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Quel avenir pour l’enseigne Conforama France ?

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[ Question écrite ]
Michel LARIVE a attiré l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur la situation que traverse l’enseigne Conforama France, qui exploite plus de 200 magasins et emploie environ 9000 salariés dans l’hexagone.

La direction a annoncé début juillet son intention de fermer 32 sites Conforama ainsi que les 10 magasins Maison Dépôt, et de supprimer 1900 emplois, soit 1/5e de ses effectifs. Cette décision s’inscrit dans le cadre d’un plan de refinancement de 316 millions d’euros négocié par l’enseigne et sa maison-mère, le groupe Steinhoff International, avec leurs créanciers. En effet, Conforama se trouve en grande difficulté financière depuis décembre 2017, comme cela avait été révélé dès le début de l’année 2018 par le journal Challenge. L’enseigne a été placée sous mandat ad-hoc le 12 décembre 2017, et le Comité Interministériel de Restructuration Industrielle a été saisi de l’affaire.

Le constat est que depuis son rachat par le groupe Steinhoff International en 2011, Conforama France enregistre chaque année des pertes d’exploitation de plusieurs dizaines de millions d’euros,alors qu’auparavant l’enseigne affichait des bénéfices comparables à ceux d’autres entreprises de vente aux détails de meubles et d’équipements domestique. La presse, relayant les informations données par la direction et les « analyses d’experts », justifie le plan social annoncé par l’accumulation de ces pertes d’exploitation, la baisse des parts de marché de l’entreprise, son incapacité à opérer le grand virage du numérique, ou encore la crise des gilets jaunes. Pourtant les comptes de résultats disponibles indiquent que les pertes enregistrées tendaient à diminuer depuis 2013, passant de -77 millions d’euros à -24 millions en 2018. En 2016, Conforama France avait encore 16,1 % de part de marché, 3 points derrière Ikea certes, mais tout de même 3 points devant But et loin devant les autres enseignes similaires. Concernant le développement fulgurant du commerce en ligne, le député rappelle que toutes les enseignes sont concernées et doivent s’adapter. Et si Conforama se trouve en effet distancée dans ce domaine de quelques points par son concurrent But, l’enseigne surpassait très largement le géant du meuble Ikéa sur ce marché en 2016. Par ailleurs son Directeur Général Délégué Digital & Client, Romain Roulleau, déclarait encore dans un communiqué de presse du 18 juin dernier, que Conforama était le « n°1 de l’équipement de la maison sur le Web en France ». L’enseigne affiche donc une certaine confiance dans sa capacité à développer ses ventes en lignes, en dépit du fait qu’elle ait été contrainte par sa maison mère à brader moitié prix les parts qu’elle détenait dans Showroomprivé, le leaders européens du commerce en ligne, ce qui sans doute ne lui facilitera pas la tâche. Quant au fait d’accuser les gilets jaunes d’être responsables des pertes enregistrées par Conforama, cela est tellement ridicule qu’il est inutile de le commenter ici.

Le député Michel Larive souhaiterait bien plutôt attirer l’attention de M. le Ministre sur le fait que les difficultés que rencontre l’enseigne Conforama sont directement liées à la quasi-faillite du groupe Steinhoff International. Le placement sous mandat ad hoc de Conforama France a été décidé 8 jours seulement après que l’ancien Directeur Général de Steinhoff ait démissionné et que le Conseil de Surveillance du groupe ait annoncé l’ouverture d’une enquête interne au sujet d’une importante fraude comptable. Dès le lendemain de cette annonce, le cours des actions Steinhoff s’est littéralement effondré, entraînant l’évaporation de plus de 12 milliards d’euros de capitalisation boursière. La dette globale du groupe s’élevait le 19 décembre 2017 à 10,1 milliards d’euros, dont 8,5 milliards concentrés en Europe. Steinhoff Europe AG, qui détient l’enseigne Conforama, totalisait à elle seule 4,769 milliards d’euros de dette. Le montant des transactions irrégulières qui ont artificiellement gonflé la valeur des actifs du groupe a depuis été évalué à 6,5 milliards d’euros. 
Depuis décembre 2017, le groupe Steinhoff a commencé à vendre au rabais un grand nombre de ses actifs partout dans le monde, afin de retrouver un peu de liquidités et de rembourser ses créanciers. Mais malgré tout la dette s’élève encore aujourd’hui à environ 9 milliards d’euros, et le capital de l’entreprise ne pèse plus que 500 millions d’euros. Toutes les marques du groupe font face à une crise de liquidités sans précédent, tandis que les créanciers continuent à mettre la pression pour récupérer leurs fonds. Selon certaines informations,dès le début de l’année 2018, Steinhoff International envisageait déjà sérieusement de se séparer de Conforama pour 600 à 700 millions d’euros.

Le rapport du cabinet PwC divulgué en mars dernier, et présenté devant le parlement Sud-Africain par Louis du Preez, le nouveau directeur général, ainsi que les différentes enquêtes menées depuis, comme celle d’amaBhungane et Financial Mail, en partie basée sur les Panama Papers, permettraient d’identifier les responsables de cette situation. Les responsables présumés des opérations frauduleuses susmentionnées sont Markus Jooste, ex-Directeur Général de Steinhoff, et désigné comme le cerveau des opérations, Ben La Grange, l’ancien directeur financier du groupe, Malcom King, un magnat de l’immobilier basé au Royaume-Unis, Georges Alan Evans, un « conseiller en affaire » bien connu des autorités financières de Jersey, mais aussi Stehan Grobler, Dirk Schreiber, Siegmar Schmidt, Jean-Noel Pasquier. Même le fondateur de la Holding, Bruno Steinhoff, son frère Norbert, et sa fille Angela Krüger-Steinhoff, qui est encore aujourd’hui membre du directoire du groupe Steinhoff, sont eux aussi soupçonnés par certains journalistes d’avoir bénéficié au moins partiellement des opérations frauduleuses orchestrées par M. Jooste. 
L’affaire Steinhoff peut faire penser à celle de la Compagnie Boussac Saint-Frères (CBSF) des frères Willot, qui avaient laissé une ardoise de 3,6 milliards de francs (soit l’équivalent d’environ 1,36 milliards d’euros aujourd’hui). Dans les années 80, la restructuration de la CBSF s’était soldée par la destruction d’une partie importante de l’industrie textile française. Les effectifs de la compagnie étaient passé de 28.000 salariés en 1979 à 8.700 en 1988, malgré près d’un milliards de francs d’aides publiques, versées à l’époque pour aider Monsieur Bernard Arnault à « sauver le groupe », dans le cadre de son « Plan Férinel ». Les « frères Dalton », comme ils étaient surnommés à l’époque, avaient écopés d’un peu moins de 10 millions de francs d’amendes cumulées et de seulement un an de prison ferme, pour l’un d’entre eux. En ce qui concerne les responsables de l’affaire Steinhoff, une partie d’entre eux sont déjà poursuivis pour certains faits en Allemagne et maintenant en Afrique du Sud.

A l’aune des éléments exposés ci-dessus, M. Larive demande à M. le Ministre quels commentaires il peut faire au sujet de l’affaire Steinhoff et s’il a l’intention d’engager des poursuites judiciaires contre les responsables présumés de la quasi-faillite du groupe, compte-tenu des répercussions dramatiques de cette affaire sur la santé financières des 40 enseignes de Steinhoff, ses 12.000 magasins et ses 130.000 employés répartis dans 30 pays. Par ailleurs, il lui demande s’il compte proposer un nouveau « Plan Férinel » pour sauver l’enseigne Conforama, et comment il va s’y prendre pour faire en sorte que le ou les repreneurs respectent les engagements qu’ils auront pris en échange des aides publiques qui leur seront allouées.

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