Les menus dans cantines scolaires font souvent l’objet d’un traitement démagogique et inutilement polémique : on se souvient de la fumeuse polémique « hallal » lancée par Mme Le Pen en 2012, ou l’argument dit de la double ration de frite de M. Sarkozy lors du débat sur la primaire du parti LR en novembre 2016. Le débat public est orienté vers ces questions soit pour stigmatiser une catégorie de population, soit pour allumer un contre-feu.
Pourtant, la question de l’alimentation scolaire, et de l’alimentation collective plus généralement, mériterait un traitement politique digne, et axé sur les vrais enjeux. D’une part, les cantines scolaires sont trop souvent d’une très mauvaise qualité, confiées à des grands groupes davantage préoccupés par la rentabilité que par la qualité nutritionnelle des plats ou l’éducation des enfants. Si bien que la cantine, au lieu d’être un lieu d’éducation à une alimentation diverse, équilibrée, un moment de pause et de partage autant qu’un plaisir autour de plats appréciés, devient une séance d’exercice au stoïcisme.
Or, la cantine scolaire devrait être partout un moment authentiquement pédagogique, où les enfants pourraient découvrir et apprécier des plats qu’ils n’ont pas l’habitude de manger chez eux. C’est d’ailleurs le cas dans de nombreux établissements scolaires, où l’administration, l’intendance et l’équipe des cuisiniers font le choix de proposer des plats cuisinés, et non réchauffés, avec des produits locaux et/ou issus de l’agriculture biologique, en diversifiant les plats proposés.
La question de la viande, notamment, doit pouvoir être posée. A l’heure actuelle, les textes imposent de la viande dans au moins 16 repas sur 20, ce qui se traduit dans les faits, pour des raisons de commodité, par de la viande à tous les repas. Or, il n’est d’une part pas nécessaire d’avoir de la viande à tous les repas, ensuite la production industrielle de viande est problématique à plusieurs plan : les conditions de vie des animaux destinés à l’alimentation, et la quantité de nourriture nécessaire à l’élevage de ces animaux.
Il paraît donc judicieux d’inclure des repas végétariens dans les menus des cantines scolaires, de façon à sensibiliser les enfants sur la question de la réduction des protéines carnées.
M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l’éducation nationale sur la possibilité d’offrir une alternative végétarienne dans les repas servis dans la restauration collective scolaire. Or celle-ci est impossible du fait du décret n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire. En effet, à cause de ce décret, les menus servis dans les cantines scolaires doivent contenir des produits carnés, en particulier de la viande et du poisson de façon fréquente (16 repas sur 20 au minimum), ce qui rend impossible pour les cantines de proposer systématiquement une alternative végétarienne, sans protéine carnée. Proposer régulièrement des plats protidiques entièrement végétariens, ou un plat à base de viande avec comme alternative un plat à base de protéines non carnées permettrait de sensibiliser dès le plus jeune âge les enfants à la question des protéines carnées. En effet, leur réduction est nécessaire dans l’optique d’une organisation rationnelle et soutenable écologiquement de notre agriculture et de notre alimentation. Les enfants seraient ainsi éduqués aux alternatives à la viande, découvriraient à l’école des plats qu’ils pourraient apprécier, et ainsi rendre plus aisée une baisse progressive de la consommation des protéines carnées. En effet, l’éducation nationale devrait éduquer y compris lors des repas scolaires, à l’alimentation équilibrée, ce qui est essentielle pour la santé publique. Incidemment, cette alternative permettrait de régler définitivement l’instrumentalisation politicienne de la question des menus scolaires. Les plats végétariens permettraient en respectant la laïcité, de permettre à tous les enfants d’avoir une alimentation suffisamment protéinée lors des repas scolaires, indépendamment de leurs éventuels interdits alimentaires liés à une religion. Il lui demande s’il a l’intention de revenir sur ce décret afin d’intégrer les protéines non carnées comme possibilité de plat protidique adaptés aux enfants à la liste comprenant déjà viandes, poissons, œufs, abats ou fromages. Ainsi, l’éducation nationale participerait sur ce point à la sensibilisation générale de la population concernant la réduction de la consommation des protéines carnées.
Retrouvez ici la question sur le site de l’assemblée où vous pouvez être alertés de la publication de la réponse.
Voici la réponse du ministre. Précisons que la question a fini par être adressée non au ministre de l’éducation nationale à laquelle elle avait été destinée, mais au ministre de l’Agriculture.
Les restaurants scolaires, qui servent chaque année un milliard de repas, jouent un rôle fondamental dans la structuration des comportements alimentaires des six millions d’élèves qui les fréquentent. C’est pourquoi, les dispositions de l’article 1 de la loi no 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, codifiées dans l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), instaurent une obligation de respect des règles nutritionnelles dans les repas proposés. Antérieurement à la loi, de telles mesures étaient prévues par la circulaire interministérielle no 2001-118 du 25 juin 2001 sur la composition des repas servis en restauration scolaire et la sécurité des aliments, qui définissait les règles nutritionnelles devant être suivies par les établissements scolaires, mais demeurait insuffisamment appliquée. Le décret no 2011-1227 du 30 septembre 2011 et l’arrêté du 30 septembre 2011 relatifs à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire ont pour objet de mettre en œuvre le premier alinéa de l’article L. 230-5 du CRPM, en définissant les exigences à respecter en termes de variété, de composition et de taille des portions des repas. Ces exigences s’appuient sur les priorités du programme national nutrition santé (PNNS), prévu à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique, qui vise à améliorer l’état de santé de la population en agissant sur la nutrition. La rédaction des textes réglementaires a fait l’objet d’une concertation avec tous les acteurs concernés et, en particulier, des représentants des collectivités, des diététiciens nutritionnistes, des professionnels de la restauration et des parents d’élèves. Cette rédaction s’est appuyée sur les travaux du groupement d’étude des marchés en restauration collective et de nutrition (GEMRCN) qui constituent une référence en termes de recommandations nutritionnelles en restauration collective. Le GEMRCN est l’un des groupes d’étude des marchés de l’observatoire économique de la commande publique. Il est rattaché au ministère de l’économie et des finances. Les recommandations du GEMRCN tiennent compte despriorités nutritionnelles nationales établies dans le cadre du PNNS. La fréquence minimale fixée pour les plats principaux à base de protéines carnées a pour objectif de garantir les apports en fer et oligo-éléments des élèves fréquentant les restaurants scolaires. L’instauration d’une fréquence minimale de consommation de viandes non hachées vise, quant à elle, à favoriser la diversité de l’offre de viande et la qualité culinaire, ainsi que l’indispensable éducation au goût et à l’usage de la mastication. Les fréquences minimales suivantes sont ainsi prescrites sur 20 repas : - quatre repas avec, en plat protidique, des viandes non hachées de bœuf, veau, agneau ou des abats de boucherie ; - quatre repas avec, en plat protidique, du poisson ou une préparation d’au moins 70 % de poisson et contenant au moins deux fois plus de protéines que de matières grasses. Seuls huit repas sur vingt doivent donc comporter du poisson, de la viande ou des abats. Aucune disposition particulière quant à la nature du plat protidique ne s’applique pour les autres repas, les protéines pouvant être issues de viandes, poissons, œufs, abats ou fromages. Une alternative végétarienne peut ainsi être proposée dans le respect des dispositions réglementaires actuelles. Une actualisation des repères nutritionnels du PNNS est prévue dans le cadre de la saisine de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail no 2012-SA-0103. Pour le cas où les recommandations nutritionnelles pour les enfants évolueraient, une révision du décret no 2011-1227 et de l’arrêté du 30 septembre 2011 permettrait d’adapter la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire.