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Le week end du 14, 15 et 16 juillet derniers je me suis rendu dans la Bande sahélo-saharienne (BSS) en tant que membre de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée. J’ai rendu une visite de trois jours aux soldats de l’opération Barkhane. C’est le nom de l’opération militaire en cours en BSS. En fait, nos soldats sont déployés au Mali mais les bases françaises de l’opération sont aussi dans les pays voisins : Niger, Tchad et Burkina Faso. J’y suis donc passé aussi. Autant dire qu’en 72 heures, je n’ai pas vraiment eu le temps de voir tout ce que j’aurais souhaité tant j’ai passé de temps en avion. J’ai tout de même touché du doigt les difficultés que rencontrent les populations civiles ainsi que celles auxquelles sont confronté.e.s les femmes et les hommes que nous envoyons là-bas.

Avant d’entrer dans le détail, je dois préciser qu’il a fallu insister pendant plusieurs mois auprès du ministère des armées avant de pouvoir organiser ce déplacement. À l’inverse, les militaires, quel que soit leur grade, ont fait preuve à mon égard de la parfaite courtoisie qu’ils montrent envers les représentant.e.s de la Nation. Nous avons passé ensemble des moments chaleureux : aussi bien la fête nationale à Niamey que la victoire des Bleus en coupe du monde. À chaque étape, ils m’ont expliqué leur tâche, les procédures qu’ils suivent, l’état du matériel qu’ils utilisent, leur moral…  Ils ont en outre veillé scrupuleusement sur ma sécurité. De tout cela, je veux les remercier sincèrement.

D’autant qu’ils sont engagés sur le terrain dans des conditions difficiles. J’ai eu l’occasion de constater qu’en comparaison avec les autres nations engagées, la France contraint ses militaires à un mode de vie encore très dur.

La situation sur place est extrêmement délicate et les causes du conflit sont si nombreuses et embrouillées qu’il est difficile de savoir laquelle est « la vraie ». Nos troupes ont été envoyées au Mali en juillet 2013 par François Hollande dans des conditions extrêmement discutables sur lesquelles Jean-Luc Mélenchon s’était prononcé à l’époque. L’objectif était d’empêcher la capitale, Bamako, située au Sud du pays, de tomber entre les mains d’assaillants venus du Nord. Cette première opération avait été baptisée Serval. Elle avait réussi et, si l’on peut dire, sauvé l’essentiel. En revanche, aucun problème de fond n’était réglé. En août 2014 la mission fut redimensionnée pour que nos soldats coopèrent avec les autorités maliennes, la mission de maintien de la paix dépêchée par l’ONU et les armées du G5 Sahel, un groupe de pays voisins que la destabilisation du Mali menace très directement.

Après toutes ces années, les jugements sont pour le moins mitigés. Aucun des problèmes de fond qui ont conduit le Mali au chaos n’ont été réglés. Le pays était et demeure l’un des plus pauvres au monde ; l’alphabétisation y est dramatiquement basse. Les dissensions entre Sud et Nord du pays n’ont pas cessé. Les mouvements indépendantistes des Touaregs, au Nord, sont divisés, en fonction de leurs relations avec les groupes djihadistes. Les trafics en tout genre, et notamment de drogues, sont un des rares moyens de subsistance de la population.

Ajoutons encore que la guerre de Libye a essaimé des armes dans toute la région. La corruption est galopante ; la sécheresse a sévi l’an dernier et jette les populations de bergers peuls dans des villes qui ne peuvent pas vraiment les accueillir ; les écoles ferment et sont remplacées des écoles wahabbites financées par l’Arabie saoudite ; les bandes djihadistes n’ont pas disparu, elles se répartissent maintenant sur un très vaste territoire plus ou moins désertiques et infectent même les pays voisins…

J’ai l’air de noircir le tableau à plaisir en faisant cette description. Pourtant, il n’en est rien. Les officiers que j’ai rencontrés sur place sont bien conscients que l’action militaire ne peut suffire. D’autant qu’une ou plusieurs armées étrangères ne peuvent palier l’absence d’un Etat reconnu comme leur par les habitant.e.s du pays. En outre les missions de nos soldats ne peuvent pas être indéfiniment diversifiées au point par exemple de devoir assumer des missions de police. D’autant moins que leur présence finit par être mal vécue par les Malien.ne.s. La tension ira en s’accroissant.

Pour faire face à tout cela, la stratégie d’Emmanuel Macron consiste à tout miser sur le G5 Sahel. Ce groupe est composé de forces venant du Tchad, de Mauritanie, du Burkina Faso, et du Niger. L’idée qui a présidé à sa création n’est pas forcément mauvaise : il fallait  autant que possible qu’une question africaine fût traitée par les Africains eux-mêmes. Les voisins du Mali n’ont effectivement pas intérêt à le voir devenir un nid de djihadistes. Toutefois, de nombreux problèmes rendent la coopération difficile et son action globalement inefficace. Tout d’abord, la disparité des forces rend le travail commun malaisé. À vrai dire, seule l’armée tchadienne est organisée à un niveau suffisant pour être réellement efficace. En outre, la situation politique interne des membres du G5 Sahel est très disparate. La démocratie est loin d’être bien représentée. Le message politique envoyé par un attelage de cette sorte est forcément brouillé. Le financement est un autre point noir. Les aides consenties par différents Etats pour permettre la stabilisation de la région ne parviennent pas. Pour certaines les conditions à remplir ne sont pas possibles à satisfaire à brève échéance. Sur place, on tire le diable par la queue. Il faut noter par ailleurs que l’un des importants bailleurs de fonds n’est autre que l’Arabie saoudite. Or le rôle de celle-ci dans la diffusion d’un islam extrêmement rigoriste n’est un mystère pour personne. Empêtré dans ce genre de contradictions, on voit mal comment le G5Sahel pourra parvenir à endiguer l’exploitation de la misère par le fanatisme.

Cet été a vu la réélection du président Ibrahim Boubacar Keïta dans des circonstances pénibles. La participation fut faible, la fraude avérée. Quasiment installé par la France voici désormais un président dont la capacité et la volonté de préserver l’unité du pays et de le mettre sur les rails du développement sont très incertaines.

Il est présomptueux de tirer des leçons définitives d’une visite de 3 jours. Toutefois, il est tout à fait clair que nous sommes aujourd’hui enlisés. Nos armées ont remporté des victoires tactiques mais ne pourront bien évidemment pas éradiquer les foyers djihadistes qui se déplacent, se scindent et se reconstituent en permanence, grâce à l’afflux de combattants étrangers sur une zone si vaste qu’elle est quasiment incontrôlable. Il faudra du temps, beaucoup de temps pour parvenir au bout du processus qui doit rendre aux Malien.ne.s les clés de leur avenir.

 
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