Note d’intention du pôle « auto-organisation » de la France Insoumise
Nous proposons de développer une méthode d’auto-organisation au service de la révolution citoyenne. Par l’action, la confrontation et la revendication, elle doit permettre aux citoyen·ne·s de « faire peuple », c’est-à-dire de constituer un collectif, porteur de l’intérêt général, en capacité de se confronter aux puissants.
Les zones urbaines des métropoles ou des territoires périphériques sont le terrain privilégié de l’auto-organisation populaire. Les contradictions et la violence du capitalisme, tout comme l’urgence écologique, se traduisent dans l’organisation de villes. Insalubrité, pollution, accès aux services publics de transport, de santé ou d’éducation… Les conditions de vie des habitant·e·s sont des enjeux profondément politiques qui permettent de déclencher des mobilisations, d’obtenir des victoires et de donner confiance en l’action collective.
L’approche territoriale permet également de faire émerger des revendications liées aux conditions de travail que les contraintes de l’entreprise, la répression syndicale et l’ubérisation auraient étouffé. Quel que soit leur statut, les travailleur·se·s deviennent les porteur·se·s de l’intérêt général et la diversité des publics impliqués dans la lutte - consommateur·rice·s, riverain·e·s, usager·e·s du service public… – multiplient d’autant les moyens d’action et le rapport de force pour faire plier les décideur·se·s.
Nous proposons que notre mouvement s’engage sur ce chemin de l’auto-organisation. Pour faire émerger dans chaque quartier, banlieue ou zone pavillonnaire, un collectif d’habitant·e·s qui apporte sa pierre à la construction d’un peuple souverain. C’est l’occasion d’engager dans l’action politique les citoyen·ne·s qui en sont ordinairement exclu·e·s. Celles et ceux dont les préoccupations immédiates sont méprisées, dont l’horizon s’est invariablement dégradé malgré les alternances politiques. Pour rassembler le peuple, nous ne pouvons pas nous contenter de faire des promesses quant à l’exercice du pouvoir, nous devons, à travers l’auto-organisation, donner du pouvoir.
Pour cela, il nous faudra bouleverser certaines de nos habitudes militantes. Nous savons que l’histoire politique des villes de notre pays est particulièrement riche et que de nombreux habitant·e·s sont déjà engagé·e·s dans les luttes, parfois depuis de longues années. Nous pensons qu’il faut réinventer nos pratiques en combinant ces expériences militantes avec d’autres, en particulier la méthode d’auto-organisation théorisée par le sociologue américain Saul Alinsky. Nous en tirons plusieurs principes pour développer l’auto-organisation populaire :
Frapper aux portes. Le fossé qui sépare les collectifs militants de la plupart des gens est une des premières raisons du statuquo. Nous avons la responsabilité de faire le premier pas, d’aller frapper aux portes de celles et ceux qui boudent la politique, parce qu’ils sont résignés ou parce que la difficulté du quotidien les submerge. Chaque porte qui s’ouvre est le début d’un lien social, l’émergence d’un “nous”, celui des habitant-e-s de la ville, condition de l’auto-organisation.
Tisser les colères. Se mettre au service de l’auto-organisation implique de savoir écouter les colères. Elles sont d’abord individuelles et concrètes, issue du parcours de vie propre à chacun. Mais elles représentent déjà une insoumission face au quotidien, un point de départ pour des indignations plus grandes. Plutôt que de les balayer par un jugement moral, une posture de sachant, notre rôle est de les rassembler pour en faire des préoccupations communes, le socle d’une action revendicative.
Cibler les puissants. Politiser la vie quotidienne revient, d’une façon ou d’une autre, à questionner le pouvoir. Pourquoi les choses se déroulent de cette façon ? Qui en décide ? Pourquoi nous n’avons pas notre mot à dire ? Désigner les véritables responsables, ceux “d’en haut”, permet de remplacer la fatalité par la conflictualité. Cette polarisation contre les décideur·se·s est aussi un moyen pour reculer le racisme et toutes les formes de colères « horizontales » qui sont source de division. L’auto-organisation place la question démocratique au centre des débats et permet d’unifier le peuple.
Agir nous-même. Parce qu’elle permet l’implication des habitant·e·s, l’auto-organisation est un outil d’apprentissage politique. Se réunir, débattre, décider de ses revendications, utiliser les moyens et les opportunités d’action à sa disposition, comprendre les enjeux de pouvoir à travers la conflictualité… L’expérience concrète d’une lutte, d’autant plus quand elle est victorieuse et même à une échelle micro-locale, est un des meilleurs vecteurs de politisation.
Par définition, l’auto-organisation ne se décrète pas. Nous proposons de l’initier et de la soutenir, sous des formes différentes et en expérimentant partout dans le pays. Le temps est à l’audace et aux initiatives neuves. Alors frappons aux portes, tissons les colères, ciblons les puissants et agissons nous-même pour construire le peuple !
Leïla Chaibi, Manon Coléou, William Martinet