Pour fêter les 20 ans de la législation sur 35 heures (appliquée pendant seulement deux ans avant d’être détricotée au retour de la droite en 2002), le gouvernement fonce à toute vitesse dans l’autre direction. Désormais, il tente de s’affranchir du droit européen, pourtant peu protecteur : c’est la limite de 48 heures par semaine qu’il tente de faire sauter ! Pour les amis de Macron, cette régulation semble encore trop protectrice des salariés.
En effet, les sénateurs et les députés majoritaires ont discrètement ajouté un amendement à la sixième ordonnance qui démantèle le code du travail. Cette ordonnance a été présentée comme une simple opération technique sans grande conséquence, à part corriger des coquilles… et voilà le résultat : maintenant, un employeur peut imposer le « forfait jour » aux cadres qu’il emploie, sans que les cadres n’y consentent explicitement.
Le forfait jour est une dérogation au temps de travail. Une personne qui œuvre en « forfait jour » ne compte pas ses heures, mais ses journées de travail. A condition de ne pas travailler plus 6 jours d’affilée, et d’avoir 11h de repos entre deux jours travaillés, on peut trimer jusqu’à 13h quotidiennes pendant 6 jours. Soit 78 heures par semaine. On dépasse donc ainsi allègrement les 35 heures hebdomadaires, voire même les 39 heures dans les secteurs où cela constitue le référentiel conventionnel. Le forfait jour constitue aussi un moyen de s’affranchir de la réglementation européenne sur les 48 heures hebdomadaires maximales. L’employeur ne verse ainsi aucune heure supplémentaire. En général, le forfait jour est accepté en échange de jours de repos compensateurs au long de l’année. Simplement, ce système de dérogation nécessitait jusqu’à présent l’accord individuel de chaque salarié. Un employé pouvait s’y opposer s’il jugeait impossible, dangereux ou inenvisageable de travailler 78 heures par semaine, sous couvert de travailler « 6 jours » !
Pourtant, il a été démontré par de nombreuses études que le risque de maladies cardiovasculaires et d’attaques cardiaques s’accroît avec le nombre d’heures travaillées par jour, notamment pour les heures en-dehors du bureau. La courbe des heures supplémentaires rejoint celle des AVC. Rallonger les horaires de travail de la population est donc dangereux pour la santé des travailleurs, en plus d’être absurde économiquement : alors que 6 millions d’individus sont inscrits à Pôle emploi, on impose à certains travailleurs d’accomplir l’équivalent de deux postes de travail !
Désormais, refuser de travailler 78 heures par semaine est passible d’un licenciement en bonne et due forme. Certains salariés seront obligés de doubler leur temps de travail sans forcément de hausse de salaire ! Merci Macron !