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L’histoire d’un casse politique

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Mardi 16 octobre 2018 a eu lieu une opération de police politique d’une ampleur inédite dans notre pays. Elle visait le président d’un groupe parlementaire d’opposition, un mouvement politique, la France insoumise et un parti politique, le Parti de Gauche. Dans cette attaque, c’est d’abord la méthode qui choque.

Le parquet de Paris et la police nationale ont déployé des moyens impressionnants. À 7 heures du matin, 8 policiers se sont présentés chez Jean-Luc Mélenchon. Ils étaient armés et équipés de gilets pare-balles. On n’est jamais trop prudent. Aussitôt, ils se sont mis à aspirer le contenu de son ordinateur. Il a alors décidé de diffuser en direct sur Facebook ces images surréalistes. Il l’a fait pour alerter l’opinion de cet assaut contre le domicile du président d’un groupe parlementaire d’opposition.

Cette publicité a manifestement affolé l’équipe en charge de l’opération. Leur réaction a été de se précipiter immédiatement sur le siège de la France insoumise. Se trouvaient là Manuel Bompard et d’autres salariés qui y travaillent. Une vingtaine de policiers, cette fois, furent dépêchés. Plus que de personnes présentes au siège à ce moment. Leur tâche : collecter et aspirer les données des ordinateurs, disques durs et téléphones. Les députés de la France insoumise, apprenant ce qui se passait au local de leur mouvement, décidèrent de s’y rendre pour assister à la perquisition. Mais là, fait extraordinaire : les policiers refusent de nous laisser rentrer. Devant nos protestations, ils ont fini par interrompre la perquisition. Mais pas en partant les mains vides. Ils ont emmené avec eux plusieurs disques durs, sans nous faire signer aucun procès-verbal. Ni même nous signaler oralement le contenu de ce qu’ils nous prenaient.

Pendant ce temps, les mêmes scènes avaient lieu aux domiciles de plusieurs des collaborateurs ou anciens collaborateurs de Jean-Luc Mélenchon. Toutes ces personnes, dont certaines ont des enfants, ont été réveillées à 7 heures par la troupe. Pour des perquisitions interminables. 7 heures 30 chez le responsable des réseaux sociaux. Au siège du Parti de Gauche, l’opération a duré 10 heures. À chaque fois, le contenu de tous les ordinateurs a été aspiré. C’est-à-dire que le pouvoir est maintenant en possession de toute la vie d’un des principaux mouvements d’opposition dans le pays. Chez la cheffe de cabinet de Jean-Luc Mélenchon, ils sont même allés jusqu’à repartir avec l’ordinateur et le téléphone. Cette confiscation de son matériel de travail n’a aucun sens dans le cadre d’une enquête préliminaire. Durant toutes ces heures la police aura donc eu accès et aspiré le contenu des ordinateurs et téléphones de travail du président d’un groupe de l’opposition et des principaux dirigeants de notre mouvement. Dans quel pays démocratique ce fait peut-il être accepté ?

Rappelons que du point de vue de la procédure judiciaire, on ne reproche rien du tout, ni à Jean-Luc Mélenchon, ni à ses amis. C’est pourquoi on parle ici de simples « enquêtes préliminaires ». Cette procédure est censée exister pour vérifier l’opportunité d’ouvrir une action judiciaire. Au final, elle est utilisée contre nous, privé de nos droits. Cette soi-disant enquête n’est pas placée sous l’autorité d’un juge d’instruction indépendant mais du procureur, qui dépend du ministère de la Justice. C’est lui qui a décidé de la perquisition. Il est fondé à agir de la sorte en cas d’urgence. On peine à la voir ici. En effet, les signalements sur lesquels elle se base ont eu lieu respectivement il y a un an et demi et il y a 7 mois. Cette mise en scène spectaculaire était donc uniquement une volonté de la part du pouvoir pour nous affaiblir.

Le procureur de Paris, François Molins, est tellement proche du pouvoir qu’il était pressenti pour devenir ministère de l’Intérieur à la faveur du remaniement. Son adjoint, présent physiquement lors de la perquisition chez Jean-Luc Mélenchon, a été nommé en janvier dernier par un décret signé du Président de la république. Le Premier ministre s’en est défendu dans sa réponse aux questions d’actualité au gouvernement lorsqu’il assumait un « droit de regard » de son gouvernement dans les nominations au parquet pas plus tard que le 2 octobre dernier. Ces gens ont donc bien partie liée avec la macronie.

Pour s’en convaincre, il suffit de s’intéresser aux motifs qui ont servi de justification pour ce coup anti France insoumise. Ils sont totalement fantaisistes. La première enquête préliminaire concerne les assistants parlementaires de Jean-Luc Mélenchon de la période où il était député européen. On le soupçonnerait ici d’emplois fictifs. Cette simple affirmation saute aux yeux comme une énorme farce pour quiconque fréquente ou a déjà fréquenté un membre de son cabinet. Leur travail est tout sauf fictif. Cette enquête a d’ailleurs commencé comme une farce. C’est une eurodéputée d’extrême-droite, Sophie Montel, qui avait fait la dénonciation en juin 2017. Quelque temps plus tard, elle expliquait le sens de sa démarche : « un pied de nez » à la justice selon ses propres mots. Humour douteux. Prétexte tout trouvé pour intervenir chez 5 personnes à Paris et en province.

L’autre enquête concerne les comptes de campagne. Elle a été ouverte en avril 2018. Le président de la commission nationale des comptes de campagne, François Logerot, s’est offert le ridicule d’opérer un signalement auprès du parquet deux mois après avoir validé l’ensemble des comptes de Jean-Luc Mélenchon. Car l’essentiel est là. Ses comptes ont été validés sans irrégularités. Et ce après transmission de milliers de pièces justificatives à la commission et des réponses précises à ses centaines de questions. Tout a été déclaré, la moindre dépense. Cela a été fait pour la raison que c’est la commission elle-même qui l’avait conseillé. Elle craignait à l’époque une autre affaire Bygmalion dans laquelle il y avait une sous-facturation massive. Les réponses aux accusations et insinuations ont été longuement développées sur le blog de Jean-Luc Mélenchon. Elles sont toutes issues de la même source : Jean-Guy de Chalvron, rapporteur démissionnaire du compte. Cet ancien directeur de cabinet du ministre socialiste Louis Mexandeau a répandu des mensonges sur notre compte dans la presse, en violation de son devoir de réserve. Une plainte en dénonciation calomnieuse est déposée contre lui depuis août dernier.

Jean-Luc Mélenchon a demandé que la question des comptes de campagne de l’élection présidentielle qui empoisonne le débat démocratique dans notre pays depuis 10 mois se règle de manière apaisée et transparente. C’était le sens de sa démarche lorsqu’il a demandé le réexamen de tous les comptes de campagne le 8 juin dernier. Deux députés LR ont proposé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le sujet. Il a soutenu publiquement cette proposition. Puisque les macronistes ne veulent répondre ni à Jean-Luc Mélenchon ni à la droite, la France insoumise prend l’initiative de publier l’intégralité de ses comptes de campagne. Nous n’avons rien à cacher.

Le pouvoir pourrait-il faire la même chose ? Il est permis d’en douter. Faut-il rappeler que le financement de la campagne de Macron est entouré de beaucoup de soupçons ? Le livre « Dans l’enfer de Bercy » des journalistes Fredéric Says et Marion L’Hour affirme qu’il a utilisé les moyens du ministère de l’Économie pour lancer sa campagne. 120 000 euros d’argent public pour organiser des dîners En Marche, a même affirmé le député UDI Philippe Vigier. La commission des comptes de campagne a, elle, remarqué presque 87 000 euros de dons illégaux car dépassant la limite maximale autorisée. Cela n’a pourtant pas incité François Logerot à effectuer le même genre de signalement auprès du parquet que pour nous. Pour le remercier, le gouvernement l’a augmenté de 57% quelques mois plus tard. N’oublions pas non plus les ristournes généreuses accordées par ses amis PDG pour diverses prestations. Il y en a en tout pour 208 000 euros. Enfin, une enquête préliminaire a été ouverte pour des faveurs accordées par la ville et la métropole de Lyon à la campagne Macron. Bizarrement, celle-ci ne donne lieu à aucune perquisition, ni à l’Elysée, ni au siège du parti du Président, ni du maire de Lyon ordonnateur.

La Macronie pratique un régime de parti unique à l’égard de l’opposition et la justice procède à un deux poids deux mesures remarquable. Monsieur Macron et ses amis ne sont jamais pourchassés comme nous le sommes. Alexandre Benalla, ancien collaborateur très proche du président qui a donné un coup de poing dans une manifestation d’opposition, avait pu cet été reporter sa perquisition en prétendant ne pas avoir les clefs de son domicile. Cela lui avait permis de vider son coffre-fort avant que la police n’entre chez lui. La justice n’a même pas essayé d’en retrouver le contenu. La découverte d’armes au siège de LREM n’a donné lieu à aucune suite. Le nouveau ministre de l’Intérieur sera-t-il mis en cause en tant que responsable de ce parti et mis également en cause dans les comptes de campagnes ?

Cette ambiance en France se met au diapason d’une judiciarisation des rapports de force politiques comme on l’observe en Amérique latine et à présent aux USA. Elle fonctionne comme une machine à produire ce que l’on a vu triompher au Brésil. Ce n’est donc pas un incident, mais une tendance politique. Le pire est à venir.

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