Edito de Frédéric Viale, candidat aux éléctions européennes, publié sur sa page Facebook le 8 janvier 2019.
Le Premier ministre l’a annoncé hier sur TF1 : « le gouvernement est favorable à ce qu’une loi nouvelle soit adoptée qui permettra de sanctionner ceux qui ne respectent pas cette obligation de déclaration (de manifester) ». Pour cela, le gouvernement entend ressortir des tiroirs du Sénat une proposition de loi passée jusque-là inaperçue, déposée par le sénateur Les Républicains Bruno Retailleau et adoptée au Sénat le 23 octobre 2018.
Ce texte prévoit plusieurs choses : la création de « périmètres » de sécurité avec la possibilité pour les forces de l’ordre de procéder à des palpations et à l’inspection visuelle ou à la fouille des bagages. Il prévoit aussi de transformer le fait de venir cagoulé à une manifestation en délit et met en place un fichage des « manifestants violents » afin qu’ils soient interdits de manifester. Édouard Philippe a annoncé également que la responsabilité civile des casseurs serait « pleinement engagée ».
Un recul de plus des libertés fondamentales
Certes, il faut voir là des effets d’annonce : affirmer le renforcement de la responsabilité civile des casseurs n’a juridiquement pas de sens. Elle existe déjà, et ce sont les juges qui la décident au cas par cas. Sauf à vouloir leur forcer la main, ou à fixer des peines planchers, on voit mal ce que la loi peut prévoir de plus que ce qu’elle prévoit. De la même manière, les périmètres de sécurité existent déjà et on a vu qu’ils ne sont pas efficaces et que, en plus, ils imposent des dispositifs policiers lourds encageant de façon souvent difficilement supportable le droit de manifester.
Le plus inquiétant se trouve dans les autres annonces.
Fichage des « manifestants violents » et sanction contre les manifestations non déclarées : arbitraire à tous les étages
L’installation de l’état d’urgence dans le droit commun, voulue en son temps par Manuel Valls, constitue déjà un recul des libertés sans précédent. En effet, c’est bien sur cette base qu’ont été faites les arrestations préventives, monstruosité juridique qui permet à une autorité administrative d’interdire à des personnes d’exercer leur droit fondamental sur la seule décision non motivée d’une autorité administrative. Mais, le fichage des « manifestants violents » et leur interdiction ensuite de manifester va encore aggraver la situation. En effet, qui fera ce fichage et sur quelle base ? Si c’est le Préfet, comme c’est à craindre, cela sera la porte ouverte à tous les arbitraires. Nous aurons alors des personnes décrétées violentes, sur des critères fixés par des autorités dépendant directement du gouvernement et qui pourront donc parfaitement être politiques. Évidemment, le principe selon lequel une personne peut toujours se défendre devant un juge serait écarté au profit de l’arbitraire administratif.
Les sanctions annoncées contre les gens qui participent à une manifestation non déclarée laissent également songeur.
Rappelons que l’article 20 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme dispose que « Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques ». En conséquence, le droit de manifester ne peut pas être soumis à autorisation préalable. Les États peuvent cependant mettre en place un système de déclaration préalable (notification), visant à faciliter l’exercice de ce droit en permettant aux autorités de prendre des mesures pour garantir l’ordre public. C’est le cas en France. En conséquence, une manifestation n’a pas à être autorisée et le défaut de déclaration ne saurait constituer un délit. Dès lors, sanctionner des personnes au motif que la manifestation n’aurait pas été déclarée reviendrait à faire ce que font les dictatures qui sanctionnent des personnes participant à des manifestations non autorisées.
Et qui serait condamné ? Celles et ceux qui auraient été arrêtés ? Au hasard ? Les « meneurs » ? Des gens pris dans la foule pour faire un exemple ? On voit là tout ce qu’aurait d’arbitraire de telles mesures.
Nous ne sommes déjà plus réellement dans un État de droit : les exactions sans nombre des forces de police, l’usage disproportionné et systématique de la force condamné par Amnesty international, l’installation de l’État d’urgence dans le droit commun sont déjà alarmants. Aller plus loin dans l’arbitraire ne pourra pas calmer les choses. Peut-être nombreux seront ceux qui se souviendront alors du 35e et dernier article de la Déclaration des Droits de 1793 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».