Je suis intervenue aujourd’hui à la tribune pour expliquer le vote du groupe La France Insoumise sur le projet de loi « orientation et réussite des étudiants ».
Ci-dessous le texte de mon intervention :
Votre projet de loi sur l’orientation et la réussite des étudiants se base sur un double constat.
- Le premier, que nous partageons : mettre fin au tirage au sort dans les filières dites en tension.
- Le second, c’est le prétendu taux de 60% d’échec en licence. Ce chiffre que vous martelez inlassablement cache des situations très diverses : des étudiants qui se réorientent après leur première année ; d’autres qui s’inscrivent pour passer un concours ; d’autres encore qui redoublent, avec des raisons très éloignées de l’échec : engagement associatif, syndical ou obligation de travailler pour financer ses études.
Cette diversité de parcours n’est donc pas caractéristique d’un échec mais bel et bien le reflet d’une liberté de choix dans le suivi de ses études.
En outre – je le rappelle une fois encore – 80% des étudiants sortent de l’université avec un diplôme. Et ce taux – qui n’a pas évolué ces 30 dernières années – est supérieur de 10 points à la moyenne de l’OCDE.
Vous avez donc su saisir cet alignement favorable des planètes pour réformer l’entrée à l’Université dans le prolongement des politiques menées depuis 40 ans en la matière.
Finalement, vous avez décidé d’instaurer un système de tri sélectif des lycéens pour faire face à l’afflux de nouveaux bacheliers.
Dans les filières en tension, un « non » pourra leur être opposé. Pour rappel, la quasi-totalité des filières à Paris sont en tension. Nous nous dirigeons donc vers une sélection généralisée dans certains territoires.
Pour les autres filières, un « non, sauf si » leur sera signifié si leur candidature ne correspond pas aux attendus cadrés nationalement. D’ailleurs, cette mesure met clairement fin au baccalauréat comme diplôme d’accès à l’enseignement supérieur.
On commence donc par considérer que le bac n’est plus suffisant pour continuer ses études. Demain, c’est son caractère national qui sera attaqué par la réforme que M. Blanquer nous prépare.
Après un code du travail par entreprise, ce sera désormais un bac par lycée.
Une fois encore, ce sont les catégories défavorisées qui vont être le plus touchées :
- les familles non « expertes » ne choisiront pas la bonne option, le bon collège ou le bon lycée.
- Elles ne sauront pas présenter un dossier de candidature ou rédiger la lettre de motivation adaptée.
Et Les enfants de ces catégories font partie des 50% d’étudiants obligés de travailler pour financer leurs études. Pour eux, une année ou du temps d’accompagnement supplémentaires ne sont pas tenables financièrement.
A ceux-là, votre loi réserve une voie de garage universitaire : l’arrêt choisi en licence ou l’arrêt forcé en master sélectif.
Mais il semblerait que le vernis de votre réforme commence à craquer, les moyens pour l’accompagner étant largement insuffisants, comme prévu.
J’en veux pour preuve les votes :
– Ceux du CEVU de l’université Paul-Valéry de Montpellier 3 qui refuse de mettre en place la réforme de l’accès à l’université sans un investissement massif.
– de l’AG de l’UFR d’histoire de Paris 1 qui refuse de faire remonter ses attendus.
– du conseil de l’UFR Sciences de l’Université Aix-Marseille qui vous demande de sursoir à la mise en œuvre de ce plan jugé précipité.
– de l’AG des personnels et étudiants de l’Université de Bourgogne qui ne voient pas comment proposer des dispositifs d’accompagnement alors qu’ils ont perdu 40 000 heures d’enseignement.
– enfin de l’Université Jean Jaurès de Toulouse qui a mobilisé plus de 700 personnes désormais en grèves contre le projet de fusion de leurs établissements. Une fusion dictée par la recherche perpétuelle d’économies.
J’en veux pour preuve également les nombreux retours d’enseignants du secondaire qui refusent d’être les acteurs de l’orientation sélective. Ils refusent en effet ce travail d’orientation, normalement effectué par les psychologues de l’Education nationale et les CIO.
Venons-en aux attendus. De nombreux ont déjà été publiés : certains sont pour le moins rocambolesques. A titre d’exemple, pour les sciences de la Santé seront demandées les qualités suivantes : empathie, bienveillance et écoute. Ce n’est malheureusement pas une matière encore enseignée au lycée !
D’autres demandent, par exemple, la connaissance d’une langue sanctionnée par un examen coûtant plusieurs centaines d’euros et délivré par des organismes privés.
N’est-ce pas mettre en concurrence ceux qui ont les moyens et ceux qui ne les ont pas ?
Comprenons-nous bien : être contre la sélection, ce n’est pas être pour le tirage au sort ou pour l’échec, comme le rapporteur ne cesse de le laisser penser.
Nous avons besoin que tous les jeunes, dans toute leur diversité, accèdent à l’enseignement supérieur.
C’est pourquoi nous sommes pour la généralisation des dispositifs d’accompagnement.
Mais nous sommes surtout pour que ceux-ci ne conditionnent pas l’entrée à l’Université et qu’ils soient libres d’être suivis ou non par le lycéen.
Car quand on est en âge de voter, de travailler, et de payer ses impôts, on est capable de choisir ce qui est le plus adapté à sa situation familiale, professionnelle ou associative.
Ainsi, notre groupe votera contre ce texte : contre sa faisabilité et contre sa philosophie.
Pour finir, les jeunes sont aujourd’hui en pleine révision. Mais demain, nous nous ferons fort de leur rappeler l’avenir que vous leur préparez.