Durant la Coupe du Monde en Russie, retrouvez nos chroniques quotidiennes sur une sélection de rencontres. Aujourd’hui, focus sur un match du groupe H et un pays en particulier : la Colombie.
À quelques heures du coup d’envoi de Colombie-Japon, le milieu vedette James Rodriguez, meilleur buteur du Mondial 2014, est annoncé forfait, pour cause de fatigue musculaire. Le sélectionneur de l’équipe n’aura donc pas le choix de faire jouer ou non le joueur du Bayern Munich et devra aligner l’ancien rennais Juan Fernando Quintero.
Le peuple colombien, lui, a eu le choix, pour la première fois. Le deuxième tour de l’élection présidentielle s’est déroulé ce dimanche. Le candidat d’extrême-droite Ivan Duque l’a emporté face au candidat de gauche Gustavo Petro. Un duel inédit.
Car si les choix difficiles sont le lot quotidien de tous les sélectionneurs, le peuple colombien n’a, dans son histoire politique, que très rarement eu le choix. Présidents de droite et d’extrême-droite se sont toujours succédés au pouvoir, fortement appuyés par les Etats-Unis.
Avec Colombia Humana, Gustavo Petro a su déclencher un espoir d’alternative inédit. Sans cesse attaqué par les grands médias, Petro a mené jusqu’au bout une campagne audacieuse et marquée par des propositions inédites, qui lui a permis d’atteindre 8 millions de voix, soit 42 % des suffrages.
Convoquer une assemblée constituante, consolider l’accord de paix avec l’ex-guérilla FARC, organiser une conférence sur l’échec de la lute contre la drogue : le programme de Colombia Humana a suscité l’enthousiasme.
En face, Ivan Duque était investi par le Centre démocratique, qui n’a de centre et de démocratique que le nom. Il n’a cessé de tenir des positions extrêmes, voulant remettre en cause l’accord de paix. Il se montre ainsi prêt à faire plonger à nouveau le pays dans la guerre civile, pour des raisons purement dogmatiques.
Effrayée par la montée de la vague Petro, la droite n’a cessé de hurler au « populiste » qui ferait de la Colombie un nouveau Venezuela. Jusqu’au ridicule. L’ancien président Alvaro Uribe – lié au narcotrafic et soutien des milices d’extrême-droite – a accusé les « pétristes » d’attaque « bioterroriste ». En cause : un essaim d’abeilles qui l’a empêché de tenir une réunion publique pro-Ivan Duque. Après le coup du scorpion du gardien colombien Higuita, voici le coup des abeilles…
Un événement tourné en dérision dans le pays, transformant l’abeille en symbole de rassemblement autour de Gustavo Petro (voir l’image ci-dessus). « Nous sommes les abeilles de Gustavo Petro », se sont mis à scander ses partisans. Un symbole qui s’est notamment répandu sur les réseaux sociaux. Ces derniers ont été fortement investis par les partisans de Petro, face à l’adversité témoignée par les médias dominants.
Certes, Petro n’a pas gagné, mais il a su montrer qu’une alternative en Colombie était possible. Dans une Amérique latine en bouillonnement permanent, qui plus est en période de Coupe du Monde, c’est désormais vers le Mexique que les regards se tournent pour son second match crucial contre la Corée du Sud mais surtout dix jours avant des élections fédérales décisives.