Le 31 juillet 2018, Bastien Lachaud a présenté l’explication de vote pour le groupe France insoumise sur la motion de censure présentée par le groupe Les Républicains. Il a rappelé la gravité des faits reprochés non seulement à Alexandre Benalla, mais surtout à la caste qui l’a protégé, allant jusqu’au Président de la République, en passant par plusieurs ministres. Le gouvernement doit assumer sa responsabilité politique dans cette affaire. Le Parlement a été gravement humilié dans son incapacité, sinon la motion de censure, à convoquer le gouvernement pour répondre de son action devant les représentants du peuple, ce à quoi il est constitutionnellement astreint. L’usurpation des insignes policiers met en péril l’État de droit et la confiance dans les institutions. Loin d’être un fait divers, il s’agit d’un véritable scandale d’État.
Voir ici le texte intégral de l’intervention :
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, Mes chers collègues,
Cette motion de censure intervient dans un contexte particulièrement grave. L’affaire qui nous occupe n’est pas un fait divers, mais un véritable scandale d’Etat. Des hommes de main du Président de la République frappent des opposants, s’arrogent des pouvoirs de police qu’ils n’ont pas, dans un contexte de forte contestation sociale de l’action du gouvernement. Ils ont joui d’une impunité quasiment totale, jusqu’au moment où la presse a relayé les faits, et la justice a commencé à traiter la partie judiciaire de l’affaire. Mais il revient à la représentation nationale de traiter la partie politique, et la responsabilité politique du gouvernement.
Car il a fallu de très longues journées pour que tous prennent la mesure de ce qui s’est passé. Ce scandale a fait éclater une crise institutionnelle majeure, levant le voile sur ce qui fonde la Ve République : la monarchie présidentielle rend irresponsable le chef de l’Etat, et tous les échelons du pouvoir qu’il protège. Le Parlement, et notamment l’Assemblée nationale, a dû subir l’humiliation de constater son incapacité à remplir correctement sa mission de contrôle de l’action de l’exécutif. Après de longues heures, les demandes répétées des groupes d’opposition, en invoquant l’article 50-1 de la Constitution, la demande du président de l’Assemblée nationale lui-même, nous avons été incapables de convoquer un ministre pour venir s’expliquer de cette affaire, bien que leur responsabilité politique ait été engagée. Oui, mes chers collègues, nous avons subi une humiliation institutionnelle, et déposer une motion de censure est le seul moyen de contraindre le gouvernement à s’expliquer.
Comment contrôler, quand, alors que des faits aussi graves se sont produits, le gouvernement pouvait vaquer à ses occupations plutôt que de répondre à l’injonction des représentants du peuple ? Cette faiblesse, révélée au grand public, est une menace grave pour la démocratie. Le projet de révision constitutionnelle en débat, allait encore renforcer le pouvoir de l’exécutif en diminuant ceux de son principal contre-pouvoir, le parlement. La révision constitutionnelle a été heureusement suspendue. Rien n’a pu ôter le doute que le Président de la République, au nom duquel la révision était débattue, n’était pas en train de se confectionner un pouvoir encore plus grand, dans l’impunité totale de ses actions, et dans la volonté de ne rendre de comptes à personne. Car il y a eu un mensonge d’Etat, et la commission d’enquête sabotée a commencé à le montrer. Tout a été fait pour faire obstruction à la vérité. L’impunité semble ruisseler depuis l’Elysée.
Plus grave encore, le bon fonctionnement de l’Etat de droit est menacé. L’usurpation des insignes de la police sème le doute sur les agents de l’Etat, car comment ne pas douter, maintenant, que celui qui arbore un brassard Police est bel et bien un fonctionnaire ? Par-là, c’est la sûreté même de l’Etat qui a été menacée. Parce que la confiance des personnes dans les institutions est gravement endommagée, c’est donc la capacité de l’Etat à remplir ses missions régaliennes qui est entamée.
La loi doit être la même pour tous, pour que chacun y consente. Nul ne doit être au-dessus de la loi, pas même le monarque républicain. Pourtant, nous ne pouvons pas aller chercher le Président. Mais nous pouvons censurer son gouvernement.
Quelles raisons aurions-nous de ne pas voter une motion venant du groupe Les Républicains, alors même que nous en déposons une sur le même sujet ? Aucune. Quand la République est en danger, il faut savoir agir. Nous avons été les premiers à suggérer cette motion, par la voix de notre président de groupe. Nous sommes heureux de constater que de nombreux groupes ont depuis rejoint notre analyse. Car après 1 an de législature, les hésitations n’existent plus, il y a une majorité et des oppositions.
Nous voulons le respect de l’état de droit, elle cautionne un gouvernement qui défend un clan. Nous voulons que la lumière soit faite, elle veut enterrer l’affaire. Nous voulons que soit rétabli l’ordre républicain, elle veut régler l’affaire en interne et continuer à cautionner de nouvelles dérives autoritaires. Nous voulons le respect des fonctions de chacun, elle veut la confusion et le désordre. Nous voulons la République, elle veut l’oligarchie. Nous voulons l’harmonie, elle veut la compétition sauvage. Nous voulons l’Etat de droit, elle veut l’état des passe-droit. Nous voulons l’intérêt général, elle veut préserver les intérêts particuliers.
Nous devons en finir avec la Ve République, c’est pourquoi nous votons la motion de censure.