Question N° 8837 publiée au Journal Officiel le 05/06/2018 page : 4706
Madame Mathilde Panot souhaite alerter vivement M. le ministre de la transition écologique et solidaire sur le projet de raffinerie de biocarburants prévue par Total à La Mède et la politique générale de la France relative à la déforestation importée.
Avec l’élevage, les cultures de cultures agricoles et alimentaires, comme le soja ou l’huile de palme, se situent parmi les premières causes de la déforestation massive des forêts tropicales, si précieuses pour l’atténuation du changement climatique. Or, certaines de ses denrées sensibles sont aujourd’hui largement produite à destination des agrocarburants de première génération.
Précieuses, les forêts tropicales le sont aussi pour la biodiversité – elles abritent 80% de la biodiversité terrestre – et M. le Ministre de la transition écologique et solidaire n’est pas sans savoir que l’extinction en cours des orangs-outangs, qui ont perdu la moitié de leur population en à peine quinze ans, peut être intégralement imputée à la culture de l’huile de palme en Indonésie et en Malaisie.
Le plan climat présenté par M. le Ministre en juillet 2017 prévoit de « mettre fin à la déforestation importée » en son quinzième axe.
C’est un objectif louable que partage Mme Mathilde Panot ainsi que les députés de la France insoumise, objectif partagé également par toutes les associations écologistes. Alors que le Parlement européen a voté le 17 janvier dernier un amendement pour réguler fermement les importations d’huile de palme en Europe, et notamment d’exclure le diesel à l’huile de palme des énergies dites renouvelables (avec toutes les aides publiques qui s’ensuivent), le feu vert a été donné à Total pour un projet de raffinerie de biocarburants à La Mède, fondé sur importations massives d’huile de palme : jusqu’à 450 000 tonnes d’huile de palme brute par an, soit plus de la moitié de la consommation française actuelle à elle toute seule.
Mme Brune Poirson a défendu le 29 mai lors de la séance de question au gouvernement ce projet au motif qu’il permettrai de conserver 250 emplois. Mme Mathilde Panot considère que Total a les moyens de conserver ces emplois sans mettre en œuvre un projet désastreux pour l’environnement : c’est d’ailleurs ce que soutient également la CGT sur place, qui propose des projets alternatifs et que, de manière incompréhensible, M. le Ministre de la transition énergétique et solidaire n’a jamais daigné recevoir.
En termes de lutte contre la déforestation importée, Mme Mathilde Panot constate qu’il y a là une contradiction insurmontable. Aucun accord contraignant juridiquement n’a été conclu avec Total relativement à l’importation d’huile de palme : le texte de l’arrêté préfectoral qui donne l’autorisation d’exploitation de la bioraffinerie est totalement muet sur le sujet.
La France, au niveau européen, s’oppose à l’horizon d’interdiction des agrocarburants de première génération, dont l’huile de palme, dans les négociations en cours sur la nouvelle directive sur les énergies renouvelables. Elle se pose ainsi en porte-à-faux tant avec la Commission, qu’avec le Parlement et certains États membres, comme les Pays-Bas, la Norvège ou l’Allemagne, qui tous souhaitent organiser une sortie raisonnée des agrocarburants de première génération, en commençant par les plus nocifs pour l’environnement.
Ce jeudi 31 mai, un nouveau trilogue a lieu autour de cette question. Mme Mathilde Panot espère que le gouvernement retrouvera de la cohérence à cette occasion, et préférera notre intérêt collectif à préserver les forêts tropicales à d’improbables intérêts diplomatiques. Avec l’Indonésie, il serait désastreux de penser que quelques avions et quelques armes achetées vaudraient quitus pour détruire la forêt tropicale. Ce n’est ni l’intérêt de la France ni celui de l’humanité.
Mme Mathilde Panot souhaite de ce fait interroger M. le Ministre de la transition écologique et solidaire quant à ses positions et celles de ce gouvernement relativement au projet de la Mède de l’amendement européen sur l’exclusion de l’huile de palme dans les agrocarburants et plus largement sur une sortie progressive du pays des agrocarburants de première génération.