Question écrite sur la diffusion des événements sportifs

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M. Bastien Lachaud interrogeait le 10 juillet 2018 Mme la ministre de la culture au sujet de la diffusion de la coupe du monde de football 2018 :

Retrouvez les textes de la question et de la réponse en cliquant ici.

 

M. Bastien Lachaud interroge Mme la ministre de la culture au sujet de la diffusion de la coupe du monde de football 2018. Cette compétition internationale est à l’origine d’une ferveur mondiale inégalable. Tous les quatre ans, des milliards de personnes dans le monde se précipitent sur leurs écrans pour assister aux grandes rencontres de football. Ce n’est en rien étonnant. Le football est le sport le plus populaire du monde. Des enfants des favelas de Rio aux jeunes de la banlieue parisienne, tout le monde y joue. En France, c’est le sport le plus pratiqué, avec environ deux millions de licenciés et licenciées dans le pays. On se rappelle la ferveur populaire qu’avaient entraîné l’organisation de la coupe du monde en France en 1998 et la victoire de l’équipe de France. Depuis le début de l’actuelle coupe du monde, 11 millions de téléspectateurs et de téléspectatrices en moyenne assistent aux matchs de l’équipe de France, battant ainsi des records d’audience dans l’audiovisuel. Malgré un fort enthousiasme pour ce sport national, de nombreux concitoyens et concitoyennes sont privés de nombreux matchs. La diffusion de cette grande compétition est dévolue aux chaînes privées TF1 et BeIN Sport. En renonçant à la diffusion de cette compétition internationale sur les chaînes publiques, l’État fait le choix de l’abandonner aux mains des intérêts financiers des chaînes privées. Celles-ci font des téléspectateurs et des téléspectatrices des consommateurs et des consommatrices en tout temps. En effet, les chaînes privées, y compris celles qui sont gratuites, diffusent des spots publicitaires de manière intrusive, alors qu’ils ne relèvent d’aucun besoin essentiel pour les téléspectateurs et les téléspectatrices et se contentent d’inciter à la consommation. Contrairement au service public qui a intégré la fin de la publicité à partir de 20 heures, ces chaînes ne laissent aucun temps de repos quant à l’exposition à une publicité omniprésente au quotidien. De plus, la nécessité de payer un abonnement pour accéder à certaines chaînes, souvent à un prix trop élevé pour beaucoup de nos concitoyens et de nos concitoyennes - représente un véritable sacrifice pour une part des téléspectateurs et des téléspectatrices. À ce sujet, un autre problème central doit être soulevé et il est lié à la propriété de ces chaînes. En effet, BeIN Sport, seule chaîne payante ayant obtenu les droits de diffusion, est une filiale de BeIN Media Group, propriété d’une grande fortune qatari connue pour être également à la tête du Paris Saint-Germain et proche des dirigeants de la monarchie pétrolière. Cette mainmise des grosses fortunes étrangères issues, pour beaucoup, du Moyen-Orient est problématique car elle s’inscrit dans une politique de renforcement de leur influence par le soft power. Il souhaite donc prendre connaissance des mesures prévues face à ce phénomène afin que l’État réaffirme son autorité et sa souveraineté et qu’il permette à toutes et à tous de pouvoir visionner gratuitement et sur le service public les compétitions sportives les plus importantes.

 

Réponse du ministère :

 

Permettre au plus grand nombre de téléspectateurs de suivre les événements sportifs internationaux dans lesquels les équipes nationales sont engagées, et par-delà les compétitions les plus attrayantes, est une préoccupation déjà appréhendée par la législation européenne et française. En effet, par transposition de l’article 3 bis de la directive 89/552/CEE du Conseil des communautés européennes du 3 octobre 1989, dite directive « télévision sans frontières », modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997, devenu l’article 14 de la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 dite directive « services de médias audiovisuels », l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose notamment que « les événements d’importance majeure ne peuvent être retransmis en exclusivité d’une manière qui aboutit à priver une partie importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé sur un service de télévision à accès libre. La liste des événements d’importance majeure est fixée par décret en Conseil d’État. Ce décret détermine les conditions d’application du présent article ». Le décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004, pris pour l’application de l’article 20-2 précité, prévoit ainsi que les événements qualifiés d’importance majeure pour la société française puissent être retransmis par les éditeurs de services de télévision dans des conditions qui garantissent leur accès au plus grand nombre de téléspectateurs.

La directive prévoit notamment qu’il doit s’agir « d’événements extraordinaires, nationaux ou non, qui présentent un intérêt pour le grand public dans l’Union européenne ou dans un État membre déterminé ou dans une partie importante d’un État membre déterminé et être organisés à l’avance par un organisateur d’événements qui a légalement le droit de vendre les droits relatifs à cet événement ». Pour la Commission européenne, une telle qualification peut être retenue dès lors que l’événement remplit au moins deux des quatre critères suivants : il rencontre un écho particulier dans l’État membre ; il participe de l’identité culturelle nationale ; s’agissant d’une compétition de sport collectif, l’équipe nationale y participe ; il fait traditionnellement l’objet d’une retransmission sur une télévision à accès libre et mobilise un large public dans l’État membre. Élaboré par les ministères chargés de la culture et des sports, en concertation avec les professionnels des secteurs audiovisuel et sportif, le décret précité définit pour la France une liste de vingt-et-un événements d’importance majeure, uniquement sportifs, parmi lesquels les rencontres de l’équipe masculine de France de football, ainsi que le match d’ouverture, les demi-finales et la finale de la Coupe du monde de football masculine. Ce dispositif n’édicte pas d’obligation d’achat ou de rachat des droits de retransmission de ces événements pour les services de télévision à accès libre, qu’ils soient publics ou privés ; les événements d’importance majeure peuvent être retransmis, indifféremment, sur les antennes de France Télévisions, comme l’est usuellement le Tournoi de rugby des Six Nations, ou celles de TF1 et M6, comme le sont actuellement les matchs de l’équipe de France de football. Il s’agit d’un mécanisme de rétrocession des droits de retransmission, au terme duquel les radiodiffuseurs à accès restreint ne peuvent exercer les droits exclusifs qu’ils ont acquis sur un événement d’importance majeure que dans deux situations alternatives : s’ils remplissent les conditions de réception d’un radiodiffuseur à accès libre, en diffusant l’événement en clair ; si, après avoir, dans un délai raisonnable, publiquement manifesté leur volonté de revendre ces droits selon des termes et conditions de marché équitables, raisonnables et non-discriminatoires, ils n’ont reçu aucune proposition émanant d’un service de télévision à accès libre ou si la proposition n’est pas formulée en des termes équitables, raisonnables et non-discriminatoires. Compte tenu du principe à valeur constitutionnelle de liberté de communication, les chaînes payantes en cause, dès lors qu’elles sont diffusées sur des réseaux n’utilisant pas de fréquences assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, peuvent être détenues par des capitaux étrangers.

À l’occasion de la Coupe du monde de football organisée en Russie à l’été 2018, les matchs inscrits sur la liste des événements d’importance majeure ont bien fait l’objet d’une diffusion en clair. Plus largement, ce sont vingt-huit des soixante-quatre rencontres de la compétition qui ont été diffusées sans condition d’accès sur la chaîne privée TF1. Les téléspectateurs n’ont donc pas été privés d’une diffusion gratuite des matchs les plus attrayants. Il en ira de même pour la prochaine Coupe du monde masculine de football, organisée en 2022 au Qatar, compte tenu des droits déjà acquis par TF1, qui dispose également de l’intégralité des droits de la Coupe du monde féminine de football organisée en France à l’été 2019. Dans le rapport qu’il a remis au Gouvernement le 18 novembre 2016, le sénateur David Assouline a analysé de manière précise les évolutions à l’œuvre dans la diffusion télévisuelle des événements sportifs. En particulier, il met en avant la captation de plus en plus importante par des chaînes payantes des images sportives les plus attractives, la faible ouverture à la diversité des disciplines et pratiques sportives, au sport féminin et au handisport de la part des chaînes généralistes en clair et l’envolée des droits de diffusion télévisuels préjudiciable à une diffusion auprès du plus grand nombre. S’agissant de la Coupe du monde de football, il recommande d’étendre la qualification d’événement d’importance majeure à l’ensemble des rencontres de la phase finale de cette compétition, lorsqu’elle est organisée en France. Cette proposition trouve un certain écho parmi les éditeurs de chaînes en clair, ainsi qu’il ressort des contributions reçues lors de la consultation publique menée au printemps 2017. Il reste que la liste actuelle est le résultat d’un arbitrage délicat entre les intérêts des différents acteurs, étant rappelé qu’en la matière, la réglementation française est « mieux disante » que le cadre minimal du droit de l’Union européenne issu de la directive « services de médias audiovisuels », et parmi les plus contraignantes d’Europe. Cet équilibre devra être maintenu dans le cadre de la réflexion sur la modernisation du dispositif des événements d’importance majeure, que mène actuellement le Gouvernement.

 

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