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Macron récidive contre la laïcité (par l’Heure du Peuple)

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Edito de Laurent Maffeïs publié initialement dans l’Heure du Peuple le 2 juillet 2018, voir ici

Le président Macron était mardi 26 juin à Rome pour être « institué » Chanoine honoraire de Latran, après avoir rencontré le Pape. Cette distinction n’est pas seulement un titre, comme une décoration parmi d’autres que recevraient tous les présidents. C’est un acte par lequel le Chef de l’Etat confirme la place de la France au sein de l’Eglise catholique. En effet matériellement le président ne se voit pas seulement affubler d’un titre religieux : il prend possession d’une stalle (un banc) dans l’église Saint Jean de Latran, qui n’est autre que la cathédrale de la ville de Rome, siège mondial de l’Eglise catholique. Il acte ainsi son intégration à la communauté très hiérarchisée que constitue l’Église de Rome depuis deux millénaires.

Héritée de l’ancien régime, cette cérémonie a été conçue dés le départ comme le moyen de manifester politiquement une soumission renforcée de la France à l’Église. Son origine est marquée par les guerres de religion puisque le premier souverain français à être ainsi enrôlé comme chanoine de Latran fut Henri IV … après sa reconversion au catholicisme. A l’époque, c’était une manière pour l’Église de Rome de manifester sa revanche politique sur la Réforme et son contrôle religieux sur la France.

On peine donc à voir aujourd’hui quel peut être l’intérêt historique d’entretenir un tel souvenir qui a divisé la France dans le sang. L’intronisation du président comme chanoine de Latran n’a tout simplement aucun sens légitime en République. Ce n’est d’ailleurs même pas une tradition puisque certains présidents (François Mitterrand et François Hollande) l’ont refusé. Ceux qui s’y soumettent au contraire ne font qu’entretenir un cléricalisme de contrebande au sommet de l’Etat, en violation de la Constitution qui garantit la laïcité de la République, et de la loi qui garantit la « séparation » entre l’Église et l’État.

Macron a aussi affirmé à cette occasion « la volonté de la France d’approfondir les relations de confiance avec le Saint-Siège ». Il noue ainsi un mystérieux pacte politique avec une entité religieuse sans légitimité étatique ni géopolitique. Déjà en avril dernier, il avait prétendu « réparer » le « lien abimé entre l’Église et l’État », en violation directe de la loi de 1905. Sans parler de la mystique monarchique que lui et son entourage entretiennent, manière de suggérer qu’il ne tient pas seulement son pouvoir du peuple. Ces violations en récidive de la laïcité imposent aux citoyens et à leurs représentants une vigilance particulière pour l’avenir. D’autant que la laïcité n’est pas qu’une affaire de l’Etat. C’est un bien précieux pour toute la société, évitant que les interdits ou les dissensus religieux n’interfèrent dans l’espace public. Jamais acquise, la laïcité n’existe que grâce aux citoyens qui la font vivre. Pour tous, elle est le plus sûr et égalitaire garant de la liberté de croire ou de ne pas croire. Et donc de vivre ensemble en paix.

 

Laurent Maffeïs

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