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FIFA Gate : le sport pourri par l’argent

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Lundi 6 novembre, le procès du « FIFA Gate » s’est ouvert à New York. Quatorze personnes, dont neuf officiels de la FIFA, sont inculpées pour racket, blanchiment d’argent et corruption sur une période de 25 ans. Les accusations concernent notamment les pots-de-vin et commissions occultes qu’auraient reçus plusieurs responsables de la Fédération dans le cadre des « négociations » des droits de retransmission et droits marketing, ainsi que les conditions frauduleuses dans lesquelles les Coupes du monde 2010, 2018 et 2022 auraient été attribuées à l’Afrique du Sud, à la Russie et au Qatar. Le ministère de la Justice étasunien estime que 150 millions de dollars ont été brassés depuis 1991 par des moyens variés et répétés, comme des détournements de fonds, transactions en liquide, investissements dans des biens immobiliers ou des œuvres d’art, etc. Cette corruption généralisée a été décrite par la Justice américaine comme une pratique « rampante, systémique et profondément enracinée » au sein de l’organisation internationale. Il ne s’agit pas d’un accident provisoire, mais bien d’un mode de fonctionnement qui pourrit le sport international.

La FIFA, malade de l’argent

Même si elle affiche des priorités éthiques – depuis 2006, l’organisation s’est dotée d’une Commission d’Ethique Indépendante qui peut enquêter et sanctionner les officiels, joueurs, intermédiaires et agents organisateurs de match licenciés – la FIFA semble bien gangrenée par les affaires de corruption et de gros sous.
Dès 2001, la faillite de la société ISL (International Sport and Leisure), titulaire des droits commerciaux liés à la retransmission télévisée de la Coupe du monde, révèle le versement de 50 millions de dollars de pots-de-vin à l’ancien président de la Fédération Joao Havelange pour l’acquisition des droits. En 2014, la police brésilienne démantèle un réseau de trafic de billets qui a rapporté de 70 millions de dollars à l’entreprise Match Hospitality dont le neveu de l’ancien président de l’organisation, Sepp Blatter, détenait des parts. L’affaire consistait à revendre à prix d’or des billets fournis à titre gracieux par la FIFA. En 2016, les Panama Papers révèlent que l’ex-numéro 2 de la FIFA, Jérôme Valcke et Michel Platini détiennent des sociétés offshores… et on attend avec impatience que les Paradise Papers soient entièrement dépouillés ! On reste songeur.s.e devant les statuts de la Fédération internationale, officiellement une « association à but non lucratif » !

La mafia à nos frais

Comme le souligne l’acte d’accusation du ministère de la Justice américain, la gestion frauduleuse de la FIFA a fait de nombreuses victimes : fans, spectateurs qui ont acheté des billets frauduleux, mais surtout ligues de jeunes et pays en développement qui auraient dû bénéficier des profits générés par l’organisation d’événements sportifs.
La Coupe du monde 2014 a montré les exigences draconiennes que la FIFA a imposées au Brésil : impossibilité de rénover certains stades et construction d’infrastructures nouvelles démesurées telles que le stade de Manaus, ou encore vote de la « Loi générale de la Coupe » qui garantissait à la FIFA l’exclusivité des symboles officiels et des sanctions contre tout autre utilisateur. Ou encore, pour satisfaire le sponsor Budweiser (bière), la FIFA a autorisé la vente d’alcool dans les stades, pourtant interdite depuis 2003 au Brésil afin de lutter contre la violence pendant les événements sportifs. Le Mondial 2014 a coûté 15 milliards de dollars. Bilan en 2014, la ville de Manaus ne collectait les eaux usées que pour 11% de ses habitants mais disposait d’un stade flambant neuf de 44 000 places.

Plus grave encore, la poursuite des intérêts personnels des responsables de la FIFA se fait au mépris des droits humains fondamentaux. En juin 2017, le rapport Garcia a révélé que 2 millions de dollars auraient été versés sur un compte épargne ouvert au nom de la fille, âgée de 10 ans, d’un membre de la FIFA avant l’attribution du Mondial 2022 au Qatar, et qu’ « un ancien membre exécutif a félicité des membres de la Fédération qatarie et les a remerciés par mail pour un virement de plusieurs centaines de milliers d’euros » après l’attribution de la compétition au Qatar. Et c’est au Qatar que des milliers de travailleurs immigrés travaillent dans des conditions désastreuses pour construire les infrastructures qui accueilleront le Mondial dans 5 ans.

Dans son rapport de mai 2016 sur les conditions des travailleurs qui construisent le Stade Khalifa à Doha, l’ONG Amnesty International a mis en évidence l’absence criante d’engagements concrets de la FIFA contre l’exploitation des travailleurs immigrés. Il n’existe à ce jour aucune procédure de contrôle au sein de la Fédération permettant vérifier ou de mesurer l’impact de la construction d’infrastructures pour la Coupe du Monde sur les droits de l’homme - ses responsables s’en moquent éperdument. En mars 2014, la Confédération syndicale internationale chiffrait à 1200 le nombre de travailleurs morts sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar. A ce rythme, et sans changement réelle des politiques mises en place, 4000 travailleurs vont trouver la mort sur les chantiers d’ici à 2022. Ce n’est que sous la pression des syndicats internationaux et des ONG que le Qatar a entrepris un certain nombre de réformes : fin au système Kafala de confiscation des passeports aux travailleurs migrants, introduction d’un salaire minimum. De plus, les syndicats internationaux ont obtenu un accord leur donnant la possibilité de faire des inspections du travail sur les stades de la Coupe du Monde. Mais le chemin est encore long dans l’organisation d’une Coupe du Monde digne et honnête, car le gouvernement qatari interdit toujours la création de syndicats et la négociation collective des conditions de travail.

A l’approche du Mondial 2018 et entre deux célébrations des JO 2024 à Paris, l’ouverture du procès du « FIFA gate » rappelle l’urgence de libérer le sport de l’argent et de soumettre les grands événements sportifs internationaux à des normes éthiques et solidaires, plutôt que d’en faire un instrument d’enrichissement de quelques-uns !

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