Suite à sa rencontre avec une représentante du collectif de sauvegarde de la gare d’Argenton-sur-Creuse (Indre, 36), Bastien Lachaud a posé une question écrite à la ministre des transports sur la desserte des zones rurales en général, et sur la situation de cette gare en particulier. Le collectif de sauvegarde de la gare a déjà saisi la ministre par courrier, mais n’a pas reçu de réponse. Le premier ministre, également saisi, répond via son cabinet qu’il en a informé la ministre et que c’est elle en charge du dossier qui doit répondre.
Voir ici le texte de la question (JO le 24/07/2018) :
M. Bastien Lachaud appelle l’attention de Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur la desserte ferroviaire des zones rurales. En effet, devant le Sénat, le 29 mars 2018, la ministre a assuré qu’« il n’est pas question de supprimer les lignes de maillage ou d’intérêt local », les petites lignes. Pourtant, il y a tout lieu de s’inquiéter pour leur pérennité, et le maillage territorial réel pour toutes les zones qui ne sont pas densément peuplées. Déjà, parce que ce sont les régions qui s’occupent de la gestion quotidienne des transports depuis la loi NOTRe. Or celles-ci subissent les conséquences des politiques d’austérité. Plus encore, avec la réforme ferroviaire que la ministre a ardemment défendue, à partir de 2019, les trains régionaux et les grandes lignes (TER, Intercités, Teoz, Corail) seront ouverts à la concurrence. Faute de monopole public, la desserte sera soumise à de plus grands impératifs de rentabilité, ce qui ne renforce pas le maillage territorial, mais accroît les dessertes les plus fréquentées donc rentables. Ce qui est contradictoire avec l’impératif de service public.
Mais supprimer les lignes n’est pas la seule menace pour les zones rurales. Il peut y avoir des rails, avec des trains roulant régulièrement, mais sans s’arrêter. Le train traverse les espaces à grande vitesse, pour relier les métropoles entre elles. Les riverains sur les espaces intermédiaires ont donc les nuisances du train, sans avoir les avantages de mobilité. Plus subtil encore, les arrêts dans certaines gares intermédiaires peuvent être supprimés. Les seuls arrêts maintenus sont incompatibles avec les temps de la vie sociale, et les correspondances ne sont pas prévues pour acheminer les personnes de leur lieu de vie à un lieu de travail régulier ou ponctuel.
Le cas de la gare d’Argenton-sur-Creuse (Indre) est emblématique de cette politique du laisser faire. Celle-ci se situe sur la ligne dite POLT reliant Paris, Orléans, Limoges et Toulouse en train Intercité. En juillet 2017, les horaires d’arrêt y ont été modifiés. Il est impossible aujourd’hui de se rendre à Argenton depuis Paris après 17h40, même avec une correspondance. Aucune information de la part de la SNCF n’a été communiquée aux voyageurs, abonnés ou ponctuels. Les arrêts de trains ont pourtant été supprimés de façon insidieuse depuis plusieurs années. Si le nombre de trains reste le même qu’en 2017, il est insuffisant et leurs horaires changés en juillet 2017 sont inappropriés à l’usage des voyageurs. Depuis la Gare d’Argenton sur Creuse, il n’y a plus aucun train direct pour Paris le soir, excepté le dimanche, il n’y a pas de train direct l’après-midi. Depuis la gare d’Austerlitz, il n’y a plus de transport ferroviaire pour revenir à Argenton sur Creuse après 17h37, soit un horaire incompatible avec la vie professionnelle. Il n’y a plus de train direct le matin et après 17h37, et il n’y a plus, non plus, de correspondance possible le soir depuis la gare de Châteauroux.
Un collectif citoyen de sauvegarde de la gare a été créé, une pétition a rassemblé 7 000 signatures électroniques et papier, pour une population sur la commune de près de 5 000 personnes, et une population cantonale de 18 000 personnes, ce qui témoigne d’une très forte mobilisation de la population locale, car une gare ne dessert pas seulement une commune. Le maire d’Argenton et président de la CDC, ainsi qu’un collectif de chefs d’entreprise et de responsables économiques, dont l’un des plus importants employeurs du secteur d’Argenton l’ont déjà alertée sur la suppression d’Intercités de la ligne POLT qui s’arrêtaient auparavant en gare d’Argenton-sur-Creuse et assuraient une liaison directe avec Paris en 2h20. En l’absence d’alternative satisfaisante proposée aux voyageurs, le recul de la desserte ferroviaire est pénalisant pour la création d’emplois, l’activité et le dynamisme économiques de la région d’Argenton.
Les alternatives ne sont pas nombreuses, et impliquent des transports plus polluants, la voiture, le covoiturage quand cela est possible. Avec le manque de desserte, c’est toute la zone qui est pénalisée, les travailleurs qui ne peuvent se déplacer, les étudiants qui ne peuvent revenir dans leur foyer le week-end, retraités qui sont isolés et ont de grandes difficultés soit pour rendre visite à une famille au loin, soit pour recevoir leurs familles, et sont d’autant plus seuls. La vie amicale et sociale ordinaire est entravée par le manque de desserte. Le tourisme en pâtit également.
Le collectif a rencontré les responsables SNCF et régionaux, sans que le problème puisse se régler, chacun renvoyant la responsabilité à un autre décideur. Les solutions proposées sont un marchandage d’un arrêt contre un autre, soit le matin, soit le soir, soit en privant une autre gare comme celle de la Souterraine de son arrêt actuel. L’argument développé serait qu’il ne faudrait pas plus de trois arrêts avant Limoges, ce qui en plus n’est pas toujours le cas. Pourquoi un tel verrouillage ? Le tout pour un gain de temps de 3 minutes à l’arrivée à Limoges. Il ne s’agit pas que le train s’arrête partout tout le temps, mais d’assurer une desserte harmonieuse des territoires et socialement utile. Une politique de service public ne peut pas ainsi mettre en concurrence les villes, les usages, les voyageurs mais permettre à tous les citoyens de pouvoir circuler, en veillant, comme l’a dit Mme la ministre, au désenclavement des territoires isolés.
Le collectif revendique le maintien du service commercial et du personnel en gare d’Argenton-sur-Creuse, le maintien des quatre intercités existants, le rétablissement d’un train quotidien pour Paris l’après-midi et le soir, et le rétablissement de deux trains quotidiens pour Argenton le matin, et le soir, à des horaires compatibles avec la vie sociale. Ces trains circulent. Il s’agit juste qu’ils fassent un arrêt dans la gare d’Argenton. Le collectif a écrit à Mme la ministre sans recevoir de réponse jusqu’alors.
M. le député se fait donc le relais, comme représentant de la Nation, de leur parole. Il souhaite donc apprendre ce qu’elle compte faire, afin que l’État garantisse une desserte suffisante des lignes de maillage locales, maintienne les arrêts actuels et rétablisse notamment des arrêts réguliers vers Paris et depuis Paris, à la gare d’Argenton-sur-Creuse.
Réponse du ministère :
Le Gouvernement a pleinement conscience de l’importance des lignes ferroviaires peu circulées, improprement appelées « petites lignes », qui sont indispensables au maillage de notre territoire et à la vitalité, en particulier, des zones rurales souvent défavorisées en matière d’offres de mobilité. Le Gouvernement s’est engagé à ne pas suivre les recommandations du rapport Spinetta sur ces lignes, dans la mesure où elles sont une composante essentielle de l’aménagement des territoires desservis. L’État demeurera donc aux côtés des collectivités territoriales pour entretenir ce maillage nécessaire à la cohésion sociale et au développement économique des territoires. C’est pourquoi l’engagement de l’État à investir pour la remise à niveau de ces lignes dans le cadre des contrats de plan État-régions sera tenu.
D’ores et déjà, une démarche de recensement des cas difficiles, en partenariat avec les régions, et de mise en place de solutions innovantes, en termes techniques et de gouvernance, s’engage pour assurer la sauvegarde de cette partie du réseau. De plus, l’ouverture à la concurrence peut être une opportunité pour ces lignes, puisque de nouvelles entreprises pourraient proposer de nouvelles approches aux régions. Il appartient ensuite aux autorités organisatrices nationales et régionales de tenir compte en particulier des enjeux de desserte dans l’offre de services conventionnés.
À cet égard justement, la gare d’Argenton-sur-Creuse bénéficie d’une desserte mêlant services nationaux (2 allers-retours quotidiens permettant de relier le bassin de vie à Paris et aux autres villes desservies par la ligne Paris-Limoges-Toulouse) et régionaux (11 allers-retours quotidiens en semaine vers Châteauroux / Orléans / Limoges). Le changement d’horaires des arrêts en gare d’Argenton-sur-Creuse de la ligne Paris-Limoges-Toulouse intervenu mi-2017 a fait récemment l’expression d’un mécontentement de la part de certains usagers. Une délégation d’élus et de représentants de l’association de défense de la gare a ainsi été reçue par le préfet François Philizot afin de mieux comprendre les revendications. Les services de l’État et SNCF Mobilités examinent avec attention les réponses qui seront apportées. Pour autant, il est important de rappeler que le volume d’arrêts n’a pas changé. Par ailleurs, les nouveaux horaires permettent de passer des journées (entre 9h45-10h et 17h-17h15) ou des demi-journées de travail à Paris, contrairement à la précédente grille.
Vous pouvez retrouver le texte de la réponse ici.