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Question écrite sur les antibiorésistance dans l’élevage

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Le 22 novembre 2018, Bastien Lachaud posait une question écrite à Madame Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, sur les antibiorésistances. Cette pratique massive de l’antibiotique n’est pas assez contrôlé en France, alors qu’elle est une priorité pour l’OMS. Bastien Lachaud interroge donc la ministre afin de savoir quelles mesures elle entend prendre afin de régulier cette pratique, et d’engager l’agriculture vers un modèle respectueux des animaux. Plus l’industrie utilise des antibiotiques, moins ils sont efficaces.

Voir les textes de la question et de la réponse.

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur l’utilisation des antibiotiques dans l’agriculture industrielle et ses conséquences sur le développement de l’antibiorésistance. Ce phénomène est en effet une des plus graves menaces sur la santé humaine. L’Organisation mondiale de la santé la considère comme une de ses priorités. En France, la prise de conscience progresse depuis le début des années 2000. En 2016, une feuille de route interministérielle a été adoptée à ce sujet. Les services du ministère de la santé en tirent un bilan flatteur dans leurs réponses aux questions déjà posées à Mme la ministre sur ce sujet : l’exposition globale des animaux aux antibiotiques aurait diminué de 36,6 %. En revanche, aucune information de détail n’est fournie quant à la dangerosité des pratiques qui ont eu et ont encore cours. Les mesures prises dans les filières, notamment avicoles et porcines qui sont les deux plus importantes utilisatrices, ne sont pas précisément évoquées. Pourtant, l’agriculture industrielle représente le premier facteur de développement de l’antibiorésistance du fait de la diffusion de produits alimentaires portant des traces d’antibiotiques mais aussi du fait de la pollution environnementale qui découle de ce mode de production qui nuit si gravement à la condition animale. C’est pourquoi il souhaite connaître les données dont il dispose pour juger de l’évolution des pratiques et s’il entend enfin promouvoir un modèle d’agriculture paysanne, le seul à même de ne pas dépendre entièrement de la souffrance et du traitement médicamenteux massif des animaux.

 

Réponse du ministère :

L’antibiorésistance est aujourd’hui une des plus grandes menaces mondiales qui pèse sur la santé publique. Il s’agit d’un phénomène très ancien (des bactéries résistantes ont été retrouvées dans le permafrost ou chez des peuples n’ayant jamais eu de contact avec le monde industrialisé), qui a été accéléré de manière exponentielle depuis la découverte des antibiotiques au milieu du xxème siècle, et leur utilisation massive en médecines humaine, animale et en agriculture. La mondialisation et les déplacements d’humains, d’animaux et de denrées alimentaires d’origine animale contribuent à la large diffusion des résistances. Il s’agit donc d’un phénomène très complexe et multifactoriel. C’est pour toutes ces raisons que l’ensemble des organisations internationales (OMS, OIE, FAO, OCDE, etc.), l’Union européenne (UE) et les gouvernements nationaux sont mobilisés fortement. L’action de la France en matière de lutte contre l’antibiorésistance se fait donc en accord avec les lignes directrices et les recommandations établies par les experts internationaux pour ces organisations. L’antibiorésistance menace non seulement la santé humaine, mais également la santé des animaux et celle des écosystèmes. La réponse de la France face à cette menace inédite suit donc le concept « une seule santé » : le plan d’action national contre l’antibiorésistance est mené de manière interministérielle et piloté par le ministère chargé de la santé. Les actions du domaine de la santé animale de cette feuille de route sont pilotées par le ministère chargé de l’agriculture, et sont regroupées dans le plan Ecoantibio. Le premier plan Ecoantibio (2012-2016) a permis de dépasser les objectifs initiaux de réduction d’exposition des animaux aux antibiotiques.

En 2017, le tonnage d’antibiotiques utilisés chez les animaux (animaux domestiques inclus) a diminué de 45,2 % par rapport à 2011. L’exposition des animaux aux antibiotiques a quant à elle diminué de 38,9 % depuis 2011. Mais Ecoantibio va bien au-delà de simples chiffres : il a permis d’entraîner l’ensemble des acteurs de la santé animale dans un cercle vertueux et d’améliorer les pratiques d’élevage. Afin de poursuivre ces efforts, Ecoantibio2 a été lancé en 2017. Les trois espèces de rente élevées hors sol les plus exposées aux antibiotiques sont, dans l’ordre décroissant, les lapins, les volailles, puis les porcs. Ce sont aussi les productions animales ayant produit l’effort le plus important de réduction d’usage des antibiotiques. Ces filières avaient d’ailleurs initié leurs efforts avant le premier plan Ecoantibio, prenant des initiatives dans ce domaine. Ainsi, l’exposition des lapins aux antibiotiques en 2017 a diminué de 44,3 % par rapport à 2011, celle des volailles de 48,7 % et celle des porcs de 43,5 %. Certains types d’antibiotiques font l’objet d’une attention renforcée par les services du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Il s’agit des antibiotiques d’importance critique, comme les fluoroquinolones et les céphalosporines de troisième et quatrième génération, mais également de la colistine. Ces antibiotiques importants pour la santé humaine, mais autorisés en médecine vétérinaire car indispensables à la protection de la santé et du bien-être animal, doivent être utilisés de manière très précautionneuse. Afin de mettre un terme aux mauvaises pratiques d’élevage autour de ces antibiotiques d’importance critique, leur usage en prévention a été interdit en 2016. Un diagnostic précis doit désormais être établi avant toute prescription et délivrance de ces molécules à des animaux (décret du 16 mars 2016 et arrêté du 18 mars 2016). Le non-respect de ces dispositions légales est passible de 150 000 € d’amende et de deux ans d’emprisonnement.

L’effet de ces dispositions a été spectaculaire. L’exposition des porcs aux céphalosporines de troisième et quatrième génération en 2017 a diminué de 93,7 % par rapport à 2013. L’exposition des volailles aux fluroquinolones en 2017 a diminué de 50,3 % par rapport à 2013, et la diminution est de 93,9 % pour les porcs. Concernant la colistine, l’exposition des volailles en 2017 a diminué de 36,9 % par rapport aux années 2014-2015 et la diminution est de 60,3 % pour les porcs. Enfin, l’UE a interdit l’usage des antibiotiques comme facteurs de croissance depuis 2006, même si cet usage reste autorisé dans un certain nombre de pays en dehors de l’UE. La France défend fermement l’arrêt de cette pratique dans chaque négociation relative à la lutte contre l’antibiorésistance. Les services du ministère de l’agriculture et de l’alimentation ont également obtenu que soit inséré dans le futur règlement européen sur le médicament vétérinaire un article interdisant d’importer dans l’UE des denrées issues d’animaux ayant reçus des antibiotiques utilisés comme facteurs de croissance et/ou des antibiotiques devant être réservés à la médecine humaine. L’objectif est de protéger à la fois les consommateurs, mais également les éleveurs européens. Le plan Ecoantibio2 s’inscrit plus globalement dans la transition agro-écologique portée fermement par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation pour l’ensemble de notre agriculture. Il s’agit d’améliorer la performance environnementale et sanitaire des modèles de production tout en conservant leurs performances économique et sociale. L’avenir de l’agriculture française passera notamment par une réduction de l’ensemble des intrants utilisés.

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