Courson, député connu pour la modération de son expression, a évoqué Vichy pour avertir des risques que portent cette loi. Résultat ? Une brève émotion dans les médias et puis plus rien. Les Marcheurs ont finalement voté le texte sans faire de difficultés. 60 d’entre eux ont préféré ne pas se déplacer pour ne pas mêler leur nom à cette ignominie. Ils n’avaient pas le courage de voter contre.
La justice aux ordres
Au même moment l’instrumentalisation de la justice battait son plein. Après avoir diffusé des enregistrements d’Alexandre Benalla et Vincent Crase, Mediapart était l’objet d’une tentative de perquisition à l’instigation de Matignon. La menace que ce genre de démarche fait planer sur le secret des sources est suffisamment claire pour qu’on ne s’étende pas davantage.
Immédiatement après ce fut Manuel Bompard, l’alter ego de Manon Aubry sur la liste de la France insoumise aux élections européennes, qui eut son domicile perquisitionné. Plus personne n’est dupe de ce genre de manœuvre. Son statut de candidat le désigne bien sûr comme une cible pour le pouvoir en place.
Et que dire des condamnations à la chaîne lors de comparutions immédiates ? On sait maintenant que le ministère de la Justice a passé des ordres de « fermeté ». Autant dire que les réquisitions ne s’embarrassent pas d’exactitude ni même de justice. Il y a quelques semaines, un juge se croyait en droit de rétorquer à une personne condamnée alors même qu’elle n’avait pas d’avocat : « qu’est-ce que ça aurait changé ».
Macron tout seul et en campagne
La fuite en avant est évidente. « Fuite » n’est d’ailleurs pas le bon mot puisque le gouvernement nous précipite droit dans le mur. Pendant que l’atmosphère devient irrespirable, Emmanuel Macron fait campagne aux frais du contribuable.
Plus personne ne s’intéresse à ce qu’il dit. Il monopolise le temps d’antenne mais dans le fond, il s’enferre chaque jour un peu plus. Son entourage se vide petit à petit. Il est à bout de souffle et concentre les attentes sur sa personne. Son « grand débat » patine et il sera fini bien avant l’élection européenne. Il sera obligé de sortir du bois.
RIC – question de méthode
C’est dans ce contexte qu’arrive à l’Assemblée nationale, la « niche » de la France insoumise. Qu’est-ce que cette niche ? C’est le seul jour de l’année où les député.e.s insoumis.e.s proposent leurs propres lois. Après avoir défendu l’an dernier l’inscription dans la constitution du droit d’accès à l’eau et la gratuité des premiers mètres cubes, j’ai l’honneur à présent de défendre le référendum d’initiative citoyenne.
Avant de revenir sur notre proposition je voudrais dire deux mots sur la méthode que nous avons adoptée. Le travail a commencé dès le mois de décembre. Un premier texte a été écrit et proposé librement à l’amendement du public, sur le site internet de la France insoumise. Plusieurs centaines de contributions ont été déposées. Il a fallu le travail de plusieurs personnes pour les passer en revue. Très diverses dans leurs formes, elles mettaient toutes en avant l’opportunité de notre démarche ; elles revenaient aussi sur les modalités précises de mise en œuvre, pour que ce référendum d’initiative citoyenne soit un outil efficace d’intervention populaire. Le nombre des messages a été un véritable encouragement et la confirmation que nous avions inauguré une méthode utile. Comme les ateliers des lois qui ont lieu désormais dans toute la France, je crois que la tentative va se renouveler et s’affiner encore.
Une fois le texte transmis aux services de l’Assemblée, il y a quelques semaines, une nouvelle étape s’est ouverte. Avant de l’examiner devant la commission des lois, nous organisons des auditions « d’experts » venus nous fournir leurs points de vue sur notre proposition. Pour l’heure, nous avons entendus 5 juristes, spécialistes du droit constitutionnel. Mardi 12 février, c’est une délégation de gilets jaunes que j’ai reçus. Ces derniers avaient organisé une « Marche pour le RIC » jusqu’à Paris et je tenais à leur donner la parole dans ce lieu symbolique qu’est l’Assemblée nationale. Eux, avaient à cœur de faire entendre les raisons pour lesquelles ils défendent le RIC. Une brève vidéo a été faite à l’issue de ce moment particulièrement fort : visible ici. Dommage qu’AUCUN autre député de la commission n’ait daigné participer à ces auditions. Pas même Sacha Houlié, député LREM chargé de s’opposer à notre projet. Il n’a donc pu écouter ni les arguments des spécialistes ni les revendications populaires. Pas étonnant que son argumentation en commission des lois, le lendemain ait été si approximative et malveillante.
RIC : la trouille de la caste
Sur le fond, nous répondons à l’appel des gilets jaunes. C’est d’autant plus logique et simple que le référendum d’initiative citoyenne figurait déjà dans l’Avenir en commun, le programme de la France insoumise. Si les marcheurs avaient un peu de bon sens, il saisirait la perche que, d’une certaine façon, nous leur tendons pour sortir du bourbier dans lequel ils sont. Après tout, avec le référendum d’initiative citoyenne, nous ne reprenons qu’un idée très simple : que le peuple fasse la loi. Dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, il est écrit, à l’article 6 : « Tous les citoyens ont le droit de concourir, personnellement, ou par leurs représentants à [la] formation [de la loi] ».
Toutes les objections contre le RIC ne servent qu’à dissimuler l’hostilité des marcheurs à ce principe élémentaire ; le peuple peut décider de sa vie. Voilà une idée qui angoisse terriblement les Marcheurs. Ils se croient si supérieurs, si différents des gens du commun. Ils égrènent les pires lieux communs : faire la loi, c’est trop compliqué ; les gens ne sauront pas, ils se feront manipuler bla bla bla… En somme, le peuple n’est bon qu’à les élire. À l’inverse, nous soutenons que le peuple n’est pas un enfant qu’il faut instruire. Il est le maître : il décide. C’est pourquoi notre proposition de RIC permettrait aussi bien de faire voter une loi, d’en abroger, de modifier la constitution en totalité ou en partie ou encore de révoquer un élu. Bien sûr, il y a quelques modalités pratiques qu’il faudra définir. Mais nous voulons d’abord que le principe du RIC soit adopté.
De même, nous ne pensons pas que le RIC suffira à tirer notre pays de l’ornière la crise est sociale, écologique et démocratique. Il y a des mesures d’urgence à prendre. Mais la première d’entre elle, c’est de rendre au peuple son pouvoir. C’est la condition pour que ceux qui gouvernent s’intéressent enfin à la vie du peuple.
Prochaine étape de la bataille : en hémicycle, le 21 février prochain !