Comme chaque année depuis 1832, la Cour des comptes a rendu hier son rapport public annuel. Elle y dresse la situation d’ensemble des finances publiques et délivre des recommandations sensées « améliorer l’utilisation des fonds publics et l’efficacité des services publics ». Toutes ces recommandations ont un point commun : baisser les dépenses publiques pour appliquer le dogme austéritaire, en écartant toute piste alternative mettant les riches à contribution.
D’un point de vue macroéconomique, la Cour des comptes égratigne la trajectoire des finances publiques prévue par le Gouvernement. En 2018, le déficit public atteindrait 2,7% de Produit Intérieur Brut (PIB) mais la dette, en augmentation continue, s’élèverait à 98,7% de PIB. En 2019, les choses s’aggraveraient : le déficit devrait s’établir à 3,2 % de PIB, au-dessus des critères européens (absurdes), et la dette approcherait 100% du PIB. Mais le drame est que cette augmentation du déficit et de la dette n’est pas du tout prévue pour financer la croissance et l’emploi ! Au contraire, le budget est creusé pour faire des cadeaux aux plus fortunés et distribuer le patrimoine public à des sociétés privées !
« Plus d’austérité conduira en réalité à davantage de déficit »
La politique d’austérité du gouvernement ne favorise ni l’investissement ni l’emploi : les recettes fiscales s’écroulent en conséquence. Au lieu de prôner une sortie de crise par le progrès social (l’imposition des grandes fortunes pour entamer la transition écologique et s’attaquer aux inégalités), la Cour propose… un macronisme encore plus dur. Elle indique en effet que tout effort « passe nécessairement par une maîtrise accrue des dépenses publiques ». Elle se contredit donc de manière évidente : plus d’austérité conduira en réalité à davantage de déficit, tout en détériorant nos services publics. En lisant les recommandations en détail, l’aveuglement idéologique de la Cour saute aux yeux.
Les recommandations concernant les urgences hospitalières sont éclairantes. La Cour pointe à raison des urgences hospitalières surchargées. Elle rappelle que leur fréquentation a augmenté de 3,6% par an en moyenne depuis 5 ans, atteignant 21,2 millions de passages en 2016, alors que le nombre de sites « est demeuré stable », soit 641. Mais au lieu d’exiger plus de financements pour ces urgences… elle recommande de fermer des urgences de nuit, afin de faire des économies ! Elle souhaite également que des patients soient orientés vers la médecine de ville, en les refusant aux urgences. Il s’agit d’un clin d’œil évident et scandaleux à la mesure proposée par le député macroniste Olivier Véran, à titre expérimental dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale !
Idem pour les problèmes financiers des communes. La Cour prend l’exemple de villes en banlieue parisienne, dont la population est populaire et où la part de logements sociaux atteint 50%. En conséquence, ces communes ont peu d’argent qui entre dans les caisses. Face à cette injustice, d’aucuns plaideraient pour augmenter les dotations de l’État, renforcer la solidarité entre communes riches et communes pauvres ou réformer la fiscalité locale pour rétablir une véritable révolution fiscale locale.
Mais la Cour privilégie la piste macronienne : réduire les dépenses de personnel des communes les plus pauvres et renforcer leur contractualisation avec l’État à partir d’un bric-à-brac d’« objectifs chiffrés et mesurables en matière notamment de maîtrise des dépenses publiques » – alors que cette même contractualisation les assèche depuis des années.
Comment la Cour des comptes prépare le terrain pour le gouvernement
La Cour des comptes fait également passer les agents d’EDF pour des privilégiés qui ne payent pas leur électricité. Elle fait passer leur statut pour une source de difficulté financière, alors même que ces difficultés sont uniquement dues à l’ouverture à la concurrence… L’institution s’en prend enfin à la culture, en proposant notamment de passer la chaîne de radio du groupe Radio France « Le Mouv’ » seulement en format numérique ou encore en recommandant la suppression des programmes locaux de FIP radio.
Du haut de la tribune de l’Assemblée nationale, le Président de la Cour des comptes Didier Migaud a ainsi récité ses « recommandations », présentées par les médias comme allant dans le sens d’une bonne gestion budgétaire, dictée par le bon sens et non par l’idéologie. Le terrain est alors préparé pour permettre au Gouvernement d’appliquer ces coupes budgétaires en se réfugiant derrière la sacro-sainte parole de l’institution bicentenaire. Pourtant ces recommandations n’ont rien de « neutres » ni « d’indépendantes » : elles reflètent trop souvent l’idéologie libérale qui inspire la volonté de destruction des services publics du Gouvernement !