Madame la Ministre des Solidarités et de la Santé,
Répondant à une sollicitation du personnel des urgences, je me suis rendu au CHI André Grégoire à Montreuil. J’ai pu m’entretenir avec des membres de la direction, du personnel médical et soignant de l’Hôpital et mesurer ainsi la difficulté dans laquelle se trouvent actuellement les services des urgences adultes et pédiatriques. Lors de cette visite, trois points sensibles ont notamment été abordés : la situation financière de l’établissement, l’état des urgences et les conditions de travail de son personnel.
- Situation financière de l’établissement
Le Centre Hospitalier Intercommunal André Grégoire a été ouvert en 1965. L’établissement a dû fortement s’endetter auprès de la société Dexia pour réaliser des rénovations en 2012. Ces emprunts avaient d’ailleurs été garantis solides et sécurisés à l’époque par Bercy. Mais cet endettement, étalé sur 35 ans, s’est avéré toxique. Cela a entraîné la dégradation de la situation financière de l’établissement. Celle-ci reste déficitaire car l’hôpital ne parvient pas à dégager d’autofinancement et ce, malgré de nombreux plans d’économies réalisés ces dernières années. Le fait que l’hôpital reste dans cet état malgré les différentes réorganisations majeures des fonctions supports, accroît la pression exercée sur les personnels.
- L’état du bâtiment
L’attente des patients se passe dans des locaux complètement dépassés et très mal organisés. Pour réaliser les consultations, le nombre de boxes d’auscultation est grandement insuffisant et ne répond plus à l’afflux actuel de patients. A cette vétusté des locaux s’ajoute un manque criant d’équipement. Le matériel déjà présent est quant à lui vieillissant. Enfin, les enfants sont « mélangés » aux adultes, aucune zone ne leur étant exclusivement réservée. Les urgences adultes et pédiatriques sont dimensionnées pour la moitié de l’afflux de patients qu’elles reçoivent aujourd’hui.
- Les conditions de travail du personnel
A ces problèmes de personnel et de bâtiment, s’ajoutent les agressions envers les équipes soignantes et médicales. Ce taux de violence croît de manière phénoménale. La direction souligne que les équipes ne perdent en rien leur volonté et que leur engagement est total, afin de fournir un service digne de l’hôpital public et de perpétuer son rôle social fondamental. Ces conditions de travail difficiles couplées à des locaux vieillissants et à une situation budgétaire bancale font que, malgré l’abnégation du personnel hospitalier, il n’est plus possible pour eux d’assurer de bons soins. Les agents sont constamment dans l’urgence extrême et acceptent de travailler, parfois, à la limite de la sécurité et au détriment de leur santé. Les personnels ont l’impression d’être délétères par rapport aux patients.
Madame la Ministre, il n’est pas acceptable qu’en France, cinquième puissance mondiale, l’hôpital public ne dispose pas de moyens suffisants pour offrir aux malades des conditions dignes lors d’une hospitalisation. Le Président Emmanuel Macron prévoyait de se battre « contre les déserts médicaux qui touchent de nombreuses zones rurales, périurbaines, des villes et des hôpitaux » et de « renforcer l’attractivité des métiers de santé ». Je fais donc appel à vous pour que cet engagement soit respecté au CHI André Grégoire et, plus généralement, en Seine-Saint-Denis et dans l’ensemble des territoires en proie à de telles difficultés.
Là encore, ce sont les populations les plus vulnérables qui sont les plus touchées. Ces situations mettent à mal l’un des droits fondamentaux de l’usager : l’accès aux soins pour toutes et tous, dans des conditions dignes et respectueuses de la personne. Or, les nouvelles méthodes de management imposées aux hôpitaux depuis près de vingt ans ne le permettent pas car elles impliquent que toute activité humaine soit mesurée et soumise à la concurrence, sur le modèle de l’entreprise privée. Désormais, pour s’en sortir financièrement, un hôpital public est obligé de réduire ses investissements et d’accroître son activité sans augmenter ses dépenses, notamment des personnels. Du fait de cette gestion autoritaire des ressources humaines, on demande aux équipes d’en faire toujours plus, souvent au mépris de la qualité des soins.
L’attractivité médicale de la zone est si basse que même les urgences peinent à recruter et à fidéliser du personnel. Le service manque de praticiens et se voit donc dans l’obligation de faire appel à des médecins intérimaires, dont les salaires sont près de trois fois supérieurs à la rémunération moyenne d’un médecin. Ce recours à l’intérim, qui ne devrait pas exister ou n’être qu’un fait ponctuel, est désormais régulier. Les équipes médicales ne comptent pas leurs heures afin de gérer au mieux le flot de patients. Il manque des médecins, des infirmières et, les aides-soignantes, sont moitié moins que ce qu’elles devraient être. Leur vie de famille est quasiment inexistante et leur fatigue, constante, s’accroît de jour en jour. Tous, médecins comme personnel soignant, sont sous pression de manière continue.
Les hôpitaux publics reçoivent toutes les personnes, sans condition de ressources. Ils ont donc un aspect social fort. Le taux de passage aux urgences ne cesse de croître d’année en année et les équipes médicales et soignantes y font face quotidiennement. Or, cet afflux de patients pourrait être bien moindre si les généralistes n’étaient pas débordés. Cette affluence est notamment due au manque d’attractivité médicale du département. En effet, cette année, aucun médecin généraliste ne s’est installé en Seine-Saint-Denis et ceux déjà établis sur le département sont débordés et ne peuvent prendre en charge de nouveaux patients. C’est une véritable pénurie de médecins que subit le département. Il faut savoir qu’un grand nombre de ces personnes sont dans une situation sociale inextricable (plus de 40% du public accueilli) : l’aspect social de l’hôpital public précédemment évoqué est donc ici décisif.
Espérant pouvoir compter sur votre attachement au service public et aux droits fondamentaux des patients, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.