Placée au cœur d’une semaine de mobilisations et de luttes sociales, la niche parlementaire de la France insoumise a permis de faire une nouvelle démonstration politique dont même ses habituels détracteurs reconnaissent les mérites. Il fallait entendre Yves Calvi admettre l’évidence du droit aux premiers mètres cubes d’eau gratuits. Il fallait voir les reportages sur le burn-out au travail attester du bien fondé de la proposition de de loi visant à faire reconnaître comme maladies professionnelles les pathologies psychiques résultant de l’épuisement professionnel. La France insoumise est apparue au grand jour pour ce qu’elle est : le premier opposant ET le premier proposant.
Cette volonté de se rendre utile contrastait il est vrai grandement avec l’attitude des députés LREM qui ont traité cette niche parlementaire de manière administrative. D’abord absents, méprisant les propositions de l’opposition, avant de venir les fustiger dans l’hémicycle avec une grande brutalité dans le verbe et, il faut le dire, beaucoup de sectarisme pour des propositions qui relèvent du bon sens et qui visent à améliorer la vie des gens.
Mais déjà cette façon de faire porte ses fruits. Dans les luttes comme sur celle des ehpad, dans la rue contre la mise en place de la sélection à l’université et la territorialisation du bac, sur le logement comme lors de la présentation du 23e rapport de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, la France insoumise s’impose de plus en plus comme le débouché politique naturel et nécessaire de ceux qui refusent l’asservissement à cette société. La sève monte d’elle même vers une union des forces populaires.
Car pendant ce temps là, M. Macron, dès lors qu’il n’est plus maître du calendrier, n’a d’autre ressort que jouer comme son prédécesseur la stratégie du pourrissement. Les ehpad ? Circulez il n’y a rien à voir. Carrefour ? Laisser-faire, laisser-aller. Les prisons ? Rien sur le fond. Lactalis ? Oh c’est pas bien. Darmanin ? Attendre et voir. Les dangers avérés du nucléaire ? On verra bien. Mais là où François Hollande se contentait d’être médiocre dans son incapacité à prendre des décisions, M. Macron y ajoute le cynisme et le mépris pour en faire une ligne politique.
Or c’est un fait que le pourrissement se termine toujours en décomposition. M. Macron a commencé à le vérifier dans les partielles, les deux premières de son quinquennat. Bilan ? Deux défaites, une députée en moins. L’ancienne droite a battu la nouvelle. Ajoutez-y un océan d’abstention, inédit à ce stade du quinquennat (ou même inédit tout court en France métropolitaine pour les 80 % d’abstention enregistrés à Belfort), et le décrochage dans les sondages de M. Macron au niveau de son prédécesseur, et vous verrez un président désavoué par les siens qui, s’il n’a pas encore atteint le stade où la volonté populaire décide de les évincer du paysage, lui et son parti, comme remède possible, suscite déjà le désenchantement.
Les semaines à venir promettent pareille dichotomie. Dans les urnes, où les prochaines partielles, à commencer par celles de Guyane et de Haute-Garonne en mars, sont autant de promesses de nouvelles sanctions pour le gouvernement et de confirmation de l’ancrage de La France insoumise. Dans les mobilisations, où le gouvernement s’en prend désormais frontalement aux fonctionnaires, non seulement en remettant en cause leur statut mais par la promesse de la généralisation de la précarité par le recours généralisé aux contractuels, soumission aux logiques managériales et comptables mais négation de la continuité de service de l’Etat. Ou encore à l’école, des fermetures de classes pour les tout-petits jusqu’au lycée modulaire inégalitaire ; ou à l’hôpital ; ou chez Carrefour où les 2400 suppressions de postes annoncées pourraient en réalité cacher le double ; et dans tant d’autres secteurs où les luttes se multiplient.
Le terreau de la mobilisation citoyenne, dans les luttes et dans les urnes, est fertile pour enraciner ce qui est utile et recouvrir ce qui pourrit sur pied.
François Cocq