Mettre le peuple et ses aspirations au cœur des débats budgétaires

pARTAGEZ

Le 18 juin, lors de la séance de nuit, Bastien Lachaud a prononcé un discours sur la nécessité de mettre les aspirations du peuple au cœur des débats budgétaires, à l’occasion de la discussion d’une proposition de résolution du groupe GDR. En effet, la souveraineté du peuple est au fondement de la République française. La répartition du budget doit donc se faire en fonction de ses besoins et de ses intérêts. Pourtant, du fait de l’austérité budgétaire imposée par les traités européens et les nombreux cadeaux fiscaux faits aux riches, le peuple est constamment lésé. La restructuration de ce système injuste et inégalitaire doit se faire par une révolution fiscale que la France insoumise a défendu dans ses nombreuses propositions : suppression des niches, pourchasser la fraude patronale aux cotisations sociales, instaurer 100% d’impôt pour la tranche au-dessus de 20 fois le revenu médian, entre autres choses.

Voici le texte intégral du discours :

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mes chers collègues,

Cette proposition de résolution amène dans notre hémicycle la question cruciale de mettre le peuple et ses aspirations au cœur des débats budgétaires. En effet la question de la répartition des ressources et des dépenses de l’Etat est une question éminemment politique : sur qui porte l’effort et à quoi sont employés les moyens de l’Etat. Dans une République comme la nôtre, Res publica en latin, à savoir la chose publique, le budget de l’Etat devrait être alloué au bien commun et tourné vers l’intérêt général. La souveraineté du peuple est normalement le fondement de notre démocratie. Comment est-il donc possible que le débat budgétaire exclue à ce point le peuple et ses aspirations, alors que c’est le premier lieu où devrait s’exprimer sa souveraineté ! Pourtant, le peuple est exclu des débats budgétaires, et le rôle de ses représentants réduit au minimum. Et encore ! dans les projets de réforme institutionnelle, le temps du débat alloué au budget devrait être encore limité. Quant aux aspirations populaires, elles en sont depuis très longtemps absentes.

Les débats budgétaires sont trop souvent réduits à des questions techniques, qui seraient réductibles à des débats d’experts et d’efficacité économique. Les PAP et les RAP de la LOLF, auxquels nous sommes ici habitués, sont incompréhensibles pour le grand public, et empêchent le peuple de saisir les enjeux que nul ne songe vraiment à lui expliquer. Les indices technocratiques de performance, qui ne sont pas délibérés démocratiquement, tiennent lieu de boussole budgétaire.

Pourtant, c’est le peuple qui par l’impôt contribue au budget de l’Etat, et le peuple qui en bénéficie – du moins en théorie.

Mais nous pouvons tous constater le dépérissement des services publics, qui sont les seuls biens de ceux qui n’ont rien. Le service public hospitalier, est déjà en piteux état, et ne tient que par le dévouement de ses agents. Mais tous sont dans le même état ; éducation nationale, culture, justice, transports en commun. Partout la désorganisation et la pagaille du fait de réductions absurdes de budgets et de personnels. Par exemple, à Aubervilliers, dont je suis le député, le tribunal d’instance a dû être fermé au public de longs mois faute de personnels. Le délai d’audiencement y est de 12 mois, contre 2 à Paris. Imaginez ce qui se passe quand il faut autant de temps rien que pour audiencer un contentieux locatif : il est quasiment insoluble au moment où il va être enfin traité.

C’est donc le peuple qui devrait pouvoir arbitrer les grands choix budgétaires, au moins par l’intermédiaire de ses représentants.

Pourtant, les possibilités d’amendements pour les parlementaires sont réduites à peau de chagrin : il est bien possible de proposer de transférer des crédits, mais seulement au sein d’une même mission, et à condition de ne pas augmenter le montant de ces crédits. Les parlementaires ne peuvent donc pas proposer de répartition alternative globale des différentes missions. Les grands équilibres du budget sont soustraits au débat. Le reste du temps, l’article 40 se charge d’empêcher toute initiative parlementaire qui nécessiterait financement.

Pire, que le budget de l’Etat soit en équilibre n’est plus sujet à discussion, vu que les règles européennes interdisent ce qu’ils appellent le déficit structurel au-delà de 0,5%, et le déficit tout court au-delà de 3%, la fameuse « règle d’or ». Ces règles budgétaires non délibérées par le peuple, imposées par d’obscurs mécanismes européens, contraignent de toute façon les budgets. L’objectif imposé de tout budget est la réduction des déficits. L’austérité budgétaire est inscrite dans la loi organique française. Ainsi, les aspirations technocratiques de Bruxelles sont très présentes lors des débats budgétaires. Celles du peuple inexistantes.

Rappelons la forfaiture qu’a été l’adoption du traité de Lisbonne, afin d’imposer au peuple un traité qu’il avait refusé par référendum 3 ans plus tôt !

Toutes ces raisons font que le peuple est parfaitement absent des débats budgétaires, sauf au titre de contribuable dévoué, ou au titre d’économies faites sur son dos, lorsque sont allègrement sabrés les budgets qui profitent à tous. Tout cela pour pouvoir faire des cadeaux aux plus riches.

Le grand principe selon lequel l’impôt et les services publics servent à redistribuer les moyens pour corriger les inégalités n’est plus qu’un lointain souvenir. Les innombrables niches fiscales inutiles, et les cadeaux faits aux plus riches, notamment dans le dernier budget en apportent des preuves précises.

A ce point qu’au bout d’un moment, l’imposition devient dégressive au lieu d’être progressive ! plus on est riche, plus on a de moyens d’échapper à l’impôt par des mécanismes d’optimisation légaux, voire de désertion fiscale, illégaux.

Dans le dernier budget, si l’on s’en tient à la fiscalité des personnes physiques, le coût annoncé des cadeaux aux riches, 4,7 milliards, semble nettement sous-évalué. En réalité, cela devrait dépasser les dix milliards de cadeaux fiscaux. Cette politique budgétaire et fiscale creusera les inégalités, sans aucune espèce de garantie de succès pour relancer l’investissement et l’emploi. Au contraire, on peut prévoir qu’il y aura davantage d’effets d’aubaine pour les particuliers comme pour les grandes entreprises, que de résultats réels.

Pendant ce temps, on enlève les APL aux plus modestes pour 400 millions d’euros, on redonnera 400 millions d’euros aux 1 000 contribuables payant le plus d’ISF. Beau symbole de l’inscription des aspirations populaires au sein des débats budgétaires !

Surtout que nous parlons d’une toute petite partie de la population française : la suppression de l’ISF profitera avant tout aux 0,1 % et surtout aux 0,01 % des foyers les plus riches : il y a 3 400 foyers dont le patrimoine va de 15 millions à 49 milliards.

Et que l’on n’essaie pas de nous faire croire que cela va créer de l’investissement et de l’emploi ! Loin d’être dynamique, le capitalisme français a prélevé au cours de la période récente une part croissante des profits pour rémunérer la rente financière au détriment de l’investissement et des salaires.

Les aspirations populaires sont bien plus aisées à satisfaire que la cupidité insatiable des ultra riches : vivre dignement du fruit de son travail.

Nous attendons toujours le million d’emplois qu’avaient promis Hollande et Gattaz avec l’argent du CICE. 62 milliards d’euros ont ainsi été gaspillés depuis sa création : 11,59 milliards en 2013, 17,5 en 2014 et 17,9 en 2015, pour un nombre d’emploi créé effectif ridicule. Selon un rapport de France stratégie « le CICE n’a pas eu d’impact massif sur l’emploi, son effet sur les salaires a été très limité et celui sur les marges reste très discuté ». Le CICE a « [probablement] eu un effet direct de l’ordre de 50 000 à 100 000 emplois créés ou sauvegardés sur la période 2013-2014 ». Même en tablant sur le chiffre optimiste de 200 000 emplois créés ou sauvegardés entre 2013 et 2015, le prix de l’emploi sauvé à l’unité s’élève à 235 000€ : cela est délirant. A titre de comparaison, un SMIC coûte, en salaire superbrut, c’est-à-dire en incluant l’ensemble des cotisations sociales et du salaire différé, 25 000 euros par an, donc à peu près 10 fois moins ! Il aurait été plus simple et plus efficace que l’Etat embauche directement et pour le même prix, d’innombrables emplois auraient été créés et de façon certaine.

Résultat : la France est surtout riche en nombre de millionnaires et en nombre de pauvres !

Pour mettre le peuple et ses aspirations au cœur des débats budgétaires, il faut faire la révolution fiscale. La France insoumise a déjà fait de nombreuses propositions chiffrées et raisonnables.

Il faut entièrement refonder l’imposition :

- Rendre l’impôt sur les revenus plus progressif avec un barème à 14 tranches contre 5 aujourd’hui : tout le monde doit payer et chacun selon ses moyens réels.

- il faut instaurer100% d’impôt pour la tranche au-dessus de 20 fois le revenu médian, soit pour les personnes qui gagnent plus de 400 000€ par an : cela laisse quand même une belle marge !

- instaurer un impôt universel pour les français de l’étranger, pour terrasser la fraude et la désertion fiscale des ultra riches qui croiraient échapper aux agents du fisc en se domiciliant ailleurs

L’ensemble rapporte déjà 10 milliards

- pourchasser la fraude patronale aux cotisations sociales ; la Cour des comptes évalue à 20 milliards cette fraude qu’il serait urgent de récupérer pour mettre dans le vert les comptes de la sécurité sociale, plutôt que de sabrer encore dans les prestations.

- Supprimer les niches fiscales injustes, inefficaces socialement ou nuisibles écologiquement, et il y en a beaucoup : 85 % des réductions d’impôts profitent aux 10 % les plus riches. En outre, 5 milliards de niches fiscales subventionnant l’utilisation d’énergies fossiles et polluantes doivent être récupérées impérativement. En tout, 38 milliards sont récupérables dont 26 immédiatement identifiés.

  • Instaurer un barème progressif de l’impôt sur les sociétés et favoriser l’investissement plutôt que la distribution de dividendes : baisser le taux impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % pour alléger la fiscalité sur les PME. La taxation des profits distribués et des rachats d’actions rapporte déjà 3 milliards.
  • Rétablir et renforcer l’ISF et des droits de succession pour faire notamment payer les milliardaires aujourd’hui largement exonérés sur leurs biens professionnels. Il faudrait aussi instaurer un héritage maximum au-delà de 33 millions d’euros (ne poussez pas des cris effrayés, cela correspond aux 0,01 % des foyers les plus riches) : 3 milliards récupérés.
  • Réduire la TVA sur les produits de première nécessité, et réinstaurer une « TVA grand luxe » pour financer ces baisses : on reste gagnants à 5 milliards
  • Obliger les entreprises à déclarer leurs résultats pays par pays et taxer les bénéfices des entreprises là où ils sont réalisés.
  • Interdire aux banques françaises toute activité dans les paradis fiscaux en retirant les licences bancaires des établissements récalcitrants.
  • Renforcer les moyens humains et techniques de l’administration fiscale et des douanes dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Recruter des agents du fisc pour traquer les fraudeurs et les déserteurs, c’est de l’argent utilement dépensé et des fonctionnaires qui rapporteraient beaucoup plus d’argent à l’État que leurs salaires ne lui coûtent : on estime entre 60 et 80 milliards l’argent qui échappe aux caisses de l’État.

Voilà mes chers collègues comment mettre le peuple et ses aspirations au cœur des débats budgétaires.

Dernières actualités

Rechercher