Manifestation à Bar-le-Duc contre le projet d’enfouissement des déchets nucléaires

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Inspiré de l’article de Claire Arnoux paru initialement dans Le journal de l’insoumission le 18 juin 2018.

Ce samedi 16 juin, une grande journée de mobilisation contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires était organisée à Bar-le-Duc (Meuse), à quelques kilomètres du site de Bure et du Bois Lejuc, prévu pour accueillir le site de l’ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) appelé CIGÉO (Centre Industriel de stockage GÉOlogique).

Ce site du Bois Lejuc est aujourd’hui devenue une ZAD défendue par les « Hiboux » de Bure, militant·e·s installé·e·s sur place. Cette journée était organisée par l’ensemble des collectifs en lutte : élu·e·s contre l’enfouissement EODRA, Stop Bure 55, CEDRA.…

Récit de cette journée de mobilisation et de soutien à cette lutte :

Le matin, on réfléchit !

Ils et elles sont nombreux·ses à avoir répondu présent·es à l’invitation des collectifs de lutte, sur le site du Hall des brasseries à Bar-le-Duc. On peut voir de nombreux drapeaux jaunes, couleur des anti-nucléaires et de la Confédération Paysanne, les drapeaux d’Attac et les tee-shirt verts d’Alternatiba, des militant·e·s aux masques de hiboux et portant sur elles et eux des branchages « forestiers ». On peut voir également le NPA et EELV. Quant à La France insoumise, elle est présente en nombre, mélangée à tout ce joyeux monde, ses militant·e·s reconnaissables aux φ portés en collier, boucles d’oreilles, autocollants et foulards, et aussi à quelques drapeaux.

A l’intérieur du Hall, un stand de La France insoumise (voir ci-dessous), où on retrouve Gabriel Amard (orateur national) : « Depuis des années, j’essaie de venir à chaque initiative contre le projet Cigéo. Parce que ce n’est pas une question locale mais une question éminemment nationale. Il est complètement stupide de mettre le stock actuel des déchets nucléaires dans un trou pour 3 raisons. Il faut 80 ans à raison de deux colis par jour pour descendre le stock de déchets dans le trou. Le temps de les descendre, le béton ne sera plus étanche. Ensuite si dans l’intervalle il y a un incendie en surface, les eaux de ruissellement et la Marne seront contaminées. Donc la pollution radioactive menace de la Meuse jusqu’à Paris. Enfin grâce aux scientifiques et géologues il est de notoriété publique qu’il y a un potentiel géothermique sur le site mais l’Andra a manipulé les études sur le sol. Il est irresponsable d’empêcher les générations futures d’avoir accès à ce potentiel énergétique.… Il est indispensable de soutenir toutes les formes d’implication citoyenne, pour dès 2020 chasser les municipalités complices d’un tel projet irresponsable »

Jean-Marie Brom, physicien au CNRS et co-animateur du livret 100% énergies renouvelables renchérit : « D’autant plus qu’on enfouit qu’une faible partie des ordures issues du nucléaire sur ce site. Pas le tout, mais ce qu’on veut bien nommer « déchet ». Par exemple, un réacteur, en fin de vie, qu’est-ce, sinon un déchet ? De l’ensemble des combustibles irradiés issus du nucléaire, on n’en enverrai que 5% à Bure, le reste part à droite à gauche. Faire tout ça, tout ce projet Cigéo, pour une aussi faible partie des déchets, c’est scandaleux ! On enterre pour oublier… Une fois Bure plein, il sera bouché pour l’éternité. L’oubli n’est pas une solution, jamais ! Surtout un oubli à 35 milliards d’euros, au moins, pour ce projet. » Et de manier la métaphore : « Si tu rentres chez toi et que la baignoire déborde parce que le robinet est resté ouvert, tu commences par quoi ? Par éponger l’eau ou par fermer le robinet ? Il faut commencer par arrêter avec le nucléaire. On sait qu’il sera très difficile et coûteux de démanteler les centrales et de sortir du nucléaire. Ma position sur la gestion de ces déchets, c’est de conserver les réacteurs là où ils sont et d’y stocker les déchets irradiés. C’est aussi une position éthique. Il faut que les générations futures puissent s’en souvenir, et qu’elles n’aient pas honte des conneries de leurs parents et grands-parents. »

Les tables-rondes se succèdent sur la matinée : « la concertation autour de Cigéo ? Une bouffonnerie. », « les stratégies des institutions pour imposer un projet d’Etat », « Un autre avenir pour le territoire : Quel monde veut-on ? ». A la table-ronde « Comment défendre son territoire, colonisé par des projets non désirés mais imposés ? », les intervenant·e·s se succèdent, militant·e·s de la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, de la Confédération Paysanne, des élu·e·s.… Mado, hibou du Bois Lejuc prend la parole. Elle fait le point sur les projets montés sur place : salon de thé, permis de conduire auto-géré avec 100% de réussite. Avec le sourire elle ébauche une vision de société plus humaine, alternative, qui cherche à se mettre en place. Puis elle explique en quoi consiste leur lutte : « Comment on lutte ? D’abord on lutte en prenant les risques physiques et émotionnels. Physique car c’est nous qui perdons des pieds, des bras, des yeux.. » 
Elle s’arrête un instant, l’émotion partagée avec le public est palpable, avant de reprendre sur l’occupation du Bois Lejuc et le déploiement policier pour chasser les hiboux. Claude Kaiser, secrétaire de l’association des élus de France opposés à l’enfouissement des déchets radioactifs rappelle la nécessité de conjuguer toutes les formes de lutte pour pouvoir l’emporter, et place au premier rang des problèmes l’absence de démocratie : « on élit des personnes tous les cinq ans, et après on a plus rien à dire, comme si on leur avait donné un blanc-seing… On doit reprendre la main sur les décisions prises sur les territoires. Si les habitants d’ici avaient eu leur mot à dire sur ce projet, jamais il n’aurait été mis en place… Le premier problème c’est celui de la démocratie… On nous fait croire qu’ici nous sommes les extrémistes, mais là je ne vois aucun extrémiste, que des personnes raisonnables qui sont rassemblées pour construire et réfléchir à l’avenir. Les extrémistes ce sont les personnes qui sont responsables de ces projets… Il y a 15 ans, quand on me parlait de municipalisme libertaire ça me faisait rire, aujourd’hui je vois les choses différemment. ». 

Pascal Troadec, adjoint au maire de Grigny (Essonne) et militant France insoumise fait le lien avec les luttes des quartiers populaires, et met en avant la nécessité à apprendre les uns des autres sur les méthodes d’action, et sur l’instauration d’un projet de société alternatif à la discrimination, à l’exploitation et à la violence générée.

Mathilde Panot, députée France Insoumise, arrive sur le site à 13h30, tout de suite chaleureusement accueillie par des militant·e·s France insoumise de Haute-Saône, venu·e·s en nombre. Elle reste longuement échanger : « C’est hyper important d’être présent·e·s ici aujourd’hui parce que ce n’est pas une question locale mais nationale. Et comme à Notre-Dame-des-Landes, on n’a pas étudié les solutions alternatives, ici les alternatives à l’enfouissement en profondeur. Or ce projet fait prendre de gros risques pour les générations futures. Les solutions de stockage en surface n’ont pas fait l’objet d’assez d’études. Oublier les déchets en les enterrant en profondeur revient à cacher la poussière sous le tapis. Et à vouloir ignorer encore aujourd’hui que l’énergie nucléaire est une énergie sale. Il faut à la fois pousser pour mettre en place la sortie du nucléaire, et soutenir les opposants ici et ailleurs qui supportent la répression d’Etat. Alors que ce sont ces militant·e·s qui opposent des arguments raisonnables : ils ne sont pas les huluberlus qu’on nous présente, mais ont au contraire la raison de leur côté. »

Après un repas vegan à prix libre, arrosé pour celles et ceux qui le souhaitent de bière locale brassée à Bure, la Montabure, c’est le départ en manif.

L’après-midi on agit !

Et c’est une manifestation festive, colorée, emmenée en musique par une batacuda et une fanfare militante qui s’élance pour un parcours traversant le centre-ville et aboutissant place Reggio devant la préfecture.
Les superbes Char-Hiboux bleus et marrons en première ligne, les nombreuses banderoles anti-nucléaire, les branchages portés en l’air, les tracteurs des paysan·ne·s décorés pour l’occasion, donnent un air de fête à cette manifestation et sont là pour symboliser le Bois Lejuc, point de ralliement des opposant·e·s. 3000 personnes de toute la France étaient présent·e·s, un vrai succès pour une manifestation à Bar-le-Duc. Un dispositif policier important encadre cette manifestation et arrivé sur la rue centrale, protège les vitrines de banques d’une trentaine de personnes cagoulées et habillées de noir dispersées dans le cortège. Quelques manifestant·e·s sont à terre soigné·e·s et nous passons à quelques endroits à travers un reste de gaz lacrymo, très désagréable, surtout pour les personnes venues en famille avec les poussettes.

La manifestation arrive place Reggio aux alentours de 17h30, où se trouve un marché paysan avec la Confédération Paysanne, les spectacles s’enchaînent, l’humeur est bon enfant et déterminée. En fin de journée, les militant·e·s repartent petit à petit vers leurs cars ou covoiturages. Cette journée marque pour toutes et tous un jalon dans l’opposition au projet Cigéo et rappelle que oui, la lutte est joyeuse.

Les militant·e·s écologistes ne sont pas des criminels !

A la suite de la manifestation, le mercredi 20 juin, plusieurs perquisitions se sont tenues aux domiciles d’opposant·e·s au projet d’enfouissement des déchets nucléaires Cigéo, ainsi qu’à la Maison de la Résistance de Bure. Au moins 10 militant·e·s dont l’avocat en droit de l’environnement Etienne Ambroselli qui défend les opposant.e.s au projet, ont été interpellé·e·s.

Une pétition est organisée à cette adresse pour demander la remise en liberté des gardé·e·s à vue, l’arrêt de toute perquisition des opposant·e·s, le rendu des matériels, notamment informatiques, saisis et l’arrêt du projet Cigéo et l’ouverture d’un véritable débat, contradictoire, sur le devenir des déchets nucléaires.

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