Un article du groupe thématique International de La France insoumise
Le 24 octobre, l’Organisation des Nations unies (ONU) a fêté le 75ème anniversaire de son institution intervenue le 24 octobre 1945 après la ratification de sa Charte fondatrice par 50 États.
Jour férié international depuis 1971, cette journée est l’occasion « pour les peuples de réaffirmer leur foi dans les buts et les principes de la Charte » selon la résolution 2782(XXVI) de l’Assemblée générale de l’ONU. À l’article premier de ce texte fondateur figurent ainsi les buts de l’organisation : « maintenir la paix et la sécurité internationales », « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes », « réaliser la coopération internationale […] en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales » ou encore « être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes ».
Les Nations unies, clef de voûte d’un système de sécurité collective menacé, dans un contexte de « guerre mondiale par morceaux »
L’organisation et ses institutions sont plus que menacées depuis des années. Cette situation s’est aggravée cette année, alors même que la pandémie rehaussait leur nécessité. Les réponses à cette dernière ont pour l’heure approfondi l’affaiblissement de la galaxie onusienne. Accusant l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’être responsable, avec la Chine, de la pandémie, le président états-unien Donald Trump a suspendu la contribution des États-Unis – 15 % du budget de l’organisation – à cette institution onusienne. Sous la pression des États-Unis, le budget des Casques bleus avait lui été réduit de 7,2 % en 2017, soit environ 600 millions de dollars états-uniens en moins, baisse par ailleurs soutenue par l’Union européenne. Au-delà des contributions budgétaires, les États-Unis, en désaccord avec les prises de position de l’UNESCO sur la création d’un État palestinien, s’en sont retirés en 2018 pour être reclassés comme « observateur ».
« Ami » du Président Trump, Emmanuel Macron ne sera pas allé à contre-sens de sa politique anti-onusienne, en dépit des déclarations visant à faire croire le contraire. S’il estime que « le multilatéralisme traverse […] une crise majeure » en raison de la politique étrangère états-unienne, il n’aura pas mis en œuvre les conditions d’un réinvestissement efficace et d’une (re)légitimation de l’ONU, seule organisation universelle en matière de sécurité collective. Il n’aura fait que disserter sur un multilatéralisme dans les faits réduit à la « famille occidentale » et au cadre atlantiste, ou sur une « souveraineté européenne » évanescente, puisque l’Union Européenne est écartelée par des visions et des intérêts géopolitiques contradictoires ruinant toute prétention à peser sur le plan géopolitique, sans qu’Emmanuel Macron en tire les conclusions stratégiques.
Dans un contexte d’aggravation du caractère autoritaire du (néo)libéralisme, l’absence de mise en œuvre d’une politique indépendante, qui donnerait un surcroît de poids à la parole de la France au sein de l’ONU, se double en France d’entorses aux principes même posés par les Nations unies. Devant la violence de la répression envers le mouvement des Gilets jaunes, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, a réclamé en 2019 une « enquête approfondie sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force ». De même, la CGT et FO ont déposé plainte devant l’Organisation Internationale du Travail (OIT, agence de l’ONU) en janvier 2017. La plainte, toujours en examen, vise la loi Travail portée par Myriam El Khomri et soutenue par Emmanuel Macron, qui viole selon les plaignants des conventions internationales, en particulier celles relatives à liberté syndicale, au droit à la négociation collective et au licenciement.
Cette mise à mal des Nations unies intervient pourtant dans un contexte marqué par des tensions internationales telles que le pape a pu parler de « guerre mondiale par morceaux », qui serait susceptible de se généraliser sous l’effet de trois dynamiques. La première renvoie ainsi à la paralysie du système universel de sécurité collective pré-décrite. L’illégalité internationale tend à devenir la norme, et les résolutions de l’ONU n’atténuent plus les tensions entre les États. S’ajoute la crise structurelle d’un capitalisme qui, comme le rappelait déjà Jean Jaurès, « porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ». La compétition néolibérale généralisée exacerbe les tensions entre et à l’intérieur des nations. Enfin, la crise écologique, marquée notamment par le dérèglement climatique, la destruction des sols et l’effondrement de la biodiversité, démultiplie les facteurs belligènes supplémentaires.
Un nécessaire réinvestissement du cadre onusien
Seule institution globale légitime pour la sécurité collective et la promotion d’un monde ordonné, puisque seul cadre incluant la quasi-totalité des États du monde et reconnaissant leur égalité mutuelle, l’ONU doit être préservée et renforcée. La France peut et doit, à son niveau, œuvrer à cette tâche au lieu de s’enfermer dans des alliances dépassées comme l’OTAN ou des arènes de décision parallèles, comme le G7 ou du G20, dont le prochain sommet virtuel sera organisé les 21 et 22 novembre par… l’Arabie saoudite. De même, la France peut par exemple, par l’apport de moyens à la formation d’une force militaire permanente et par sa participation au Comité d’état-major, rehausser son investissement militaire dans l’ONU. Nation universaliste, il est impératif que la France refuse toute intervention militaire sans mandat onusien. Alors qu’il est possible, selon le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, que « le monde entier se trouve à nouveau pris en otage, sous la menace de l’annihilation nucléaire », elle doit également contribuer davantage aux processus multilatéraux de désarmement nucléaire et conventionnel.
Au-delà du champ militaire, La France insoumise propose que la France s’investisse davantage économiquement, socialement et écologiquement dans l’ordre international onusien. Elle propose, à titre d’exemple, l’instauration d’un protectionnisme solidaire, d’un cadre multilatéral de règlement de la question de la dette et la construction de coopérations altermondialistes et internationalistes qui contribueraient durablement à la paix, dans la continuité de l’OIT créée après la Première Guerre mondiale pour « poursuivre une vision basée sur le principe qu’il ne saurait y avoir une paix universelle et durable sans un traitement décent des travailleurs ». La France doit à court terme combattre le néolibéralisme au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce – pensée après la Seconde Guerre mondiale pour encadrer et réglementer le échanges de biens et de services, et non pour promouvoir une libéralisation effrénée et absurde des échanges. Dans le même temps, elle doit renforcer son investissement dans la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), organe le plus légitime pour organiser le commerce mondial en fonction de l’intérêt général des peuples et non en fonction des intérêts particuliers des oligarchies nationales s’entendant entre elles. Il est également impératif que le respect des règles fondamentales de l’OIT soit intégré dans les accords commerciaux, et que la France soutienne l’adoption à l’ONU d’un cadre réglementaire contraignant les multinationales à respecter un socle de normes sociales et environnementales. Il serait, enfin, salutaire que la France soit à l’origine de la création d’un crime international d’écocide, jugé par un tribunal international de justice écologique ou dans le cadre de la Cour pénale internationale – organe de l’ONU –, et de la création d’un tribunal international de justice économique pour juger les infractions financières internationales.
Cette liste non exhaustive entend rappeler un point essentiel : les références permanentes à l’ONU dans la diplomatie française ne doivent plus être de simples éléments de communication. Pour avoir quelque portée, elles doivent s’inscrire dans une vision stratégique cohérente articulant les mots et les actes.