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La 5G ne doit pas être le prétexte de reculs du service public

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Le 18 juillet 2019, Bastien Lachaud a pris la parole dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi portant sur le contrôle préalable des opérateurs de la technologie 5G. Il a expliqué qu’il fallait faire ce contrôle, mais qu’il ne faut pas être naïf dans la guerre que mène Trump à la Chine vis-à-vis de cette technologie.

La France ne doit pas s’inscrire dans cette politique d’agression, se prémunir contre les risques d’espionnage, d’où qu’ils proviennent, et notamment des Etats-Unis qui ont massivement espionné les citoyen·nes européen·nes. Il a aussi rappelé que la réduction fracture numérique ne doit pas être l’occasion du recul des services publics physiques et en guichet. Il a montré que ces technologies ne doivent pas être développées pour elles-mêmes, ni dans un objectif brut de croissance, ni pour développer des gadgets aussi couteux écologiquement qu’inutiles, et qui demanderont énormément d’électricité pour fonctionner.

Lire le texte intégral :

Cette proposition de loi vise à réguler l’exploitation de réseaux 5G en passant par une autorisation préalable du premier ministre. Le groupe de la France insoumise est favorable à un tel contrôle, car il ne faut pas laisser s’installer de telles technologies, qui auront un tel impact sur la société, sans pouvoir les contrôler. Je me réjouis de cette entorse au principe de concurrence libre et non faussée. En effet, les risques de cyberespionnage sont grands, d’autant plus que vont se développer des technologies corollaires à la 5G dans les usages des objets connectés.

Mais il faut aborder ce texte sans naïveté, car il n’est pas question de laisser penser que par-là, la France s’alignerait sur la position agressive de Donald Trump vis-à-vis de la Chine, et notamment de l’opérateur Huawei. Les risques d’espionnage de la Chine sont réels, mais je rappelle que les Etats-Unis ont déjà, et c’est un fait parfaitement avéré, espionné massivement nos concitoyens, et même nos ambassades, nos gouvernements, et 3 de nos chefs d’Etat au moins. Nous devons nous prémunir contre le cyberespionnage d’où qu’il vienne.

Mais il faut redire pourquoi nous en sommes arrivés là, contraints de dépendre de technologies étrangères pour le développement des nouveaux outils : parce que nous avons laissé le géant Alcatel se faire dépeçer, par pure idéologie libérale. Maintenant nous n’avons plus d’entreprise française capable de construire ces technologies. C’est une faillite coupable pour notre souveraineté et notre capacité à décider, à maîtriser les outils. Depuis le rachat d’Alcatel par Nokia, plus de 1200 postes ont été supprimés, en janvier 2019 c’est le 3e plan de suppression d’emploi annoncé.

Les engagements pris au moment de la vente n’ont pas été respectés, comme pour Alstom, alors que l’entreprise touche 75 millions d’€uros d’argent public par an, en crédit d’impôt recherche.

Mais au-delà de ça, ce texte oublie d’autres enjeux essentiels si on veut parler de technologie 5G. La question de ces réseaux ne peut se réduire à des enjeux technologiques de couverture du territoire en réseau internet. Oui, la question de la fracture numérique doit être traitée, mais ce n’est pas en mettant en place un nouveau réseau ultrarapide que cela permettra de désenclaver celles et ceux qui n’ont déjà pas accès aux outils internet : trop complexes, trop chers, inaccessibles dans les zones oubliées.

Et la résolution de cette fracture ne doit pas être le prétexte de reculs du service public, dématérialisé, sans guichet ni personne physique à qui parler, renvoyé à un obscur site internet où les cas particuliers ne peuvent pas être traités.

Le texte n’aborde pas non plus la question écologique, et Mme Pannier-Runacher dans les Echos du 15 juillet a expliqué que l’objectif du gouvernement est, je cite « in fine, c’est de la croissance en plus. »

Une telle perspective est dangereuse, car elle n’est pas écologiquement soutenable. Nous ne voulons pas le développement à l’infini de gadgets aussi coûteux qu’inutiles, non recyclables, visant à tout connecter avec tout. Ces outils consomment des terres rares pour être fabriqués, dans des condition d’extractions souvent condamnables. Ces objets nécessitent beaucoup d’électricité pour fonctionner, non seulement les objets dont les batteries doivent en permanence être rechargées, mais aussi les serveurs, et les antennes. La planète tout entière va être exposée aux rayonnements de radiofréquences de façon accrue, sans que nous n’ayons de véritable recul sur les conséquences que la pollution électromagnétique pourrait avoir sur le vivant.

L’accroissement net des échanges de données pose en outre une sérieuse question de protection des données personnelles et protection de la vie privée. Combien vont se lancer sans crainte ni paramétrage complexe dans l’utilisation de ces nouveaux outils, avant de se rendre compte qu’ils ont aussi servi à renseigner de puissants intérêts privés sur leurs habitudes, leurs goûts, leurs préférences, et qui en tireront des profits lucratifs en vendant de la publicité.

Enfin, la 5G va participer au développement de l’addiction aux écrans, mal moderne qui est censé nous relier, et en fait enferme chacun dans un monde numérique, incapable d’apprécier le monde extérieur réel. Nous nous orientons vers un modèle de société où le réfrigérateur fera lui-même la liste de courses, mais nous serons bientôt incapables de faire nous-mêmes des tâches simples, que les ordinateurs et autres objets connectés feront à notre place. Et en cas de panne, de baisse de capacité électrique, nous serons perdus.

 

Aussi il est une bonne chose de chercher à contrôler l’installation de cette technologie, mais ce texte ne va clairement pas assez loin en se limitant à une autorisation préalable. C’est tout notre modèle de société que nous devons repenser, sinon l’urgence écologique le repensera pour nous.

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