Campagne pour la sortie du nucléaire : synthèse des travaux préparatoires

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Cette synthèse est issue du travail des insoumis.e.s à l’occasion de la séance de clôture de la dernière Convention Nationale de Clermont-Ferrand. Elle constitue donc une base de travail pour la mise en œuvre de la campagne de la France insoumise sur la sortie du nucléaire et la promotion des énergies renouvelables.

 

Les constats

Les cogitations permettent de faire remonter des constats clairs que l’on retrouve largement d’une contribution à l’autre. Ce travail collectif permet d’emblée de reconnaître trois enjeux essentiels :

  • la santé ;
  • le risque que présentent les installations nucléaires actuelles ;
  • la dangerosité impliquée par les conditions de travail de plus en plus dégradées au sein du parc nucléaire français.

Pour ce qui est des questions de santé : ce sont les de cancers de la thyroïde liés au nuage nucléaire de Tchernobyl qui ont marqué d’une part de nombreux·ses citoyen·ne·s dans leur rapport à cette énergie, mais également beaucoup de familles qui ont été personnellement meurtries. Les nuages nucléaires ne connaissent pas de frontière, contrairement aux mauvaises plaisanteries qui avaient servi de propagande d’État au moment de Tchernobyl et qui semblent avoir marqué nombre de personnes participant aux cogitations. Ce constat suppose une demande accrue de transparence et d’information publique autour des risques liés au nucléaire. Le risque en tant que tel crée un état psychologique singulier qui tend, notamment dans les écoles à proximité des centrales, à établir une culture de la panique : pastilles d’iode, scotch jaune et exercices scolaires créent un climat de danger permanent.

Pour ce qui est des risques que présentent les installations nucléaires actuelles : il est frappant de noter la présence de nombreux·ses ingénieur·e·s du nucléaire, soit directement pendant la convention, soit dans les familles des participant·e·s. Les témoignages directs sont inquiétants, d’une femme qui ne dort plus tant les risques sont colossaux, à un pompier qui s’alarme du fait que les qualifications liées à la sûreté nucléaire disparaissent. Les installations nucléaires sont majoritairement perçues comme peu sûres, à tel point que la peur ou l’inquiétude semblent être les sentiments les plus largement associés à ce type d’énergie. Du fait du changement climatique, nombreuses sont les contributions qui soulignent le risque majeur présenté par l’assèchement des cours d’eau nécessaires au refroidissement des centrales. La vulnérabilité de notre système énergétique s’en trouve donc accrue. D’une digue instable près de la centrale du Tricastin au caractère peu fonctionnel de la sirène d’alarme de la centrale de Chinon, les insoumis·es sont préoccupé·e·s des conditions concrètes de la sûreté du parc nucléaire.

Ces conditions concrètes de sûreté du parc nucléaire sont également mises à mal par l’évolution des conditions de travail au sein des centrales : usage de plus en plus fort du travail détaché et extension continue de la sous-traitance. Le statut précaire des travailleurs·ses du nucléaire apparaît dans beaucoup de cogitations comme un facteur supplémentaire de risques : ainsi, d’une doctrine « zéro risque » à une doctrine d’optimisation coût/bénéfice, la logique de réduction des coûts menace également la sûreté et la sécurité du parc nucléaire.  Les conditions de travail induisent une moindre attention aux détails si essentiels à la réduction au moindre risque : ainsi, certaines soudures ne sont plus contrôlées systématiquement. C’est une menace qui pèse premièrement sur les salarié·e·s du nucléaire.

Il est clair que le défi commun à toutes les cogitations est celui du passage aux énergies renouvelables : l’insistance répétée de nombreuses cogitations est qu’il est d’ores et déjà possible de produire beaucoup d’énergie à partir des énergies renouvelables. Le secteur du renouvelable est en attente d’investissements et le constat général qui se dégage est le suivant : tout en mettant des garde-fous pour que les secteurs du renouvelable ne soient pas dominés par des intérêts privés irrationnels, il faut investir massivement dans ces sources d’énergie décentralisée. L’invitation à regarder où ce secteur couvre une grande partie des besoins énergétiques est renouvelée plusieurs fois : Iles Canaries, Danemark et Costa Rica se trouvent cités. Les énergies marémotrices sont également perçues comme une source énergétique d’avenir.

 

Les arguments

Le constat dressé par les insoumis·es est ainsi sans appel : l’énergie nucléaire est une énergie dangereuse et loin d’être l’énergie du futur elle n’est qu’une mortifère voie sans issue. Il s’agit désormais, à travers notre campagne, de convaincre la majorité des citoyen·ne·s de la justesse de notre cela. Pour se faire les insoumis·es ont réfléchi tant aux arguments que ne manqueront pas de nous opposer les partisan·e·s du nucléaire qu’à ceux dont nous pouvons d’ores et déjà nous servir et ceux qu’il nous faudra encore approfondir.

Les cogitations des insoumis·es ont constaté que les arguments suivants des pro-nucléaires étaient assez facilement écartables :

  • l’énergie nucléaire serait une énergie propre ;
  • l’énergie nucléaire permettrait de garantir l’indépendance énergétique de la France ;
  • la fermeture des centrales nucléaires conduirait à une hausse du chômage ;
  • l’énergie nucléaire serait bon marché ;
  • l’abandon de l’énergie nucléaire nous conduirait au retour de la bougie ;
  • des alternatives comme les éoliennes seraient avicides, inesthétiques, sources de nuisance sonore et assècheraient la terre.

En revanche, les insoumis·es ont admis que les pro-nucléaires pouvaient nous objecter des arguments plus difficiles à contrer :

  • nous ne serions pas prêt·e·s à sortir du nucléaire car les énergies renouvelables ne seraient pas aptes à prendre le relai et compenser la production énergétique du nucléaire ;
  • l’énergie nucléaire constituerait un fleuron de l’industrie française et son arrêt ferait disparaître l’expertise française en la matière ;
  • le démantèlement des centrales nucléaires serait extrêmement coûteux ;
  • par ailleurs, nous serions techniquement incapables de démanteler les centrales.

Pour contrer ces arguments, les insoumis·es ont planché sur notre propre argumentaire, à commencer par ceux qui sont les plus aisément maîtrisables et mobilisables dans un débat :

  • le nucléaire n’est pas une énergie sûre, c’est une énergie intrinsèquement dangereuse, comme le prouvent les accidents de Tchernobyl et de Fukushima, sans même parler des risques d’attaques terroristes sur les centrales ;
  • l’énergie nucléaire n’est en rien une énergie bon marché : elle a un coût énorme ne serait-ce que par le gouffre financier que représentent l’entretien et la future opération de grand carénage visant à prolonger des réacteurs dangereux, et surtout aujourd’hui les énergies renouvelables sont moins chères que l’énergie nucléaire et cet écart va s’accentuer ;
  • le coût que représente l’énergie nucléaire est encore augmenté par la poursuite de grands projets pharaoniques comme les EPR ;
  • inversement, la transition énergétique nécessitera de former de nombreuses personnes, sera donc génératrice de centaines de milliers d’emplois et permettra de relancer notre économie ;
  • il en va de même pour les multiples investissements, recherches et développement qui seront à effectuer dans le domaine des énergies renouvelables qui permettront de diversifier nos sources d’énergie : énergie solaire, éolienne, hydroélectrique, marémotrice, biomasse etc.
  • contrairement au nucléaire qui est loin de garantir l’indépendance énergétique de la France et menace celle d’autres pays : nous devons importer l’uranium depuis des réserves soumises à l’épuisement et situées à l’étranger, ce qui nous rend extrêmement dépendant, ce qui conduit la France à des interventions impérialistes dans d’autres pays pour sécuriser ces approvisionnements ;
  • enfin, le nucléaire n’est pas une énergie propre, soutenable, car nous ne savons pas quoi faire de déchets radioactifs pendant des millénaires et qui mettent en danger l’ensemble de l’environnement.

Par contre les insoumis·es, au cours de leurs cogitations, ont constaté que les arguments suivants étaient plus ardus à maîtriser et mériteraient d’être approfondis :

  • le coût des investissements des investissements dans les énergies renouvelables est difficile à chiffrer exactement, de même que le coût final d’un démantèlement de l’ensemble des centrales nucléaires ;
  • la réduction de la production énergétique ne pourrait pas se faire sans une nécessaire perte de confort ;
  • la sortie de l’énergie nucléaire ne réglerait toujours pas le problème de la gestion des déchets nucléaires déjà produits ;
  • la création d’emplois lors du démantèlement des centrales nucléaires ne serait que de moyen terme, comment convaincre les personnes habitant près des centrales et les salarié·e·s du secteur des bienfaits, y-compris pour elleux, de la transition ?
  • existe-t-il seulement une source d’énergie suffisante en quantité de production sur le long et qui soit sans effets sur l’environnement, au vu par exemple des effets magnétiques des panneaux solaires ?

 

L’organisation de la campagne

Armé·e·s de ces réflexions sur les arguments à employer pour convaincre des bienfaits d’une sortie du nucléaire les insoumis·es ont ensuite cogité sur l’organisation de la campagne, les mots d’ordre autour desquels se mobiliser, nos adversaires et nos allié·e·s, et sur les victoires que la France insoumise peut légitimement espérer remporter. Des cogitations insoumises recueillies il est ressorti que les plus grandes victoires que nous pouvons espérer seraient :

  • la sortie complète de l’énergie nucléaire et des autres énergies fossiles pour aller vers le 100 % renouvelable ;
  • à tout le moins obtenir la fermeture des dix-neuf centrales les plus anciennes, à commencer par Fessenheim, et l’abandon de l’EPR ;
  • réutiliser l’argent destiné au grand carénage afin de financer le début de la transition énergétique que nous défendons ;
  • tenir en échec les campagnes d’enfouissement des déchets nucléaires.

Les cogitations des insoumis·es insistent également sur la possibilité de victoires intermédiaires, notamment au niveau local. Les insoumis·es ont tout particulièrement insisté sur :

  • l’arrêt de l’éclairage des panneaux publicitaires, des vitrines de magasin et des bureaux ;
  • obtenir l’engagement d’élu·e·s sur la réduction des dépenses énergétiques et une transition énergétique dans les collectivités ;
  • l’adoption d’une loi facilitant la gestion de circuits énergétiques renouvelables dans les collectivités ainsi qu’une meilleure isolation des bâtiments publics et des logements sociaux ;
  • la conscientisation de l’opinion publique, notamment par l’obtention d’une carte des enfouissements afin de montrer que chacun·e est concerné·e par le danger nucléaire.

Une telle prise de conscience permettrait, d’après les réflexions tirées de la Convention, d’obtenir des victoires faciles sur le gouvernement pro-nucléaire d’Édouard Philippe, avec notamment :

  • l’organisation d’une votation nationale sur la sortie du nucléaire ;
  • la création de zones dénucléarisées par les conseils municipaux ;
  • la promotion de plans de transports écologiques comme le vélo dans les communes par exemple ;
  • le recul sur le plan social annoncé visant les salarié·e·s de General Electric.

Concernant le gouvernement justement, les cogitations ont été explicites sur le fait que ce dernier était un adversaire résolu de la transition écologique, notamment à travers la personne du Premier ministre. Édouard Philippe incarne la collusion entre la caste politique et les ennemis publics de l’écologie que sont Areva, EDF, Engie, Bouygues et les autres grandes firmes. Les insoumis·es ont également insisté sur l’existence d’une véritable technostructure favorable à l’énergie nucléaire, ce qui pose là encore la question de l’Union européenne. Le poids des lobbys des énergies fossiles est renforcé par la promotion d’un discours nucléariste dans les médias dominants qu’il s’agira également de combattre.

Ce combat passe notamment par l’emploi des bons mots, au vu des cogitations insoumises sur nos arguments, pour qualifier l’énergie nucléaire. Les insoumis·es dans leur cogitation ont mis en avant ces notions :

  • le danger et les risques présentés par les centrales nucléaires ;
  • l’opacité et les mensonges qui entourent la gestion de l’énergie nucléaire ;
  • la rapacité, la cupidité, le cynisme du gouvernement et du lobby nucléaire, véritables terroristes écologiques.

Dans cette lutte pour une autre politique énergétique les insoumis·es ont pensé à plusieurs allié·e·s avec lesquel·le·s travailler et organiser des actions communes :

  • les OGN impliquées dans la défense de l’environnement : Négawatt, Greenpeace, Les Amis de la Terre, ATTAC, ENERCOOP etc.
  • les partis politiques et syndicats souhaitant s’engager dans la lutte contre le nucléaire ;
  • les réseaux d’expert·e·s et de chercheur·e·s travaillant sur le nucléaire et la transition énergétique comme la CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité) ;
  • les salarié·e·s du nucléaire victimes de la dangerosité de cette technique ;
  • les personnes habitant près des centrales nucléaires et leurs associations locales ;
  • les entreprises engagées dans la transition énergétique.

Afin de mener à bien cette campagne les cogitations ont mis l’accent sur les besoins suivants :

  • diffuser plus largement le livret thématique sur l’énergie ;
  • mettre en place des formations techniques sur le processus de sortie du nucléaire, la reconversion des salarié·e·s du secteur et les alternatives renouvelables ;
  • recenser les projets alternatifs exemplaires et l’ensemble des luttes en cours contre le nucléaire ;
  • former les insoumis·es aux actions coup de poing non-violentes ;
  • créer un espace numérique propre à la campagne ;
  • réaliser et diffuser des vidéos sur le nucléaire et ses différents thèmes (déchets nucléaires ; défaillances techniques ; problèmes de maintenance etc.) ;

Les insoumis·es ont également mis en garde contre les pièges suivants :

  • ne pas être une force de proposition ;
  • techniciser à outrance le débat sur l’énergie nucléaire ;
  • ne pas assez lier la question de la production avec celle de la consommation de l’énergie nucléaire ;
  • stigmatiser les salarié·e·s du nucléaire et les personnes en précarité énergétique ;
  • oublier d’insister sur les emplois qui seront crées par la transition énergétique et le coût de l’énergie nucléaire sur le prix de la facture

Au vu de toutes ces considérations les cogitations suggèrent les actions concrètes suivantes :

  • mener une campagne d’information sur l’ensemble des incidents dans les centrales nucléaires ;
  • mener une grande enquête sur l’ensemble des maladies, notamment les problèmes de thyroïde, causées par l’énergie nucléaire ;
  • mener une campagne de sensibilisation au prix grimpant de l’énergie nucléaire qui va faire augmenter de manière certaine les factures de tou.te.s les français et françaises
  • sensibiliser par des actions coup de poing sur les dangers que le nucléaire fait peser sur nos enfants ;
  • montrer l’impréparation du gouvernement actuel en cas d’exigence par l’ASN de la fermeture d’une centrale nucléaire ;
  • organiser des rassemblements sur les sites des centrales nucléaires ;
  • conduire et médiatiser des simulations d’accidents nucléaires ;
  • promouvoir et diffuser des films consacrés à la dangerosité de l’énergie nucléaire ;
  • interpeller les élu·e·s sur la question nucléaire ;
  • mener des actions pour éteindre les éclairages des enseignes privées en ville ;
  • soutenir les producteurs d’énergie renouvelable comme ENERCOOP et encourager les insoumis·es à y souscrire ;
  • réfléchir à une sortie de la civilisation de la voiture individuelle ;
  • créer un grand prix de la radioactivité.

Enfin, toutes les cogitations ont montré l’engagement de tou·te·s les insoumis·es autour de cette campagne.

 

Synthèse réalisée par un groupe d’insoumis coordonné par Mathilde Panot, coordinatrice nationale de la campagne de la France insoumise pour la sortie du nucléaire et la promotion des énergies écologiques alternatives.

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