Le dimanche 15 octobre, M. Macron était l’invité de TF1 pour son premier grand oral depuis son élection. Le président voulait expliquer et convaincre du bienfait de sa politique. Las. Pendant plus d’une heure, le chef de l’État a été tenu de se justifier sans convaincre, que ce soit sur ses propos à l’encontre des classes populaires et de ceux qui luttent et travaillent pour vivre, sur sa politique fiscale au bénéfice des plus riches ou sur la place de la France sur la scène internationale. Sans convaincre car, une semaine plus tard, non seulement le Président continue à s’affaiblir dans l’opinion mais le doute s’est aussi insinué jusque chez les acteurs les plus bienveillants et conciliants à son endroit.
La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) votée vendredi, qui faisait suite au à l’adoption de la flat-tax adoptée la veille, a enfoncé le clou pour révéler au grand nombre l’objet de sa politique. L’injustice de la mesure n’avait d’égal que son inefficacité évidente. Les « premiers de cordée » envoient tout le monde au précipice. La politique du fier à bras sur les ordonnances a oublié que la solidarité nationale par l’impôt fonde le peuple non pas simplement par un contrat civique mais aussi par un contrat social. Dès lors, la popularité de M. Macron ne pouvait que poursuivre sa baisse comme le confirme le dernier baromètre Ifop publié ce dimanche. Le succès d’audience (10 millions de téléspectateurs) de son émission télévisée était un trompe l’œil : si sa parole reste écoutée, elle n’est déjà plus entendue.
Mais cela va désormais au-delà de l’imaginaire populaire. M. Macron, par sa politique et ses pratiques, s’attire désormais aussi la réprobation de ses prédécesseurs Hollande et Sarkozy qui jusqu’ici faisaient preuve d’une grande complaisance à son égard. Alors que le premier s’interrogeait sur la justice de la politique fiscale de son successeur, ce dernier restait dans le registre de l’invective qualifiant l’ancien président de « zygoto ». Quand à Nicolas Sarkozy, à qui il faut reconnaître qu’il sait à quoi s’en tenir pour ce qui est de brutaliser la volonté populaire, il prédisait samedi que « ça va très mal finir ».
Sur la scène européenne, ce sont les incantations présidentielles qui font désormais figure de corde du pistolet à bouchon que brandit M. Macron. Que ce soit sur le glyphosate ou sur la taxation des Gafa, celui-là parle fort mais est incapable de forcer la décision ou de susciter l’entraînement derrière lui. Les plus amènes à Bruxelles qualifient son expérience de « courbe d’apprentissage », les réalistes, tel ce proche de la chancelière allemande, considèrent que Mme Merkel est en train de « commencer à le ramener gentiment sur le chemin ». Le doute fait place à la condescendance.
Dans ce contexte, c’est jusqu’au cœur de son propre camp que le doute s’est installé. Dimanche, une cinquantaine de députés LREM demandaient, à la bonne heure, l’interdiction du glyphosate que le gouvernement espère au mieux faire interdire sur la durée du quinquennat. Il est des trains qui n’arrivent à l’heure ni de la santé publique ni de l’intérêt général. Dans la même veine mais sur un sujet différent, un député LREM n’excluait pas de voter contre le CETA dont M. Macron devrait annoncer dans la semaine comment, quand et par qui il entend le faire ratifier alors même qu’il s’applique déjà à 90% depuis le 21 septembre et sa ratification par… le Parlement européen.
Ces doutes, qui touchent désormais jusqu’au premier cercle de la macronie, transforment l’exercice du pouvoir. Car « quand le doute se glisse dans l’âme, l’enthousiasme se convertit en affliction » disait l’écrivain et philosophe suisse Henri-Frédéric Amiel. Là où le chef de l’État voulait s’appuyer sur le mythe bonapartiste d’une énergie invincible du pouvoir pour continuer à accélérer et espérer de la sorte braver la volonté populaire, c’est bien sa politique qui afflige maintenant jusque dans son propre camp.
François Cocq