Communiqué de l’intergroupe NUPES.
L’intergroupe de la NUPES, comme il s’y était engagé vendredi dernier, dépose ce lundi 27 juin une proposition de loi constitutionnelle visant à protéger le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse.
Cette proposition a été adressée pour cosignature à l’ensemble des député•es de l’Assemblée nationale à l’exception de ceux du Rassemblement national.
Il appartient désormais au bureau de l’Assemblée nationale de l’inscrire à l’ordre du jour des travaux parlementaires. Au vu des récentes déclarations de la présidente du groupe LREM, nous ne doutons pas qu’une suite favorable y sera donnée.
Mathilde Panot, Présidente du groupe LFI,
Boris Vallaud, Président du groupe Socialistes et apparentés,
Julien Bayou et Cyrielle Chatelain, Coprésident•es du groupe écologiste
André Chassaigne, Président du groupe GDR
Retrouvez ci-dessous le texte déposé par l’intergroupe de la Nupes
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
visant à protéger le droit fondamental
à l’interruption volontaire de grossesse
présentée par Mesdames et Messieurs
Mathilde PANOT, Boris VALLAUD, Cyrielle CHATELAIN, André
CHASSAIGNE, Julien BAYOU,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs
« Rien n’est jamais définitivement acquis. Il suffira d’une crise politique,
économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question.
Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes. »
Simone de Beauvoir
Le vendredi 24 juin dernier, la Cour suprême des États-Unis est revenue sur sa
jurisprudence Roe vs. Wade datant de 1973, qui avait fixé le cadre légal de
l’avortement. Dans la foulée, 9 États américains ont voté pour l’interdiction totale
du recours à l’interruption volontaire de grossesse et d’autres États s’apprêtent à
les rejoindre.
Cette décision enterre près d’un demi-siècle de droit à l’avortement aux États-
Unis, et mettra en péril la vie de millions de femmes, en particulier celle des plus
pauvres et issues des minorités. Cette régression terrible démontre qu’en matière
de droit des femmes à disposer de leur corps, rien n’est jamais acquis.
En France comme partout en Europe, on observe depuis plusieurs années des
velléités de revenir sur ce droit fondamental, à la faveur de la montée de
l’extrême-droite, à travers des manifestations anti-IVG ou des actions chocs de
courants extrémistes.
Dans ce contexte d’offensive réactionnaire, nous souhaitons porter ce texte
commun, visant à protéger le droit fondamental à l’interruption volontaire de
grossesse (IVG), en l’inscrivant dans notre Constitution et en empêchant
quiconque d’entraver l’exercice de ce droit fondamental.
Un droit conquis de haute lutte
Le droit à l’interruption volontaire de grossesse a été conquis de haute lutte en
France. Ainsi, en France, en 1920, une loi interdisait « toute propagande
anticonceptionnelle ou contre la natalité », et privait, y compris les médecins, de
donner aux femmes des conseils en matière de contraception. En 1942,
l’avortement était considéré comme un « crime contre l’État », puni de la peine
de mort.
Ces lois funestes n’ont jamais empêché les femmes d’avorter. Elles en ont
simplement rendu les conditions inhumaines. Les femmes ingurgitaient de l’eau
oxygénée, du détergent, du vinaigre, s’introduisaient dans l’utérus une aiguille à
tricoter, un épi de blé, une brosse à dents, de l’eau savonneuse. Seules celles qui
en avaient les moyens partaient à l’étranger.
Le débat public a considérablement avancé en 1971, grâce au manifeste des « 343
». Accompagnées d’associations comme le Planning familial, des militantes
féministes ont déferlé dans les rues pour réclamer ce droit. Ce n’est qu’en 1975
que la loi Veil a permis aux femmes d’enfin disposer librement de leur corps et
mis fin à des décennies de tabou, de répression, de départs à l’étranger, de
curetages à vifs, d’humiliations et de morts.
Mais rappelons que c’est seulement en 1979 que la légalisation de l’IVG
intervient définitivement. L’IVG est remboursé à partir de 1983. L’autorisation
parentale et l’allongement du délai sont adoptés en 2001. En 2016, il est pris en
charge à 100 % par l’Assurance maladie. En 2017, le délit d’entrave créé en 1993
est renforcé. Enfin, en 2022, le Parlement vote l’allongement du délai de recours
à l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse.
Un texte de progrès humain
Aujourd’hui, en France, près de 200 000 femmes ont recours chaque année à
l’IVG. Une femme sur trois en moyenne y a recours dans sa vie. Dans les
Outremers, le taux d’interruption volontaire de grossesse est encore plus élevé
– avec 25,2 pour mille – que dans l’hexagone, qui est à 13,9 pour mille. C’est un
acte médical qui fait partie de la vie des femmes.
Cependant, l’accès à l’avortement reste difficile comme l’attestent de nombreux
témoignages et des rapports officiels : délai pour obtenir un premier rendez-vous,
fermeture de 130 centres pratiquant les interruptions volontaires de grossesse en
dix ans lors de restructurations hospitalières, réseau insuffisamment structuré,
pénurie de praticiens en ville et à l’hôpital, manque de moyens dans les centres de
santé ou association (planning familial en tête). Le manque de moyens entrave
l’accès à ce droit. L’avortement est un droit qui doit être respecté. Il en va de la
liberté des femmes à disposer de leur corps.
Par ailleurs, la réactivation constante de débats, propos, ou polémiques quand il
s’agit de la souveraineté des femmes sur leur corps prouvent qu’il reste du chemin
à parcourir. L’exemple américain donne à voir les possibles revirements tragiques
en matière de droits des femmes. Nous défendons ainsi l’inscription du droit à
l’avortement dans la Constitution afin de nous prémunir contre toute tentative
d’entrave à ce droit fondamental.
Il s’agit d’une proposition de loi de progrès humain, qui acte une rupture dans la
longue histoire du contrôle sur le corps des femmes. L’avortement renvoie chaque
femme à sa propre et libre appréciation personnelle quand les circonstances d’un
tel choix se présentent. Nul ne peut entraver ce choix, et pour garantir cette liberté
dans le long-terme, il est de notre devoir qu’elle puisse figurer dans notre texte
suprême.
Avec la présente proposition de loi constitutionnelle, qui reprend le texte déposé
par le député Luc Carvounas en juillet 2019, nous proposons donc de consacrer le
droit fondamental à l’IVG dans notre Constitution et de le protéger juridiquement
en empêchant toute entrave à sa mise en oeuvre.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique
Le titre VIII de la Constitution est complété par un article 66-2 ainsi rédigé :
« Art. 66-2. – Nul ne peut entraver le droit fondamental à l’interruption volontaire
de grossesse.
La Nation garantit à toute personne l’accès effectif à ce droit. »