Le lancement en fanfare du « Grand débat » d’Emmanuel Macron avait déjà laissé entrevoir ce qui se cachait derrières les effets d’annonces. Il s’agit en réalité d’un grand blabla. À plusieurs reprises, nous avons donc dénoncé cette opération de communication, mise en scène par l’Élysée, appuyée par une grande partie des médias et ne répondant en rien aux demandes des Gilets jaunes.
Dans ce simulacre de débat, pas de remise en cause du cap choisi pour le quinquennat, des questions savamment choisies afin d’orienter les réponses (sur l’immigration, la suppression des services publics, etc.) et des interdits (rétablissement de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), mise en place du Referendum d’Initiative Citoyenne (RIC)). Et à la fin ? Encore une fois, le président décidera. Une nouvelle démonstration de ce que les Gilets jaunes, justement, ne veulent plus : un pouvoir concentré dans les mains d’un seul homme, sans réelle possibilité d’intervention populaire quant à la décision finale.
D’autant plus que des idées et des débats, il y en a ! Ils ont en réalité commencé depuis plusieurs mois sur les ronds-points et se poursuivent régulièrement dans des assemblées citoyennes de Gilets jaunes. Une liste de revendications avait d’ailleurs émergé de ces nouveaux lieux de discussions politiques puis avait été transmise aux médias et aux député·e·s. Des demandes bien éloignées du chemin emprunté par le gouvernement.
C’était donc acté depuis le départ : ce « Grand débat » n’en est pas un. Cela s’est confirmé lors des dernières semaines avec les incroyables mises en scène lors de chaque déplacement du chef de l’État. Emmanuel Macron promettait de présenter « sans filtre » et sans fermer aucun sujet, son plan d’action devant les Maires de France : la supercherie a encore une fois été dévoilée. Dans un premier temps, poursuivant sa logique de « bunkerisation », le président a fait boucler totalement les deux communes dans lesquelles il se rendait. À tel point que les habitant·e·s devaient montrer patte blanche pour rentrer chez eux·elles en présentant justificatif de domicile et papiers d’identité. Sans parler des forces de l’ordre mobilisées dans une proportion sans commune mesure pour empêcher toute protestation ou dialogue avec les habitant·e·s. Il est vrai que l’accueil lors de ses déplacements est désormais glacial.
« Une mascarade ! »
Son rapport avec les édiles de France n’est pas au beau fixe non plus et le président avait d’ailleurs snobé le congrès des maires en novembre dernier. Dans ces conditions, intervenir sur le « Grand débat » devant des centaines d’élu·e·s pouvait paraître risqué. Il n’en a rien été, puisqu’une fois encore tout était préparé très largement en amont. Les maires présent·e·s étaient souvent sélectionné·e·s par avance et leur possibilité de parole dictée par les préfets. Certain·e·s élu·e·s ont tenu à dénoncer cette grande mascarade, comme René Revol maire insoumis de la commune de Grabels dans une vidéo : « À quoi a-t-on assisté ? Un débat sans filtre selon le Président de la République. Mais il n’y a eu que des filtres. J’avais demandé à intervenir. Mais le débat était présidé par un ministre avec des préfets qui avaient choisi ceux qui pouvaient intervenir. Une mascarade ! ». Une position partagée par de nombreux·ses maires qui ont également exprimé leur mécontentement, que ce soit devant le chef de l’État, quand c’était possible, ou à travers les médias.
Un air de campagne
Dans ce cas, à quoi bon employer des moyens aussi importants pour cette mascarade ?
Une réponse est à trouver dans les six ou sept heures de direct proposées à chaque déplacement. Présentes sur toutes les chaînes d’informations et accompagnées de commentaires bienveillants, les interventions d’Emmanuel Macron ont bien un air de campagne. Une campagne aux frais de l’État et avec des moyens de communication sans équivalents : un temps d’antenne illimité pour exposer son programme et toutes les chaînes en continu, que demander de mieux ? Un peu trop gros pour passer inaperçu. Plusieurs député·e·s ont donc souligné la chose. Michel Larive, député insoumis, a d’ailleurs saisi le CSA afin de demander que soit pris en compte le temps de parole du président dans les médias. Si la période officielle de campagne qui impose un principe d’équité entre les différents partis politiques n’a pas officiellement commencé, les interventions du président (ainsi que de ses collaborateurs et du gouvernement) ne peuvent excéder un tiers des prises de parole politiques sur les chaînes « audiovisuelles ». Une règle qui permet de garantir le principe de pluralisme dans les services de radio et de télévision.
Enfin si E. Macron pensait éteindre les revendications qui secouent le pays depuis plusieurs mois et préparer les européennes grâce au « Grand débat », « l’Acte X » lui aura apporté la meilleure des réponses en confirmant, par le nombre, que les Gilets jaunes ne sont pas dupes. La supercherie a assez duré.